Le chef d’état-major de l’Armée nationale populaire, Saïd Chengriha, a réclamé jeudi l’assistance de Paris pour la décontamination des anciens sites français d’expérimentation nucléaire dans le Sud algérien et la récupération des archives des zones d’enfouissement du matériel radioactif.
Au cours d’une entrevue axée sur la coopération militaire entre les deux pays, Saïd Chengriha a également sollicité le soutien du général Lecointre en visite à Alger pour inclure ce point au menu de la 17e session du groupe algéro-français, prévue en mai prochain.
“Je tiens à évoquer la problématique des négociations au sein du groupe algéro-français, au sujet des sites d’essais nucléaires et des autres essais au Sahara algérien, où nous attendons votre soutien, lors de la 17e session du groupe mixte algéro-français, prévue en mai 2021, pour la prise en charge définitive des opérations de réhabilitation des sites de Reggane et d’In Ekker, ainsi que votre assistance pour nous fournir les cartes topographiques permettant la localisation des zones d’enfouissement, non découvertes à ce jour, des déchets contaminés, radioactifs ou chimiques”, s’est adressé Saïd Chengrina à son homologue français, selon un communiqué du ministère de la Défense nationale.
En l’espace de deux mois seulement, c’est la troisième fois que les hautes autorités algériennes reviennent à la charge sur cet l’héritage colonial radioactif, l’érigeant ainsi comme l’un des principaux contentieux mémoriels entre Alger et Paris.
“Ces événements ne s’effacent pas de l’histoire des nations par prescription”, avait déjà averti le président Tebboune le 19 mars, anniversaire du cessez-le-feu de la guerre de Libération. La remise des cartes d’enfouissement des déchets nucléaires est “un droit que l’État algérien revendique fortement, sans oublier la question de l’indemnisation des victimes algériennes des essais”, avait aussi écrit le général Bouzid Boufrioua dans l’édition, début février, de la revue El Djeïch. Selon lui, les explosions ont causé “un grand nombre de victimes” et “des dégâts à l’environnement” qui durent encore jusqu’à présent.
La France avait procédé à un total de 17 essais nucléaires dans le désert algérien entre 1960 et 1966, d’abord sur les sites de Reggane, puis d’In Ekker. Onze d’entre eux, tous souterrains, sont postérieurs aux Accords d’Évian de 1962 qui actaient l’indépendance du pays.
Une clause secrète, qui permettait à la France de disposer de ces sites d’expérimentation pendant cinq ans supplémentaires, explique le silence observé pendant de longues années par Alger qui n’a pas pensé à l’époque à négocier une décontamination des lieux et à exiger la documentation liée à ces essais nucléaires.
Ce n’est qu’en 1996 que la question a été posée officiellement par l’ancien ministre des Moudjahidine Saïd Abadou qui, à partir du “point zéro” de l’impact de Gerboise bleue, a dénoncé le crime. Côté français, l’idée de rouvrir ce dossier commence à faire son chemin.
Dans son rapport qu’il a remis en janvier au chef de l’État Emmanuel Macron, Benjamin Stora a appelé à aborder le dossier du legs nucléaire pour “réconcilier les mémoires” et “regarder l’histoire en face”.
L’historien a préconisé, en outre, “la poursuite du travail conjoint concernant les lieux des essais nucléaires en Algérie et leurs conséquences”, en référence à la commission installée en 2007, dans le sillage de la visite à Alger du président Sarkozy, pour établir un diagnostic de la situation.
De multiples autres groupes de travail mixtes ont été créés, notamment sous la présidence de François Hollande, pour se pencher sur la question des archives et sur celle des disparus de la guerre de Libération. Mais depuis, rien n’avait filtré sur leur travail jusqu’à août 2020. Le ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni, avait alors soutenu que ces diverses commissions reprendraient leurs conclaves après la pandémie de Covid-19.
Nissa H.