L’Actualité DROIT DE REGARD

Autoritarisme, démocratie et géopolitique

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Mustapha HAMMOUCHE Publié 29 Janvier 2022 à 23:08

© D. R.
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Après le Mali, c’est au tour du Burkina Faso de s’offrir un nouveau au coup d’Etat. Partout, sur le continent, les armées s’emploient à rectifier les évolutions politiques, souvent obtenues au prix de sacrifices populaires, en déposant les régimes qui leur ont un jour succédé. Parfois, elles interviennent, selon diverses modalités, pour contrer ces mutations alors qu’elles ont à peine débuté. 
Comme dans le cas du Soudan, il s’agit parfois des véritables coups d’Etat contre la volonté populaire. Mais on ne peut pas dire que les régimes “civils” renversés – et qui ne sont parfois que d’apparence civile — constituent des exemples de démocratie. Outre les fraudes et la répression, les triturations constitutionnelles visant à perpétuer les présidences en place constituent un vrai syndrome africain. Pas seulement africain, d’ailleurs : il y a un mouvement universel de recentrage autoritaire s’appuyant sur divers référents idéologiques : nationaliste en Russie, communiste en Chine, islamo-nationaliste en Turquie, panarabiste en Egypte et même “démocratique” comme en Tunisie et au Burkina Faso…
Même l’idéal libéral, au sens politique du terme, de l’Europe n’a finalement pas convaincu toutes les “démocraties populaires” du bien-fondé de leur conversion démocratique. L’Union européenne est ainsi contrainte de composer avec les nationalismes et les conservatismes sectaires d’anciens pays du bloc de l’Est pour ne pas avoir à créer le précédent d’une exclusion. La chute du Mur de Berlin, qu’on croyait avoir marqué une “fin de l’Histoire”, n’aura pas suffi à rendre irréversible  le saut démocratique dans la partie est du Vieux Continent. 
Le monde se “bipolarise” à nouveau, mais avec la condition nouvelle que l’antinomie entre système autoritaire et système démocratique ne constitue plus la ligne de démarcation entre les deux camps. Le fil conducteur de la structuration du monde autoritaire réside dans le huis clos dans la gestion des droits de l’Homme et libertés publiques dont tous ces régimes ont besoin.  Désormais, des puissances – Russie, Chine, Turquie… – se déploient, chacune dans sa zone d’influence, comme parapluies protecteurs de cet autoritarisme renaissant. 
Devant la masse de régimes verrouillés et le populisme qui leur vient en soutien, le monde démocratique ne peut que respecter la liberté de sévir qui sanctionne bien des peuples et qui a fini par être intégrée comme élément de souveraineté. 
La “crème” de l’autoritarisme mondial sera visible, le 4 février prochain à Pékin, pour l’inauguration des Jeux olympiques d’hiver.  En invité vedette, Vladimir Poutine assistera à l’ouverture de Jeux, dont son pays est banni pour usage “systémique” du dopage ! Autour du tandem Jinping-Poutine prendront place, entre autres autocrates, le président égyptien Al-Sissi et le prince héritier saoudien Ben Salmane. A noter que le boycott “diplomatique” et la sous-représentation de pays occidentaux constituent un geste de dénonciation de la répression endurée par la communauté musulmane Ouïghour ! Y siègera aussi le président du Kazakhstan qui, avec l’aide de l’ami Poutine, vient de réprimer dans le sang un soulèvement populaire dans son pays. L’Europe sera “représentée” par le chef de l’Etat le plus sectaire de l’Union, le président polonais Andrzej Duda. 
Le monde multipolaire post-Perestroïka n’a pas duré. Il est vite  entré dans un processus de bipolarisation, fondé non plus sur une opposition de systèmes, libéral et étatiste, mais sur une différence d’approche sur le statut du citoyen. Sinon, quelle communauté idéologique entre le régime islamiste du Pakistan, la royauté théologique d’Arabie, l’autoritarisme militariste et panarabiste d’Egypte, le multipartisme enchaîné de la Russie, le communisme de marché de la Chine ou les  dictatures de “transition” d’Afrique ? C’est juste qu’ils partagent un même resserrement répressif de l’espace politique, de la vie sociale et de l’expression citoyenne. 
Chez nous, la grève de la faim entamée ce vendredi par une quarantaine de détenus d’opinion est significative des effets du raidissement arbitraire de régimes autoritaires : ce mode de protestation extrême exprime en général le fait que les concernés ont fini par désespérer d’obtenir justice par les voies de recours formelles.
Parce que les Algériens ont trop sacrifié pour leurs libertés, le pays mérite d’accéder au statut de pays démocratique.
 

M. H.
[email protected]

 

 

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