Au-delà des faits avérés ou non de corruption qui sont reprochés à l’ancienne ministre de la Culture, sa détention provisoire longue de près de 2 ans et demi, depuis le 4 novembre 2019 plus exactement, dans l’établissement pénitentiaire de Koléa, suscite bien des interrogations.
Reporté à trois reprises, le 3 février dernier, d’abord à la demande des avocats de la défense après le retrait d’un avocat de l’un des accusés dans cette affaire, puis le 17 février à la demande du collectif de défense des autres accusés dans la même affaire et, enfin, le 3 du mois en cours par le juge pour pouvoir convoquer des témoins, le procès de l’ancienne ministre de la Culture, Khalida Toumi, se tiendra ce jeudi 17 mars au tribunal de Sidi M’hamed, à Alger. Plusieurs responsables du secteur de la culture sont également poursuivis dans cette affaire, notamment ceux qui étaient en charge de la gestion des manifestations culturelles comme “Tlemcen, capitale de la culture islamique”.
C’était en décembre dernier que l’instruction du dossier de Mme Toumi a été bouclée. “Le dossier de ma mandante a été gelé pendant un mois, son audition sur le fond n’a pas été programmée et ses demandes de liberté ont été refusées. Puis en trois semaines, l’instruction a été clôturée, ce qui signifie que son procès est prévu dans quelques jours. C’est une bonne nouvelle”, s’était félicité Me Boujdemâa Ghechir dans une déclaration faite fin décembre 2021 à El Watan. Il reste que le procès de ce jeudi est assez attendu par l’opinion publique nationale au vu du statut et de la stature de Mme Toumi, longtemps considérée comme une icône du combat pour les droits des femmes et pour les libertés en général avant d’intégrer le gouvernement de Bouteflika en 2002, qu’elle ne quittera que 12 ans plus tard, soit en 2014.
Ce procès est aussi attendu car, pour la première fois, l’ancienne ministre aura enfin l’occasion de se défendre et de s’expliquer sur les graves accusations de corruption portées contre elle. Car dans cette affaire, l’ancienne ministre de Bouteflika est poursuivie pour plusieurs chefs d’inculpation, à savoir “abus de fonction, dilapidation de deniers publics et octroi d’indus avantages”. Il faut dire que son incarcération a eu lieu à la suite d’une lettre anonyme dans laquelle des accusations avaient été portées à son encontre. En somme, c’est la gestion des manifestations culturelles organisées durant la période où elle a été dans le gouvernement, comme “Tlemcen, capitale de la culture islamique’’ organisée en 2011, qui est reprochée à Khalida Toumi.
On se souvient de l’affaire de la location d’un chapiteau géant, doté d’une scène de 750 m2, avec une superficie de 5 000 m2 et d’une hauteur de 21 mètres, pour les besoins de cette dernière manifestation, et qui avait fait couler beaucoup d’encre. Mme Toumi avait soutenu que ce chapiteau avait été commandé par l’EGT Club-des-Pins à une firme allemande et son ministère n’avait pas été consulté. Ayant enregistré la participation de 24 pays islamiques et non islamiques et près de 500 000 personnes, dont près de 7 000 étrangers, la manifestation “Tlemcen, capitale de la culture islamique” avait coûté au Trésor public des sommes astronomiques dépassant les 125 milliards de dinars.
Le coût avait été révélé par le financier du ministère de la Culture, lors d'une conférence de presse-bilan, tenue le 5 avril 2012 au centre international de presse Rachid-Baba-Ahmed et présidée par Abdelhamid Belblidia, coordonnateur général de la manifestation en question. Au-delà des faits avérés ou non de corruption, qui sont reprochés à l’ancienne ministre de la Culture, sa détention provisoire, longue de près 2 ans et demi, soit depuis le 4 novembre 2019 plus exactement, dans l’établissement pénitentiaire de Koléa, a suscité bien des questionnements et surtout une dénonciation de la part des avocats de l’auteure d’Une Algérienne debout qui l’ont assimilée à une “condamnation”.
Dans sa déclaration à El Watan, Me Boudjemâa Ghechir n’avait pas hésité à qualifier le prolongement de la détention provisoire de sa cliente d’“injustifié” et de “contraire” aux dispositions de la Constitution et aux conventions internationales ratifiées par l’Algérie. Il faut dire que tout au long de sa détention, Mme Toumi a bénéficié du soutien de certaines personnalités publiques comme la moudjahida Zohra Drif et la pasionaria du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune.
A. C.