Alger, il est 10h30. Un climat très tendu règne au centre-ville de la capitale. A la Place des Martyrs, lieu de départ de la marche du mardi, un dispositif policier impressionnant est déployé depuis les premières heures de la matinée. Pas le moindre étudiant qui rode dans les parages.
Soudain, des rumeurs commencent à circuler dans la Place. Il y aurait changement du point de départ de la marche. C’est à la rue Didouche Mourad que les étudiants se donnent finalement rendez-vous. Le point de rencontre commence à être relayé sur les réseaux sociaux. C’est l’alerte !
Une cinquantaine de fourgons de police et de camions de canons à eau sont déjà stationnés dans les principales artères du centre d’Alger. Particulièrement le long de la rue Didouche Mourad où les policiers commencent à s’agiter en tout sens. Ils scrutent des yeux le moindre passant et contrôlent toute personne qu’ils jugent suspecte.
Traqués, les quelques étudiants qui tentent de déjouer la vigilance des policiers, prennent refuge dans les boutiques. « Nous sommes en train de faire du Choofing (lèche-vitrine) pour ne pas être embarqués », lance un jeune étudiant à sa sortie d’une boutique de vêtement, reconnaissant un groupe de journalistes habitué à couvrir la marche du mardi.
Un commerçant, resté debout au seuil de la porte de sa boutique, depuis un moment déjà, se montre inquiet face au nombre impressionnant des policiers postés sur les trottoirs, à proximité des magasins. Il désespère aussi de voir des clients arriver. « J’espère qu’il ne se passera rien. Je n’ai jamais vu un dispositif sécuritaire aussi important un jour de semaine », confie-t-il.
Un peu plus haut, du côté de la rue Victor Hugo, plusieurs fourgons cellulaires sont également stationnés. A la différence qu’ils ont déjà̀ fait le plein des arrestations. Les "paniers à salade" sont pleins à craquer d’étudiants et de citoyens fidèles aux marches des mardis.
Là encore, les quelques citoyens éparpillés à attendre l’arrivée des étudiants pour les appuyer, finissent par perdre espoir. Ils s’éloignent les uns après les autres.
A côté, les journalistes, qui ne cessent de faire des aller-retours guettant le moindre mouvement signalant le début de la marche, se retrouvent à tourner en rond. Ils sont interdits de filmer ou de prendre des photos. La scène semble, toutefois, amuser les policiers qui affichent un sourire moqueur. Ils ne manquent pas d’ailleurs de lancer des piques, de temps à autres, comme ce brigadier qui ironise, un air de satisfaction, «il n’y a pas de marche aujourd’hui. Rentrez chez vous… Saha ftourkoum ».
A 13h30, le dispositif policier entame de lever le camp. Le 115e mardi de contestations n’a finalement pas eu lieu. C’est pour la deuxième semaine consécutive que les étudiants sont empêchés de marcher.
Kenza Sifi