L’étau judiciaire se resserre de plus en plus autour de nombreux ressortissants algériens — comme l’ancien ministre de l’Industrie Abdeslam Bouchouareb — qui, pour échapper aux foudres de la justice algérienne, se sont réfugiés au Liban. Avec l’accord d’extradition signé hier à Beyrouth entre les deux pays, c’est probablement la fin de la cavale pour l’enfant d’Oum El-Bouaghi et ami de Saïd Bouteflika, en prison depuis mai 2019, qui est soupçonné d’avoir amassé une grande fortune du temps où il était à la tête du secteur de l’industrie.
En effet, le ministre algérien de la Justice, Abderrachid Tabi, et son homologue libanais, Henri Khoury, ont procédé à la signature de deux conventions relatives à l'extradition de criminels et à la coopération judiciaire dans le domaine pénal. Ont pris part à la cérémonie de signature de ces conventions trois responsables algériens : le conseiller du ministre de la Justice, Boudraâ Bouaziz, l’ambassadeur d’Algérie au Liban, Abdelkrim Rakibi et le conseiller de l’ambassade, Kamel Arous. “J’ai le plaisir de rencontrer en cette occasion particulière mon ami le ministre libanais de la Justice et de signer deux accords judiciaires importants pour les deux pays.
Je saisis cette occasion pour souligner la solide et historique amitié entre les deux pays et le niveau de fraternité des relations fondées sur le respect, la solidarité et l'harmonie des positions aux niveaux régional et international”, a déclaré M. Tabi, cité par l’agence de presse libanaise NNA, avant d’ajouter : “Ces accords sont le meilleur mécanisme pour faire face à l'évasion de la responsabilité pénale, et en les signant, nous aurons établi pour nos deux pays un cadre global qui les protégera des menaces criminelles.” Pour sa part, le ministre libanais de la justice a soutenu que “la signature des deux accords est le résultat d'une action conjointe entre le Liban et l'Algérie, après un retard causé par la pandémie de coronavirus.” “Cette signature est un début fructueux qui va accroître les bonnes relations qui lient les deux pays”, a-t-il ajouté, non sans émettre le vœu que “les accords bilatéraux se développeront au profit des deux pays”.
Avec ces deux conventions, c’est la fin inéluctable de l’asile libanais pour l’ancien ministre, qui est sous le coup d’un mandat d’arrêt international lancé contre lui en juillet 2019, pour peu que la partie algérienne formule la demande de son extradition. Avec la saisie des biens détenus à Alger par le ministre fugitif après qu’il a procédé à la vente, il y a quelques semaines, de deux luxueux appartements à Paris pour 2,18 millions d’euros, tout porte à croire que les autorités algériennes vont demander sous peu son rapatriement pour qu’il réponde devant la justice algérienne des graves faits de corruption qui lui sont reprochés. Il faut dire que l’ancien ministre de l’Industrie a été déjà condamné par contumace à une peine cumulée de 20 ans de prison ferme dans plusieurs affaires liées à l’octroi d’indus avantages dans les marchés publics, violation de la loi, dilapidation de deniers publics, abus de pouvoir et de fonctions, corruption, etc. Il s’est surtout distingué dans le dossier du montage de voitures et a été cité dans les affaires TMC, du groupe Global Motor Industry (GMI), dans les affaires Kia El-Djazaïr du groupe Mazouz et du groupe Sovac dont les patrons ont été mis sous mandat de dépôt. Dans ces affaires, de lourds soupçons pèsent sur Abdeslam Bouchouareb, soupçonné d’avoir perçu pas moins de 7 millions d’euros de pots-de-vin.
Autre personnalité qui pourrait voir sa longue cavale tirer à sa fin, l’homme d’affaires et neveu de l’ancien ministre de la Justice Mohamed Bedjaoui, Farid, impliqué jusqu’au cou dans le scandale de Sonatrach. Celui-ci est détenteur de la nationalité libanaise mais aussi algérienne et canadienne, et, pour échapper à toute extradition, il s’est retranché à Dubai, aux Émirats arabes unis, un pays qui a déjà arrêté, en mars 2021, sur la base d’un mandat d’arrêt international, l’ancien P-DG de Sonatrach, Abdelmoumen Ould Kaddour, avant de l’extrader vers l’Algérie le 4 août. Autrement dit, il pourrait, à tout moment, être remis aux autorités algériennes pour l’entendre dans au moins trois affaires liées aux hydrocarbures dans lesquelles il a été condamné. La justice algérienne a déjà émis contre lui un mandat d’arrêt international en 2013 avant que la justice italienne ne lui emboîte le pas en 2014.
A. C.