Le Front dénonce l’article 87-bis du code pénal “(…) qui assimile des activités politiques ordinaires à des faits terroristes” et appelle à “la libération de tous les détenus politiques”, à “l’arrêt de la répression sous toutes ses formes” et à “l’ouverture du champ politique et des médias à tous les Algériens et Algériennes”.
Les dossiers judiciaires de plusieurs activistes du Hirak ont connu, ces derniers jours, d’importants développements à travers plusieurs tribunaux du pays. Ainsi, une semaine après la tenue du procès de Mohamed Tadjadit et de ses compagnons, le tribunal de Sidi M’hamed a prononcé sa sentence : deux années de prison ferme contre Tadjadit et Soheib Debaghi et 18 mois de prison à l’encontre de Malik Riahi, Noureddine Khimoud et Tarik Debaghi. Les cinq hommes ont été été condamnés pour diffusion de fausses informations portant atteinte à l’ordre public, atteinte à la vie privée d’un enfant et son exploitation à des fins contraires à la morale, incitation à la débauche et détention de stupéfiants.
Dans son réquisitoire, le procureur de la République avait requis six mois de prison contre les deux premiers et cinq ans contre leurs camarades. Le “poète du Hirak” et ses compagnons, qui ont échappé à la criminelle suite à la décision du juge d’instruction d’annuler l’accusation d’association de malfaiteurs début mars, avaient été interpellés en avril 2021 alors qu’ils venaient de diffuser sur les réseaux sociaux le témoignage de Saïd Chetouane, âgé de 15 ans. L’adolescent soutenait avoir subi des attouchements dans un commissariat algérois où il avait été placé en garde à vue après son interpellation lors d’une marche interdite.
Des organisations de défense des droits humains, des acteurs politiques et des personnalités publiques ont immédiatement réagi, exigeant des investigations sur ces graves allégations, alors que la DGSN annonçait l'ouverture d'une enquête. Quelques jours plus tard, Mohamed Tadjadit et Malik Riahi, Soheib Debaghi, Noureddine Khimoud et Tarik Debaghi ont été interpellés et écroués sous les chefs d’accusations cités plus haut.
À Oran, la chambre d’accusation de la cour s’est prononcée pour le maintien de toutes les accusations criminelles qui pèsent sur le hirakiste Kacem Bensaïd, poursuivi pour divers chefs d’accusation dont appartenance à une organisation terroriste, atteinte à l’unité nationale et atteinte au moral de l’armée. Il lui est notamment reproché ses interventions sur la chaîne de télévision privée Al-Magharabia et ses liens supposés avec le mouvement Rachad. Kacem Bensaïd est en détention à la prison d’Oran depuis le 3 novembre 2021.
Autre dossier très médiatisé, celui de Me Abderraoud Arslane, membre du barreau de Tébessa, qui est en prison depuis mai 2021. Selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), qui continue de suivre l’actualité judiciaire des activistes du Hirak, le procès de l’avocat a été fixé au 26 mai 2022. L’homme est notamment poursuivi pour adhésion à une organisation terroriste au titre du controversé article 87-bis du code pénal.Dans un communiqué rendu public hier, le Front contre la répression et pour le libre exercice des libertés s’est élevé contre la multiplication des arrestations et des procès politiques intentés contre des militants politiques, associatifs, syndicalistes, activistes, journalistes, blogueurs…, estimant que “les tribunaux de la République sont transformés en machine broyant le multipartisme, les libertés d’opinion, d’organisation, de presse et de pensée”.
Le Front dénonce l’article 87-bis du code pénal “(…) qui assimile des activités politiques ordinaires à des faits terroristes” et appelle à “la libération de tous les détenus politiques”, à “l’arrêt de la répression sous toutes ses formes” et à “l’ouverture du champ politique et des médias à tous les Algériens et Algériennes”. Le Front regrette que “les nouvelles convocations et condamnations de citoyens pour des faits souvent liés à leur participation au Hirak révolutionnaire” aient dissipé l’espoir d’un apaisement né de la suppression d'accusations d’ordre criminel, l’abandon de poursuites ou la relaxe prononcée dans plusieurs cas de détenus.
D’autres hirakistes ont été jugés, rapporte encore le CNLD. À Blida, Amal Abdelghafour a écopé en appel de 18 mois de prison ferme pour incitation à attroupement non armé, outrage à corps constitué et diffusion de publications pouvant porter atteinte à la sécurité publique. La cour d’appel a ainsi confirmé la sentence prononcée en première instance par le tribunal correctionnel de la même ville. À Chlef, la cour d’appel a prononcé, hier, la relaxe de Samir Bouhenni, qui avait été condamné en première instance à deux années de prison, dont une avec sursis, pour diffusion de publications pouvant porter atteinte à l'intérêt national.
S. Ould Ali