Les premiers résultats du scrutin législatif anticipé renforcent la défiance qui domine la vie politique nationale. La nouvelle donne appelle des révisions déchirantes à même de rétablir la confiance pour mieux se préparer à affronter les défis auxquels fait face le pays.
Au lendemain de la tenue des législatives anticipées et la communication des chiffres provisoires sur les taux de participation, quelques constats s’imposent.
D’abord, le courant abstentionniste, qui s’affirme comme étant le plus grand parti d’Algérie, vient d’infliger un nouveau camouflet au pouvoir central : avec un taux d’abstention provisoire avoisinant les 70% (qui font suite aux 60% enregistrés lors de la présidentielle de décembre 2019 et les 77% à l’occasion du référendum sur la Constitution) les Algériens persistent dans leur rejet de la feuille de route politique imposée par le pouvoir dès la déchéance de Bouteflika au printemps 2019.
Une situation qui ne semble pas incommoder le chef de l’État, Abdelmadjid Tebboune, lui qui avait devancé les pronostics en déclarant que “(…) le taux de participation n’a pas d’importance. Ce qui m’importe, c’est que ceux pour lesquels le peuple vote aient une légitimité suffisante”. Les “élus”, portés à l’APN malgré ce boycott massif et un minimum de voix, pourront-ils pour autant se targuer d’une quelconque légitimité populaire?
Rien n’est moins sûr puisque tout Parlement doit être suffisamment représentatif du peuple pour pouvoir porter ses revendications et jouer son rôle de contrepoids de l’Exécutif. Et non pas acquiescer, les yeux fermés, à la moindre recommandation du gouvernement comme cela a toujours été le cas. Ce qui, au regard du déroulement des législatives de ce 12 juin et de ses résultats annoncés, ne devrait pas changer.
Le deuxième constat qui s’impose est que l’argumentaire porté par la partie du Hirak et de l'opposition politique s'étant opposée aux législatives n’était pas dénué de pertinence. Et a, sans doute, eu son impact sur la décision de la population de tourner le dos à une campagne électorale souvent ubuesque, parfois marquée par des dérives, avant de finir par bouder les bureaux de vote.
L’interdiction des manifestations populaires, la répression qui frappe les activistes du Hirak depuis plusieurs semaines (plus de 200 détenus politiques, selon le CNLD), la multiplication des poursuites judiciaires ne sont pas non plus étrangères à l’importance de l’abstention enregistrée.
“Le mouvement de contestation (…) montre que l’enjeu majeur ne peut être réduit à l’acte de vote”, souligne le politique Belkacem Benzenine qui ajoute que “(…) les comportements et les dérapages de certains candidats et chefs de partis politiques ont accentué le sentiment de méfiance des citoyens” et les a dissuadés de se rendre aux urnes.
Cette défiance envers le pouvoir et ses représentants s’est, une nouvelle fois, manifestée en Kabylie qui a enregistré les plus bas taux de participation et quelques affrontements avec les forces de l’ordre. “Une abstention de conviction qui n’est pas pour surprendre”, estime Belkacem Benzenine qui appelle à ne pas négliger cette donne politique.
S. OULD ALI