Que représentent les 800 000 doses réceptionnées par rapport au nombre d’Algériens ciblés qui est estimé entre 18 et 20 millions ? La campagne reste à la traîne, malgré les assurances du gouvernement.
Trois mois après son lancement officiel, soit le 30 janvier dernier, la campagne nationale de vaccination anti-Covid tâtonne encore. Les quantités réceptionnées demeurent insignifiantes par rapport au nombre d’Algériens éligibles à l’opération. Les doses disponibles jusqu’au mois en cours sont loin de pouvoir booster la cadence.
Les livraisons de vaccins assurées jusque-là n’ont même pas encore atteint le chiffre d’un million de doses. Que représentent les 800 000 doses réceptionnées par rapport au nombre d’Algériens ciblés qui est estimé entre 18 et 20 millions ? La campagne reste à la traîne, malgré les assurances du gouvernement.
Ce constat navrant est largement partagé et décrié par plusieurs professionnels de la santé, notamment ceux qui mènent encore la guerre sanitaire induite par le coronavirus qui a tué jusque-là plus de 3 100 personnes en Algérie. Ces constats fondés sur des vécus quotidiens et des échos qui parviennent des structures sanitaires restent singulièrement plausibles, à défaut d’une communication officielle, notamment sur le nombre de personnes vaccinées ou des stocks restant.
Pour le Pr Ryad Mahiaoui, membre du Comité scientifique de suivi de la pandémie, “le rythme de la vaccination est en rapport direct avec la réception des doses, et tous les intervenants dans la campagne de vaccination œuvrent à accélérer sa cadence, qui dépend de l'acquisition du vaccin”.
La déclaration faite par le Pr Mahiaoui, hier à la radio Chaîne 3, vient ainsi confirmer implicitement que l’attente des inscrits dans des centres de vaccination ou sur la plateforme numérique du ministère de la Santé risque d’être encore plus longue que prévue.
Autant dire que la campagne de vaccination annoncée tambour battant par le gouvernement est encore à la case départ, alors que d’autres pays, nos voisins, parlent désormais de million de personnes inoculées, alors qu’en Algérie, l’opération n’arrive à s’installer ni dans l’espace sanitaire et encore moins dans l’espace public.
Les 18 000 centres de vaccination retenus continuent, notamment ceux qui n’ont pas encore épuisé les stocks livrés, à vacciner à petites de doses la population concernée. Alors que les services en charge de l’opération, une fois interpellés, préfèrent parler de “rationalisation” dans la distribution des doses, une manière de faire croire que la vaccination ne s’est jamais arrêtée.
Cette situation désolante est fortement décriée par les syndicats de la santé qui ne manqueront pas de rappeler, pour la circonstance, que la confiance entre le gouvernant et le gouverné se mesure aussi par cet acte vaccinal.
À en croire le Dr Lyès Merabet, président du Syndicat national des praticiens de la santé publique, la question de l’indisponibilité du produit de protection contre la Covid-19 a fortement impacté l’opération.
“Si on continue à ce rythme le vaccination, on aura besoin de tout un quinquennat pour parvenir à vacciner la population cible qui est de l’ordre de 20 millions. Les 800 000 doses livrées sont infimes, si on en déduit celles des personnels priorités. On conclura donc qu’on est vraiment loin du compte”, déplorera le médecin de l’EPH de l’Arba. À qui incombe cette situation ?
Pour le patron du SNPSP, “les responsables du secteur de la santé sont vraiment dans la gêne en ne pouvant pas satisfaire la demande, mais la responsabilité de cette situation incombe totalement au gouvernement et à l’État.
L’implication du ministère de la Santé se limite à établir un programme des besoins et un plan national de la campagne de vaccination”. Pour sa part, le Dr Sid Ahmed Mouzaoui, président de l’Association des médecins libéraux de la wilaya de Blida, estime que le gouvernement devait au départ multiplier les contacts et les commandes avec les producteurs du vaccin : “Il aura fallu au lendemain de l’apparition des premiers résultats des essais cliniques entamer des négociations avancées avec les fournisseurs.”
Et de poursuivre : “ Le gouvernement, qui est en train de se démener pour importer des produits alimentaires, devrait plutôt batailler plus pour assurer la sécurité sanitaire, en passant des commandes auprès de tous les producteurs de l’antidote.” Et qu’en est-il de la vaccination des soignants ?
Pour le Dr Lyès Merabet, “la campagne tâtonne encore aussi du côté des médecins, des paramédicaux et autres soignants”. “On a vacciné à peine 5 à 6% des 500 000 soignants travaillant dans des structures sanitaires aussi bien publiques que privées. On est encore loin”, regrettera le président du Syndicat national des praticiens de la santé publique.
Hanafi HATTOU