La moudjahida Annie Steiner, militante de la cause algérienne durant la Guerre de libération nationale, est décédée dans la soirée de mercredi dernier à Alger à l'âge de 93 ans.
Elle a été inhumée jeudi au cimetière d'El Alia. Née en 1928 à Hadjout (ex-Marengo), Annie Steiner s’est engagée en faveur de la cause nationale au lendemain du déclenchement de la Révolution du 1er Novembre 1954 après avoir constaté l’oppression et l’injustice du colonialisme français envers le peuple algérien.
La défunte a eu droit à d'émouvantes obsèques, en présence de certains de ses compagnons de lutte pour l'indépendance du pays, d'amis et d'officiels dans une atmosphère empreinte de recueillement. Annie Steiner a toujours vécu “dans son pays de cœur et d'adoption, et elle s’est consacrée au service de celui-ci”, s’accordent à dire ses proches qui ont rappelé son abnégation et son suprême sacrifice pour l'Algérie.
En effet, “Annie a renoncé à sa propre famille, ses deux filles et son époux, ainsi qu'à sa nationalité d'origine (française) pour se consacrer corps et âme à l'idéal de souveraineté du peuple algérien”, ont expliqué ses amis et ses compagnons de lutte, présents à l’enterrement.
Durant ce moment fort en émotions, l’autre moudjahida, Louisette Ighilahriz, dira : “C'est ma sœur.” Elle a tenu à être présente pour témoigner de “la douleur de l’arrachement à ses filles que les forces de police coloniale ont fait subir à la défunte, en sus des supplices infligés en prison, sans que cela n'entame sa détermination à aller au bout de l'idéal auquel elle a cru”.
Pour sa part, Tahar L’Hocine, moudjahid de la Zone autonome d'Alger puis de la Wilaya IV, se souvient de la défunte : “J'ai connu Annie en 1956 lorsqu'elle militait aux côtés de Hassiba Ben Bouali, de Daniel Timsit et de tant d'autres.
Je me souviens encore de son arrestation, le 15 octobre de la même année. Elle a toujours été une brave femme et refusé les feux de la rampe.” “Annie Steiner a fait partie de ces Français d'origine ayant refusé de cautionner l'oppression du peuple algérien et a cru en le droit de ce dernier à son indépendance, allant jusqu'à renier son appartenance à la France coloniale, en dépit du choix qui s'est offert à elle d'obtenir les deux nationalités, française et algérienne.
Ce pourquoi, les Européens ayant épousé la cause algérienne ont été torturés plus cruellement que les Algériens, car considérés comme des traîtres”, témoigne la moudjahida de la Fédération FLN de France, Salima Bouaziz. Dans le quartier où elle habitait jusqu'à sa mort, Ferhat Boussaâd (ex-Meissonier), Annie Steiner était “connue de tous, mais vivait très modestement et ne claironnait pas qu'elle avait fait la guerre et a été emprisonnée”.
Ancienne enseignante et formatrice, Fadéla Sahraoui a connu la disparue en 1955, sur les bancs de l'université. Elle tient à relever que “c'est grâce à Annie Steiner qu'elle s'est initiée au militantisme pour la cause féminine et pour l'indépendance du pays”. Elle a pu poursuivre des études à l'université.
Diplômée en 1949, elle travaille dans les centres sociaux algériens créés par Germaine Tillion avec pour mission de soigner et d’alphabétiser la population. Arrêtée en 1956 pour “activités subversives”, elle sera condamnée à six reprises et incarcérée, et subira, en prison, les pires sévices psychologiques et physiques de la part de l'administration coloniale.
B. K.