Au lendemain de la mort tragique d’une étudiante dans sa chambre, le ton est à la colère chez la famille universitaire qui n’hésite pas à dénoncerdes conditions d’hébergement lamentables dans les résidences.
À la résidence universitaire Ouled Fayet II, dans la banlieue sud-ouest de la capitale, l’atmosphère est lourde. La cité semble être dépeuplée au lendemain de la mort tragique de la jeune étudiante de 24 ans, Nacéra, suite à l’explosion d’une bonbonne de gaz dans sa chambre. Sur les visages des rares étudiantes qui quittent leur hébergement de “fortune” pour rejoindre leurs classes, la colère et la tristesse se lisent sur les visages.
La gorge nouée, les yeux cernés, Amel, une jeune résidente de 22 ans, qui connaissait la défunte, a du mal à trouver les mots pour exprimer sa peine. “Nacéra n’est pas la première victime de l’abandon. Nous avons dénoncé plusieurs fois les conditions d’hébergement catastrophiques dans cette cité. En vain.
Nous sommes constamment humiliées et abandonnées”, se désole-t-elle. Et d’ajouter : “Cela fait plus de quatre ans que je réside ici, rien n’a changé. Et plus le temps passe, plus la vie devient insoutenable.” Un peu plus loin, à la cité universitaire de filles d’Ouled Fayet I, une ancienne caserne militaire transformée en dortoir pour les étudiantes, Zohra, de l’université d’Alger 3 (ITFC), ne s’est pas fait prier pour se lâcher.
La jeune fille originaire de Djanet, dans l’extrême sud du pays, affirme que “les femmes, responsables des pavillons, débarquent, souvent, au milieu de la nuit, dans nos chambres sans demander la permission”. Elle et ses camarades de chambre constatent, presque chaque matin, la disparition de leurs effets.
“Nous n’avons aucune intimité”, clame-t-elle. Zohra semble en avoir gros sur le cœur. Elle aborde également le manque d’hygiène flagrant qui caractérise leur cité. Elle assure croiser “très rarement” des femmes de ménage. “Je ne me souviens plus quand j’ai croisé des agents d’entretien. Ce doit être, il y a une semaine. Peut-être plus.
En tout cas, même quand elles sont là, on ne remarque pas la différence”, affirme-t-elle. Le nettoyage est généralement superficiel. Une autre jeune résidente à la cité Ouled Fayet III jure que la situation est autrement plus dramatique. “Nous sommes quatre filles entassées dans une chambre exiguë. C’est à peine si nous pouvons bouger. Bien que je sois issue d’une famille nombreuse et très modeste, je n’ai jamais été confrontée à pareille misère”, se confie Houda, une jeune femme de 22 ans, originaire de Relizane, à l’ouest du pays.
Houda, qui, depuis un moment, ne quitte pas des yeux une affiche collée au mur délabré faisant office de clôture de la cité, se tait pendant un bref instant, hésite, puis finit par lâcher le morceau. L’état des douches communes et la stricte limitation du temps pour y accéder expliquent pourquoi les propriétaires des bains maures de la région privilégient l’affichage publicitaire autour de la cité.
Ces jeunes étudiantes rencontrées ne comptent pas assister à leurs cours. Elles se sont donné rendez-vous devant l’Office national des œuvres universitaires (Onou) de Ben Aknoun, où une centaine de leurs camarades tient déjà un rassemblement en fin de matinée.
Ils sont venus manifester leur colère devant le siège des premiers responsables du secteur pour interpeller les hautes autorités du pays pour trouver des solutions à leur calvaire.
Révoltés par les conditions de vie lamentables dans les cités universitaires, les futurs diplômés ont fait vibrer les lieux par des slogans inspirés du mouvement populaire du 22 Février : “Dégage ! Dégage !”, “Quelle honte ! un gouvernement sans prise de décisions”, “C’est notre droit et pas une faveur”…
“Nous sommes là pour dénoncer ce secteur où règnent la corruption et le mépris. Nacéra est morte aujourd’hui, demain ce sera moi ou un autre”, se révolte Zakaria, un étudiant de l’École supérieure des sciences et de la technologie du sport de Dely Ibrahim. Et d’ajouter : “Nous en avons marre de la politique de la fuite en avant. La mort de notre camarade n’est pas un accident. C’est un crime dont les seuls responsables sont les autorités compétentes.”
La version des faits ayant conduit à la mort de leur jeune camarade, avancée samedi par le ministère de l’Enseignement supérieur est venue d’ailleurs ajouter un peu plus de confusion. Alors que la Protection civile affirme que le décès de la jeune Nacéra Bekkouche est dû “à une explosion d'une bouteille de gaz (camping gaz)”, le ministère de tutelle soutient que “le décès de l'étudiante est intervenu à la suite d’un court-circuit électrique à l'intérieur de sa chambre et non à l'explosion d'une bouteille de gaz”. Une enquête des services de sécurité est toujours en cours pour déterminer les circonstances exactes de la mort de la jeune étudiante.
Kenza SIFI