Le décret fixant la consistance et les limites territoriales des wilayas nouvellement créées est la cause de cette fronde.
Pour la deuxième journée consécutive, les Touareg de l’Ahaggar ont de nouveau battu le pavé, hier samedi, pour dénoncer “la violation réglementée”, selon eux, de leur territoire et “l’expropriation” de leur terres au profit des communes relevant administrativement des wilayas de Djanet et d’Illizi. Plusieurs dizaines de manifestants enturbannés de blanc ont ainsi investi la rue à Tamanrasset pour exprimer leur ras-le-bol face à ce qu’ils qualifient de “provocation de trop”.
Selon le représentant des notables, Abdelkader Messek, toutes les tribus de l’Ahaggar ont pris part à cette “action de la dignité et de l’honneur” pour sommer le Premier ministre Abdelaziz Djerad, à revoir le dernier décret fixant la consistance et les limites territoriales des wilayas nouvellement créées. La marche s’est ébranlée du siège de la délégation locale du médiateur de la République jusqu’au nouveau siège de la wilaya où se sont rassemblés tous les protestataires qui scandaient des slogans hostiles au gouvernement en place. “Les notables qui devaient négocier avec le wali ont été désignés depuis ce matin, mais il ne veut toujours pas venir nous entendre comme pour signifier que le problème le dépasse. Cette action est le prolongement de la protestation menée hier (vendredi, ndlr) à Tazrouk pour faire valoir nos revendications. S’il n'y a pas de résultat d’ici peu, on va hausser le ton en investissant la capitale”, a averti notre interlocuteur, en invitant le Premier ministre à sortir publiquement pour expliquer sur quels critères était basée la modification contestée des consistances communales concernées. Les protestataires ont tenu à dénoncer cette forme de “spoliation” visant les richesses minières de l’Ahaggar et ses réserves gazières et celles de sel industriel.
“La wilaya était pourtant saisie au sujet de cette affaire puisqu’on a eu vent des manœuvres de certains P/APC d’Ajjer qui voulaient rattacher les localités en question à la nouvelle consistance de leurs communes. Ce projet remontant à plus de trois ans était même le cheval de bataille de la wilaya déléguée de Djanet en prévision de son émancipation de la wilaya mère, Illizi. Pauvre en ressources naturelles, Djanet n’a pas trouvé mieux que de s’approprier malicieusement les terres stratégiques de l’Ahaggar de connivence avec les autorités compétentes”, accuse-t-on.
Le plus grave dans cette affaire, poursuit-on avec dépit, est de constater des bourdes monumentales dans un décret exécutif publié au Journal officiel de la République. La question des frontières est une ligne infranchissable pour les Touareg de l’Ahaggar, s’écrie un membre de la commission devant tabler sur le problème avec les autorités locales avant de se déplacer à Alger pour circonscrire définitivement cette délimitation en projet.
Pour lui, “il n'y a pas trente-six chemins pour régler cette affaire. Il suffit de revoir la carte fixant les limites territoriales des communes en conflit depuis 1986 pour pouvoir remettre les choses sur les rails et comprendre par conséquent les visées malintentionnées de certains fauteurs de trouble qui veulent déstabiliser l’Ahaggar”.
Revenant à l’histoire, un autre notable nous a expliqué que les frontières traditionnelles entre l’Ahaggar et l’Ajjer ont été fixées depuis longtemps en concertation avec les chefs spirituels des deux camps. “Ce n’est pas à cause des scribouillards de l’administration qu’on va tout remettre en cause”, a-t-il lancé à l’adresse des manifestants présents. De son côté, le P/APC de Tazrouk, Oumaïli Bloulen, a fait état d’un rapport détaillé sur les limites territoriales de sa commune qui a été adressé, le 14 mars 2021, au wali de Tamanrasset, Mustapha Guerriche.
“On aurait pu éviter ce problème, si les autorités locales avaient pris en considération notre rapport qui a été appuyé de cartes et d’anciens procès verbaux sanctionnés à l’issue de toutes les réunions tenues par les parties concernées”, a-t-il indiqué. Pour essayer de détendre l’atmosphère, le sénateur Belouafi Elkaïm a assuré que l’affaire est sur le bureau du président de la République.
RABAH KARECHE