Questions pédagogiques, revendications sociales, dispositions prises dans le cadre de la gestion de la pandémie de Covid-19, les syndicats du secteur de l’éducation tirent la sonnette d’alarme.
Prévue initialement pour le 7 septembre dernier et reportée de 15 jours, la rentrée scolaire, qui s’effectue aujourd’hui, suscite de nombreuses appréhensions chez les syndicats du secteur de l’éducation nationale.
L’impact des retards enregistrés dans la réunion des conditions adéquates pour cette reprise, marquée pour la deuxième année consécutive par la persistance de la pandémie de Covid-19 qui présuppose des mesures exceptionnelles pour juguler la propagation du virus en milieu scolaire, constitue, aussi bien pour les partenaires sociaux que pour les parents d’élèves et les travailleurs du secteur, une source d’inquiétude qui hantera les esprits. Des craintes justifiées, selon les syndicats, par la surcharge des classes qui demeure à l’ordre du jour, en dépit du recours à l’enseignement par groupes, mais encore faut-il disposer de suffisamment de personnels pour alléger la charge de travail des enseignants.
Pour le secrétaire général du Syndicat autonome des travailleurs de l’éducation et de la formation (Satef), M. Amoura Boualem, “en plus de la pandémie, nous serons confrontés cette année à un autre problème qui est la crise de l’eau”. Et de s’interroger : “Comment faire respecter le protocole sanitaire au moment où de nombreuses localités du pays ne sont desservies en eau potable qu’une fois tous les dix jours et que la plupart des établissements scolaires ne disposent pas de citernes, manquent d’agents de nettoyage ou de femmes de ménage et même de gardiennage ?”
La surcharge des classes n’est pas en reste des inquiétudes soulevées par M. Amoura, qui met en cause les retards accusés dans la réalisation de nouveaux établissements scolaires. Sur ce point, il dira que la responsabilité de l’État est pleinement engagée et que des sanctions doivent être prises pour faire respecter les délais de livraison des chantiers relevant du secteur de l’éducation nationale. Les retards affectent aussi, selon lui, l’élaboration de l’emploi du temps des enseignants qui n’ont rien reçu à la veille de cette rentrée ou encore l’octroi des aides pour les familles nécessiteuses. Aussi plaide-t-il pour un autre report de la rentrée scolaire afin de pallier les retards dans les préparatifs et d’assurer des conditions plus ou moins acceptables.
Sur le plan social, M. Amoura constate l’érosion effrénée du pouvoir d’achat alors que les salaires des travailleurs de l’éducation n’ont connu aucune augmentation depuis 2012 et craint une implosion imminente sur ce front. Membre de la Confédération des syndicats algériens (CSA) qui a déjà tiré la sonnette d’alarme sur ce sujet, il révèlera qu’une réunion du bureau exécutif de cette dernière est prévue pour le lundi 27 septembre, justement pour décider de la démarche à entreprendre. Pour sa part, le Conseil national autonome du personnel enseignant du secteur ternaire de l’éducation (Cnapeste) préfère d’abord aborder cette rentrée, puis faire une évaluation des insuffisances et de la mise en œuvre ou non de ses propositions émises à la tutelle à la fin de la dernière année scolaire.
Pour son porte-parole, Messaoud Boudiba, “le problème n’est pas la rentrée elle-même car nous attendons de la tutelle la prise en compte de nos doléances. Le manque d’infrastructures scolaires est criant et la nécessité d’ouvrir de nouveaux postes budgétaires pour le secteur est devenue une exigence sans laquelle on ne peut prétendre à la réussite de la rentrée scolaire ou encore à l’application des dispositions d’enseignement induites par la pandémie. Néanmoins, nous nous attellerons dans un premier temps à recenser toutes les carences à travers la tenue d’assemblées générales dans les établissements scolaires et de sessions des conseils de wilaya avant d’agir en conséquence”.
Sur le plan social, il va sans dire que la revendication essentielle du Cnapeste demeure, selon M. Boudiba, la revalorisation des salaires des travailleurs de l’éducation. De son côté, le président de l’Union nationale du personnel de l’éducation et de la formation (Unpef), Sadek Dziri, qui est également coordinateur de la Confédération des syndicats algériens (CSA), partage les mêmes préoccupations en soulignant que l’emploi du temps révèle une surcharge horaire pour les enseignants de certaines matières dans les cycles moyen et secondaire, telles que les mathématiques, la langue arabe, le français, l’histoire et géographie et les sciences islamiques.
D’où, plaide-t-il, également pour le recrutement de nouveaux enseignants afin d’alléger la charge de travail des instructeurs, obligés d’assurer plus de 30 heures de cours au lieu de 18 heures seulement. De même, il insiste sur l’adoption rapide du statut particulier de l’enseignant qui serait à même de garantir une vie digne à celui-ci devant la dégradation inquiétante du pouvoir d’achat et la menace d’une implosion sociale. Le coordinateur du Syndicat national autonome des professeurs de l’enseignement secondaire et technique (Snapest), Meziane Meriane, alerte, quant à lui, sur les urgences auxquelles il faudra faire face, notamment la surcharge des classes, car, dira-t-il, “le recours à l’enseignement par groupes peut se répercuter sur l’avancement dans les programmes. Il y a aussi le problème du poids des cartables, surtout pour les bambins des écoles primaires. Un problème qu’il faudra impérativement solutionner avec la réforme de l’enseignement primaire en supprimant par exemple certaines matières qui sont usantes et lourdes. Il s’agit en fait de faire comme les pays développés qui nous ont devancés sur le plan pédagogique”.
Il poursuit : “Sur le plan pédagogique, nous sommes obligés, encore une fois, de travailler par groupes, c’est-à-dire en respectant la distanciation sociale dans les classes. Celle-ci risque cependant de ne pas être respectée dans les couloirs ou les cours. Il faut souligner que l’école n’est pas isolée de son espace naturel, c’est-à-dire son environnement immédiat, car une fois dans rue l’enfant risque de se retrouver dans un bus bondé de monde. Et par le fait que cette distanciation sociale n’est pas respectée à l’extérieur, nous risquons de nous retrouver à la case départ.”
Sur le plan social, Meziane Meriane dira : “Hélas, c’est le volet rouge. Le pouvoir d’achat des enseignants et des fonctionnaires en général est au plus bas, avec toutes les augmentations des prix des produits et services de première nécessité, sans une revalorisation palliative des salaires et sans la moindre mesure pour l’amélioration du pouvoir d’achat. Encore une fois, c’est le point noir de cette rentrée scolaire qui va se faire dans un climat d’inflation galopante qui n’est jamais contrôlée. Sincèrement, comment un père de famille qui touche le Smig, voire 30 000 ou 50 000 DA par mois, peut-il subvenir aux besoins de 3 ou 4 enfants scolarisés ?”
Kamel GHIMOUZE