Dès qu’ell,e entrait dans le hall de l’imposant palais abritant le Conseil de la nation, Me Meriem Belmihoub Zerdani accaparait littéralement l’espace par son charisme.
Grande de taille, le visage émacié et les cheveux noir ébène attachés en un petit chignon sur la nuque, elle ne dérogeait guère à l’élégance vestimentaire. Elle paraissait nettement plus jeune que son âge, à l'époque (elle avait 65 ans à la fin de son mandat de sénatrice en 2001).
Dans le temple parlementaire, elle incarnait la stature iconique de l’ancienne combattante pour l’indépendance de l’Algérie, l’éternelle militante des droits des femmes.
Elle était une célébrité de la deuxième chambre du Parlement, tout comme ses collègues Zohra Drif Bitat et Yacef Saâdi. Éprouvée par l’âge et probablement la maladie, Me Zerdani s’est éclipsée discrètement de la scène publique, ces dernières années.
Elle a quitté ce monde pour l’éternité, ce mardi 27 juillet. Avec sa disparition à l’âge de 86 ans, un autre pan de l’histoire du pays s’efface de la mémoire collective. Née Belmihoub, Meriem grandit dans une famille engagée. Son père, cheminot, militait dans les rangs de la CGT (syndicat) et dans le Parti du peuple algérien (PPA), créé et dirigé par Messali Hadj.
Étudiante en droit, elle abandonne, en 1955, les bancs de l'université et rejoint les structures du FLN. Une année plus tard, à 20 ans à peine, elle prend le maquis, où elle s’échinait à prodiguer des soins infirmiers à ses compagnons d’armes blessés au front.
Arrêtée en 1957, elle est jugée par le Tribunal permanent des forces armées françaises (une juridiction d’exception). Condamné à une lourde peine privative de liberté, elle sort de prison en juillet 1962, après l’aboutissement des Accords d’Évian. Elle siège pendant deux ans à l’Assemblée constituante.
Elle reprend en 1964 ses études de droit, puis épouse un militant politique, Abdelaziz Zerdani. Pendant des années, Meriem Belmihoub Zerdani se consacre à son métier de cœur : défendre les justiciables dans les salles d’audience. Elle s’essouffle à plaider, dans une dimension plus large, les droits des femmes.
Elle fait partie des féministes qui se sont battues pour l’abrogation du code de la famille, dès 1984, année de sa promulgation conformément aux dogmes de la Chari’a. Après des décennies de revendication, l’édit sera sommairement révisé en 2005. Infatigable, Meriem Belmihoub Zerdani instigue, dans les années 80, la création de l’Association de planification familiale.
Elle se mobilise contre les discriminations à l’égard des femmes. Elle lutte pour une représentativité plus effective de ses concitoyennes dans les institutions élues et dans le gouvernement.
En octobre 1992, elle intègre le staff de Belaïd Abdeslam en qualité de ministre conseiller pour les Affaires juridiques et administratives auprès du chef du gouvernement. En décembre 1997, le chef de l’État, Liamine Zeroual, la nomme sénatrice au titre du tiers présidentiel.
Elle quitte la Chambre haute à mi-mandat, à la faveur du premier renouvellement opéré par tirage au sort. Elle retrouve naturellement la voie du militantisme pour les droits des femmes. À ce titre, elle est élue, en 2003, experte au sein du Comité des Nations unies contre la discrimination à l’égard des femmes (Cedaw).
Souhila H.