Pour la première fois depuis l’éclatement de la polémique entre Alger et Paris, le chef d’État Abdelmadjid Tebboune s’exprime sur le sujet.
Après le chef de la diplomatie Ramtane Lamamra, qui a imputé à Emmanuel Macron une “faillite mémorielle”, invitant certains dirigeants étrangers à “décoloniser leur propre histoire”, la sentence prononcée par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, lors de sa rencontre périodique avec des responsables de médias nationaux, diffusée dimanche soir par la télévision publique, est on ne peut plus claire.
“Celui qui attente à l'Algérie n'ira pas loin”, a-t-il, en effet, affirmé en ajoutant : “Nous devons fidélité au serment de nos 5 630 000 martyrs dont nous devons exalter la mémoire. Durant 132 ans d'occupation de l'Algérie, la France a commis des crimes à l'encontre du peuple algérien que les paroles ne sauraient occulter. Ils ont exterminé des familles et des tribus entières.
L'occupation de l'Algérie a coûté à la France 70 ans de guerre, de résistance et de révoltes dans toutes les régions du pays, car nous étions une Nation.” Sans complaisance, l’agencement des réponses d’Abdelmadjid Tebboune n’est pas fortuit.
Même dans le désordre discursif, il ne semble occulter aucune phrase d’Emmanuel Macron, allant même jusqu’à titiller les ambitions électoralistes du Président français, lesquelles auraient suscité, selon des observateurs, sa sortie du 30 septembre dernier, rapportée par des médias français le 2 octobre.
Car pour le Président algérien, “l'Histoire n'est pas dictée par les convenances, ni par les conjonctures, laissons son écriture aux historiens… L'Histoire ne peut être falsifiée et les relations avec la France relèvent de la responsabilité de tout un peuple... de toute une histoire”.
Concernant le rappel de l'ambassadeur d'Algérie à Paris, Abdelmadjid Tebboune a soutenu que “le retour de l'ambassadeur d'Algérie à Paris est conditionné par le respect total de l'État algérien. La France doit oublier que l'Algérie était une colonie”. Et d’ajouter : “L'État est là, fort de ses institutions, de son Armée, de son économie et de son peuple vaillant qui ne se soumet qu'à Allah le Tout-Puissant.”
Le chef de l’État a, néanmoins, expliqué, s’agissant de la fermeture de l'espace aérien aux appareils militaires français, que dans les relations diplomatiques, il n'y a rien d'irréversible. “Actuellement, nous sommes agressés dans notre chair, dans notre histoire, dans nos martyrs et nous nous défendons comme nous pouvons”, a-t-il ajouté.
Il soulignera, également, que “l'Algérie ne permettra à aucun pays, aussi puissant soit-il, d'implanter une base militaire sur le territoire national. Notre terre est sacrée et le devoir de respect à nos martyrs impose de ne tolérer l'implantation d'aucune base militaire en Algérie”.
De même, il rappellera que la politique et la position de l'État sur la participation de l'Armée nationale populaire (ANP) aux opérations militaires à l'extérieur du pays consistent à “veiller à ne pas s'enliser dans les bourbiers. Nous n'avons pas de légions, mais une armée nationale dont les membres ne seront jamais sacrifiés pour de l'argent, comme le font les mercenaires”, ajoutant que “pour toute opération similaire, nous avons besoin de l'aval des membres de notre armée et de celui de leurs représentants à l'Assemblée nationale populaire (APN)”.
Sur un autre chapitre, Abdelmadjid Tebboune qualifiera de “grand mensonge” les chiffres avancés par le ministre français de l'Intérieur français, Gérald Moussa Darmanin, qui a évoqué 7 000 migrants irréguliers de nationalité algérienne susceptibles d’être expulsés de France. “En ce qui concerne le ministre de l’Intérieur français, Moussa Darmanin, c’est un grand mensonge, il n'y a jamais eu 7 000 migrants irréguliers de nationalité algérienne. La France n'a jamais évoqué plus de 94 cas.”
Le président de la République expliquera qu'entre la liste parvenue à l'Algérie en 2020 et les trois autres listes de 2021, “il y a un total de 94 cas, dont 21 ont été autorisés à rentrer en Algérie, 16 ont été carrément refoulés et n’entreront jamais en Algérie en raison de leur implication dans le terrorisme”.
Sur cette même question, Abdelmadjid Tebboune estimera que ces choses ne se règlent pas par presse interposée, mais devraient être régies par des règles à même de préserver la souveraineté d’un pays.
“Même s'il y a des problèmes (entre les deux pays), on ne va pas pérorer dans un journal pour le populisme et la campagne électorale. Ce mensonge a servi de socle à des choses non conventionnelles entre deux pays souverains et des paroles malheureuses ont été dites sur un peuple et un État.”
Kamel GHIMOUZE