Des spécialistes en immunologie préviennent qu’il est quasiment impossible de lancer une véritable campagne de vaccination avec la quantité disponible, qui ne dépasse pas les 100 000 doses.
Maintenant que le défi du lancement de la vaccination contre le nouveau coronavirus est relevé dans les délais exigés par le chef de l’État, un autre pari vient s’imposer et s’annonce déjà difficile à tenir. C’est celui de la répartition équitable des quantités disponibles à travers les 8 000 centres désignés pour l’immunisation des Algériens contre la Covid-19. A priori, les raisons sont évidentes et liées au nombre réduit de doses livrées et réceptionnées jusque-là.
Avec l’arrivée avant-hier, lundi, d’une cargaison de 50 000 doses du vaccin anglo-suédois Astra-Zeneca, l’Algérie totalisait jusqu’à hier un nombre de 100 000 doses en y ajoutant la livraison assurée par le Centre de recherche russe Gamaleïa. À première vue, l’opération de vaccination est loin d’être de tout repos. Elle s’annonce plutôt laborieuse et plus ardue que la bataille engagée par le gouvernement pour l’acquisition du sérum anti-Covid, même si un plan vaccinal a été mis au point et rendu public précédemment. Ces deux premiers chargements réceptionnés permettront-ils de mener réellement cette course à l’immunisation dans la transparence la plus totale sans pour autant connaître de rupture de stocks ou de pénurie ? La question mérite d’être posée aujourd’hui, malgré les assurances renouvelées à chaque occasion par le gouvernement.
Cette interrogation est d’autant plus pertinente, vu que les premières livraisons disponibles ne peuvent assurer la vaccination que de 50 000 Algériens, puisque ce vaccin, dit classique, nécessite deux doses par personne. Les services en charge de l’opération prévoient une deuxième dose 21 jours après la première injection.
C’est ce que stipule, d’ailleurs, le protocole de vaccination adopté par le Comité scientifique de suivi de l’évolution de la pandémie de Covid-19. Au-delà de la cacophonie ou de la polémique nées précédemment autour de la gestion du dossier d’approvisionnement en vaccin anti-Covid, des spécialistes en immunologie préviennent qu’il est quasiment impossible de lancer une véritable “offensive” vaccinale avec la quantité disponible, qui ne dépasse pas les 100 000 doses. “Par définition, si l’on veut réellement atteindre l’objectif d’une immunité collective dans les meilleurs délais, cette quantité livrée doit être multipliée par dix avant de procéder au lancement de l’opération. Pour espérer pouvoir protéger les plus vulnérables des Algériens, il faudra penser à vacciner près de 70% de la population”, avertissent encore des immunologues. Ce commentaire scientifique confirme, une nouvelle fois, que les autorités ne se sont pas prises à temps pour passer les commandes ou les précommandes d’approvisionnement, puisqu’il y a aujourd’hui une grosse pression sur le vaccin anti-Covid. C’est une véritable course contre la montre. Il faut d’ailleurs rappeler que le gouvernement s’inscrit au départ dans le système onusien “Covax” avant que le chef de l’État n’ordonne de commencer à “démarcher” directement chez des fournisseurs de l’antidote, sans pour autant abandonner la formule d’acquisition parrainée par l’OMS.
Ruée vers les polycliniques pour un RDV
Dans tous les cas, les Algériens ont besoin d’un espoir solide. Ils ont aussi besoin d’être informés sur l’évolution de l’opération, d’autant que la demande dépasse de loin l’offre disponible.
Comment va-t-on se déployer pour mener, dans “l’Algérie nouvelle”, cette opération d’envergure, loin des tracas du système de piston et de recommandations qui s’est érigé en règle dans le système de santé ? Même si au début, les gens ne se sont pas montrés aussi pressés pour aller se vacciner, il demeure que depuis la diffusion des premières images de personnes vaccinées aussi bien à Blida qu’à Alger, les citoyens se pressent vers les polycliniques pour s’inscrire et prendre RDV.
Le porte-parole du Comité scientifique de suivi de la pandémie, le Dr Djamel Fourar, a rappelé, dimanche dernier, que “la campagne nationale de vaccination contre la Covid, qui se poursuivra tout au long de l’année, concernera, dans une première phase, les staffs médicaux et les personnes assumant des fonctions stratégiques et importantes dans le pays, les personnes âgées de plus de 65 ans et les malades chroniques”. Les modalités pratiques de vaccination et les critères d’éligibilité s’avèrent théoriquement bien définis. Mais sur le plan pratique, les choses évoluent autrement. À en croire nos sources, “un hôpital d’Alger n’a pu réceptionner que 10 doses seulement pour vacciner le personnel soignant. Comment allons-nous faire pour vacciner les médecins et les infirmiers qui travaillent dans cet hôpital ? Doit-on procéder à un tirage au sort ? La question mérite d’être posée”, s’interrogent des soignants. Néanmoins, le Premier ministre Abdelaziz Djerad a affirmé, avant-hier, que la quantité de vaccins sera suffisante tout au long de cette année.
“Cette opération ne va pas se dérouler sur un ou deux jours, mais elle va s'étaler sur toute l'année”, a assuré Abdelaziz Djerad, peu avant de se faire vacciner à la polyclinique des Sources à Alger. La vaccination anti-Covid en Algérie se décline, en fait, comme une équation à plusieurs inconnues. Les modalités pratiques ou les critères liés à la répartition des quantités ne sont pas officiellement rendus publics.
Les responsables en charge de la vaccination n’ont pas encore fait le point sur l’évolution de l’opération, même cinq jours après son lancement. Dans une déclaration à l’APS, avant-hier, la directrice des approvisionnements à l'Institut Pasteur d’Algérie, Mme Zoulikha Smaï Benkedadra, a rappelé que pas moins d’une vingtaine de wilayas devaient réceptionner lundi soir leurs lots de vaccin russe Sputnik V.
“Ce sont 20 wilayas, de toutes les régions du pays, qui sont concernées par la répartition du vaccin Sputnik V, laquelle a été entamée samedi par celle de Blida, et ce, conformément au dispatching arrêté par le ministère de la Santé. Nous devons terminer aujourd'hui (lundi, ndlr) cette opération”, a-t-elle déclaré. Selon la représentante de l’IPA, les lots destinés aux collectivités locales ont été fixés proportionnellement au nombre de leurs populations respectives et aux cas de contamination au virus qu'elles ont enregistrés, sachant que des représentants des wilayas concernées prennent part à l'opération d'acheminement, depuis l'IPA, des convois qui leur sont destinés et ce, sous une escorte renforcée de la Gendarmerie nationale.
Hanafi H.