Le père Thierry Becker est décédé, dans la nuit de dimanche à lundi, à l’hôpital de Chtaïbo d’Oran, des suites de la Covid-19, à l’âge de 86 ans. Il y était hospitalisé depuis une semaine et placé en réanimation depuis quelques jours après avoir contracté le virus.
Ceux qui l’ont connu évoquent un homme doux et chaleureux, arborant un sourire avenant et sincère, et parlent volontiers de son combat engagé pour les migrants, que ce soit à Oran, à Maghnia ou, plus récemment, à Tiaret.
“C’est une nouvelle triste pour tout le monde et une perte inestimable pour la communauté migrante entre autres”, nous dit B. Sarah, coordinatrice d’une ONG, qui indique que malgré son âge avancé et sa santé précaire, le père Thierry n’arrêtait pas de travailler en rendant visite aux migrants en situation difficile dans les prisons et les hôpitaux.
Il faut savoir que celui qui fut vicaire général de l’évêque d’Oran, Mgr Pierre Claverie, assassiné en 1996 en compagnie de son chauffeur Mohamed Bouchikhi, est le seul à être autorisé à rendre visite aux détenus de confession chrétienne à Oran, en dehors du Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
Pour Leïla Tennci, directrice de la bibliothèque CDES Sophia, cette perte la laisse “orpheline” de celui qui l’appelait “ma grande” et disait de ses frères et sœurs “mes enfants”. Elle aussi évoque celui “qui, malgré son âge et sa maladie, se déplaçait, défendait les démunis et les plus fragiles”.
Le père Thierry Becker a été ordonné prêtre à Paris, pour le diocèse d'Oran, en 1962, et depuis, il n’a pas quitté l’Algérie. “Pourquoi quitter ceux auprès de qui je me suis engagé alors qu'eux sont dans la détresse ?” avait-il répondu à des journalistes à l’occasion de la béatification de 19 religieux catholiques assassinés en Algérie, dont les moines français de Tihbirine.
Cette première cérémonie du genre organisée en pays musulman s’est déroulée en décembre 2018 sur l’esplanade de la chapelle de Notre-Dame de Santa-Cruz, à Oran, en présence de quelque 1 200 personnes. Curé de différentes paroisses, directeur de l’enseignement catholique, directeur du Centre d’études diocésain d’Alger, il était présent à Tibhirine, lors de l’enlèvement des sept moines trappistes dans la nuit du 26 au 27 mars 1996. Un épisode qui l’a profondément marqué, lui qui pensait vivre les derniers moments de sa vie.
Maîtrisant parfaitement l’arabe et tamazight, il était apprécié et aimé sur la place d’Oran et menait depuis les années quatre-vingt-dix un vrai combat pour prêter assistance aux migrants africains auxquels il rendait visite aussi bien à Oued Jorgi, à Maghnia, qu’à Tlemcen et dans les rues d’Oran et de Tiaret.
SAïD OUSSAD