Moins d’une semaine après la grandiose commémoration organisée, à Iboudrarène, à la mémoire du colonel Amirouche, l’un des héros de la guerre de Libération, tombé au champ d’honneur en mars 1959, voilà qu’une autre commémoration, non moins grandiose, est organisée, à M’kira, dans la même wilaya de Tizi Ouzou, en hommage au colonel Ali Mellah, à l’occasion du 65e anniversaire de sa mort.
Cet hommage, qui a été à la hauteur du sacrifice de ce valeureux révolutionnaire, a eu lieu, jeudi, dans la commune de M’kira, en présence d’une forte délégation officielle conduite par le wali de Tizi Ouzou, Djilali Doumi, la famille révolutionnaire et les autorités locales.
Les activités ont débuté avec le dépôt d’une gerbe de fleurs devant sa stèle à M’kira, au sud-ouest de Tizi Ouzou, suivi de témoignages ayant mis en exergue l’engagement de cet homme et sa bravoure et des expositions évoquant le combat de ce héros dont la mort n’a pas livré tous ses secrets, selon d’anciens moudjahidine et des proches du héros, à l’instar de son fils Amar qui, de son vivant, n’écartait pas la probabilité de la liquidation de son père. En tout cas, soixante ans après l’indépendance du pays, la mort d’Ali Mellalh continue – tout comme celles d’Abane, d’Amirouche, de Si El-Haouès et d’autres encore – de susciter des interrogations.
Ali Mellah, dit Si Chérif, est, dit-on, tombé au champ d’honneur le 31 mars 1957 à Oued Bedj, douar Haïdoura, djebel Chaoun, actuellement commune de Tarek Ibn Ziyad, dans la daïra de Miliana. Cependant, toutes les versions rapportées au sujet de la mort de ce chef de la Wilaya VI convergent vers son assassinat par un membre de l’ALN qui aurait été à la solde de l’armée française, dans un guet-apens qui lui avait été tendu, alors qu’il se dirigeait vers la Wilaya V afin d’aborder et d’étudier avec se pairs les questions d’armement et d’organisation des actions militaires communes.
Les mêmes versions ajoutent qu’après avoir accompli son odieux crime, ce personnage rallia l’armée française et qu’en récompense, il fut promu au grade supérieur. Sitôt la nouvelle de la disparition de Si Cherif annoncée, Amar Ouamrane et Abane Ramdane, ainsi que les maquisards des Wilayas III, IV et VI ont été bouleversés, alors que ce héros organisait minutieusement avec une stratégie extraordinaire la Révolution dans le grand désert.
Malheureusement, le colonel Ali Mellah demeure méconnu des jeunes générations car aucun colloque n’est organisé pour revisiter le parcours de ce vaillant maquisard qui a su, par son intelligence, sa bravoure, son sacrifice et son amour pour son pays, organiser un territoire qui était presque celui des cinq autres Wilayas historiques en l’espace de quelques mois seulement, car il a pris le chemin du désert au lendemain du Congrès de la Soummam, en août 1956, pour mourir en héros ce maudit 31 mars 1957. Ali Mellah est né le 14 février 1924 à Taka, un petit village de quelques dizaines d’habitants, relevant du douar de M’kira dans l’ex-commune mixte de Draâ El-Mizan, en Grande Kabylie.
Il adhère en 1945 au Parti du peuple algérien (PPA) qui le nommera, une année après, chef de secteur dans sa région. En 1947, le futur colonel de la Révolution algérienne fait son entrée dans l’Organisation secrète (OS). Il participe activement au rejet des élections en 1947, si bien que l’armée française se met à ses trousses. Il fuit alors sa région et est nommé chef à Tigzirt. Entre 1948 et 1949, il enseigne à Aïn Bessam (Bouira) avant d’être désigné à la vindicte coloniale. Ali Mellah sera rappelé par le parti pour s’occuper de la région de Dellys.
Dès 1952, il deviendra successivement chef des régions des Ouadhias, de Sidi Naâmane, de Tigzirt et d’Azazga, où il participera au déclenchement de la Révolution dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954. Il s’illustrera, d’ailleurs, le 14 novembre de la même année, lorsque ses soldats réussiront à éliminer 14 soldats de l’armée coloniale. Le 25 janvier 1955, il récupère un important lot d’armes dans un accrochage bien planifié par ses troupes. Il sera blessé la même année et il se repliera dans la région d’Aïn El-Hammam (ex-Michelet) où il sera soigné, tout en continuant à diriger ses troupes. Une année après, Si Chérif organisera l’assaut militaire du poste militaire ennemi d’Aïn El-Hammam.
Étant chef militaire et fin organisateur, il réussira aussi à structurer le FLN dans la région et à participer activement à la préparation du Congrès de la Soummam. En juin 1956, il débarquera avec 200 djounoud en direction de Blida où il devait rencontrer Mohamed Zamoum dit Si Salah, Abane Ramdane, Amar Ouamrane, Slimane Dehilès et Amara Rachid pour prendre part aux préparatifs du Congrès de la Soummam. Ali Mellah ne participera pas à ce congrès à cause d’une urgence signalée dans son secteur.
C’est, d’ailleurs, Amar Ouamrane qui lira le rapport sur le Sud algérien, désormais érigé au statut de Wilaya VI. Ali Mellah sera promu colonel, membre du CNRA et chef de cette wilaya, pour son sens de l’organisation militaire et sa bravoure. Dès le mois de septembre, il inaugurera l’organisation de ce vaste territoire en commençant par structurer ses éléments dans le désert jusqu’au jour où il tombera en héros, le 31 mars 1957.
O. Ghilès