Selon Lyès Merabet, on retrouve parmi les patients contaminés par le virus et hospitalisés “une prédominance féminine, des femmes enceintes notamment, mais aussi des enfants en bas âge”.
Liberté : La tension sur les lits d’hospitalisation et sur l’oxygénothérapie persiste-t-elle avec la même intensité, en dépit du léger fléchissement de la courbe des contaminations ?
Lyès Merabet : Bien que nous enregistrions un ralentissement dans la diffusion de la contamination, la situation reste critique dans la majorité des hôpitaux. Cela est dû au nombre important de malades déjà hospitalisés et mis sous traitement, en plus de tous ceux qui continuent à arriver quotidiennement avec un tableau compliqué de la maladie parmi des milliers de patients contaminés. Cela sous-entend une surconsommation en produits pharmaceutiques nécessaires à la prise en charge de ces malades, en particulier l’oxygène qui a manqué à plusieurs reprises dans plusieurs de nos hôpitaux.
La pénurie d’oxygène est-elle la seule cause de la hausse du taux de létalité ?
Plusieurs facteurs conjugués et rassemblés peuvent expliquer les raisons d’une telle hausse, mais les pénuries d’oxygène sont sans aucun doute un élément capital et aggravant dans cette situation.
Quel est le profil des patients hospitalisés ?
C’est un fait établi aujourd’hui que toutes les catégories de personnes, de différents âges, sont concernées, mais le pourcentage des sujets jeunes atteints est nettement supérieur cette fois-ci par rapport aux précédentes flambées épidémiques. Parmi les sujets malades hospitalisés, 30% sont des jeunes âgés de moins de 40 ans. On note aussi une prédominance féminine pour le sex-ratio, des femmes enceintes notamment, des bébés et des enfants en bas âge. Un état des lieux qui renvoie avec certitude à l’hypothèse de la circulation prédominante de nouveaux variants du Sars-CoV-2 sur le territoire national, en particulier le variant Delta.
Que faut-il faire pour diminuer le risque de contamination chez le personnel de santé ?
C’est une véritable hécatombe. Nous avons perdu à ce jour 266 médecins : professeurs, chercheurs, hospitalo-universitaires, médecins spécialistes et généralistes, médecins dentistes, pharmaciens… du secteur public et libéral. Pour ce dernier mois, une liste de 52 praticiens médicaux martyrs du devoir professionnel national engagés dans la lutte contre la Covid-19 a été recensée.
Il est clair qu’il faut agir sur plusieurs facteurs et en même temps pour espérer une meilleure protection des professionnels de la santé. Tout d’abord mettre à leur disposition tous les moyens de protection, leur assurer un dépistage régulier avec un suivi psychologique et une prise en charge médicale, le cas échéant. Il faut, en outre, assurer une meilleure organisation du circuit des soins hospitaliers et extrahospitaliers en identifiant des espaces pour l’hospitalisation Covid-19, agir efficacement sur le respect des mesures barrières et l’application stricte des différents protocoles sanitaires, afin de ralentir la propagation de l’infection, de faire baisser la pression des flux incessants de malades et, par conséquent, de faire baisser la charge virale à laquelle ils sont exposés. La vaccination reste, enfin, un élément capital aussi dans la protection des professionnels de la santé puisque toutes les études publiées récemment apportent la preuve que le professionnel vacciné est protégé des formes graves de la maladie.
Beaucoup de professionnels de la santé plaident en faveur d’un confinement total et de l’externalisation de la prise en charge des patients Covid-19. Partagez-vous cet avis ?
Personnellement, je suis pour un confinement plus large dans l’espace temps avec une application stricte de toutes les autres mesures barrières au niveau personnel et le respect des protocoles sanitaires décidés pour les différents secteurs d’activité. Le Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP) avait saisi au mois de mars 2020 respectivement le ministre de la Santé et le Premier ministre, et fait des propositions, dont celle de dégager des espaces qui seraient dédiés à l’hospitalisation des patients Covid-19 loin de l’hôpital.
Comment appréciez-vous l’organisation et la cadence des opérations de vaccination ?
L’opération est loin d’atteindre ses objectifs du fait des faibles quantités de vaccins distribuées au début de la campagne et de la réticence que les citoyens ont manifestée au début devant l’acte vaccinal. Depuis le mois de mai, le rythme s’est accéléré avec l’augmentation sensible des quantités de vaccins distribuées. Il y a un engouement de la population, et c’est tant mieux.
Entretien réalisé par : N. H.