Présent hier pour la commémoration, le président français n’a pas prononcé de discours et s’est contenté d’un communiqué dans lequel il qualifie les massacres de “crimes inexcusables pour la République”. Par prudence électoraliste ou par manque d’audace, M. Macron a préféré jouer sur les symboles, évitant de reconnaître un crime d’État.
“Des crimes inexcusables pour la République.” C’est par ces mots (prudents) que la France officielle s’est exprimée, hier, pour dénoncer les massacres de centaines d’Algériens, un certain 17 Octobre 1961. Une tuerie occultée et non reconnue pendant des décennies, faut-il le rappeler. La cérémonie de commémoration du 60e anniversaire de ces crimes dont l’État français est responsable s’est déroulée, hier, en présence du président français, Emmanuel Macron. Une présence qualifiée par les médias de l’Hexagone d’“inédite”, puisque c’est la première fois qu’un président français se rend sur les lieux du massacre, sur les berges de la Seine, pour déposer une gerbe de fleurs. Pas de discours cependant. Par calcul “électoraliste” ou par manque d’audace de dire les mots justes et reconnaître des crimes d’État, Emmanuel Macron s’est contenté d’un exercice purement symbolique.
Parce que prononcer un discours impliquerait de dire la vérité tout entière. Mais aussi, reconnaître un crime d’État impliquerait surtout une réparation matérielle de la France pour les massacres commis contre des Algériens sortis pacifiquement dans les rues de la capitale française pour réclamer justice et liberté. À l'issue d'une cérémonie officielle donc, l’Élysée s’est contenté d’un communiqué à travers lequel, Emmanuel Macron reconnaît que “les crimes commis cette nuit-là sous l'autorité de Maurice Papon (le préfet de police de Paris, ndlr) sont inexcusables pour la République”. En parlant de “crimes”, le président français semble tout juste faire un pas plus loin que son prédécesseur François Hollande qui, lui, a admis, en 2012, une “sanglante répression”.
Si aux yeux de la France, engagée dans une politique de petits pas, avec la plus grande prudence, sur le dossier lourd de la mémoire, le geste de Macron (sa présence sur les lieux des crimes) revêt une symbolique importante, pour les descendants des victimes de ces massacres abominables, ces crimes restent impunis. Au-delà des geste purement symboliques, Ils attendent plus de courage de la part de l’État français. Ils exigent réparation. Mettre, par ailleurs, agresseurs et agressés sur un pied d’égalité, comme cela ressort clairement du communiqué de l’Élysée, révèle tout le mal de la France à assumer son passé colonial. “(…) La France reconnaît les responsabilités clairement établies.
Elle le doit d'abord et avant tout à elle-même, à toutes celles et ceux que la Guerre d'Algérie et son cortège de crimes commis de tous côtés ont meurtris dans leur chair et dans leur âme”, lit-on ainsi dans le communiqué officiel de l'Élysée. Un jeu “malsain”, selon le chercheur en Histoire, Hosni Kitouni. Pour lui, “le Président français, comme il était attendu, a fait a minima reconnaître les crimes sans les qualifier. C'est une véritable reculade par rapport à ce qu'il avait laissé entendre et par rapport à la préconisation de l’historien Benjamin Stora”, rappelle-t-il, par ailleurs.
“C'est un jeu malsain, parce que derrière, il y a la mort de 400 Algériens assassinés dans des conditions ignobles par la police de la République”, ajoute-t-il, en insistant, en outre, sur l’“exigence des réparations pour les victimes et leurs descendants. Quand M. Macron déclare reconnaître tous les crimes, y compris ceux du FLN, il met sur le même plan agresseurs et agressés... encore une fois, nous sommes dans le déni”.
K. Benamar