L’Actualité Pr KAMEL DJENOUHAT, PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ ALGÉRIENNE D’IMMUNOLOGIE

“LES VARIANTS SONT À L’ORIGINE DU REBOND PANDÉMIQUE”

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Hanafi HATTOU Publié 14 Mai 2021 à 23:17

© Archives Liberté
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Liberté :  La reprise de l’activité virale durant tout le mois d’avril et les premiers  jours  du  mois  en  cours  s’explique-t-elle  uniquement par l’arrivée des variants dans le pays ?
Pr Kamel Djenouhat :  Il est très difficile de répondre avec certitude en l’absence de données que je juge nécessaires et primordiales. En effet, nous aurions aimé avoir le pourcentage des nouveaux variants par rapport à l’ancien pour avoir une meilleure visibilité et une meilleure interprétation de la situation épidémiologique.

Même si le nombre d’échantillons qui bénéficient du séquençage génique reste faible, cela ne constitue pas un préjudice si on se compare à quelques pays développés. Je pense que l’Institut Pasteur d’Algérie a franchi un grand pas positif dans le développement de ces outils diagnostiques, il doit néanmoins, nous communiquer le nombre de cas de nouveaux variants par rapport au nombre total des échantillons séquencés.

Qu’est-ce que vous inspire la progression des variants dans pas moins de 24 wilayas ? 
La situation épidémiologique a connu une accalmie pendant quelques mois, cela était  dû  certainement  à  un  taux  qui  tourne  aux  alentours de 50% d’immunité acquise lors des  vagues  précédentes.  Mais  c’est l’arrivée des nouveaux variants qui est certainement à l’origine  d’un  léger rebond de la pandémie. 

Nous avons constaté dans une enquête préliminaire, que nous sommes en train de mener dans notre hôpital (EPH de Rouiba), que parmi les patients hospitalisés, le taux de réinfection reste très faible, cela nous rassure et corrobore l’hypothèse que l’immunité acquise naturellement par l’infection reste toujours efficace chez la plupart des patients

Parmi  ces  trois  de  variants  détectés  en  Algérie, quel  est  le  plus menaçant ?  
Malheureusement, les trois types de variants détectés chez nous sont à craindre pour les raisons suivantes : le variant britannique est très contagieux et provoque jusqu’à 30% de plus de mortalité par rapport aux anciens variants. 

On  doit  se  souvenir  qu’on  est  en  face  d’un variant  qui est à l’origine de l’explosion  de  la  pandémie  de  Covid-19  dans  le  monde.  Le  variant  qui m’inquiétait le plus était le nigérian du fait que des  experts  britanniques ont constaté dans une étude comparative, avec effectif  relativement réduit (600 malades) que ce variant serait deux fois plus mortel que les autres. Mais ce que je n’arrive pas à comprendre chez nous, et d’ailleurs je me pose toujours la question par rapport à ce variant qui prédominait chez nous il y a deux ou trois  semaines, il  n’y  a  subitement  plus  de  cas,  c’est  comme  s’il  avait
disparu.

Et le variant indien ?
Pour ce qui est du variant indien, les scientifiques n’avaient pas de recul ou de données  scientifiques  solides  et  fiables.  Néanmoins  jusque-là, le  variant indien  est  considéré  comme  étant  “préoccupant”  par  l’OMS  du  fait  que  les experts ont pu montrer qu’il est plus contagieux  et  pourrait  présenter un certain degré de résistance aux vaccins.

D’après  vous, comment  ont  été  importés  ces  variants alors que les frontières sont toujours fermées notamment après  la suspension des vols spéciaux de rapatriement ?
Vous savez que le nouveau variant indien a été mis en évidence le 5 octobre 2020, et la ville de Maharashtra n’a connu une flambée qu’en avril 2021. 
Même analyse pour le variant anglais, diagnostiqué pour la première fois durant le mois de septembre 2020 et la Grande-Bretagne a vécu sa vague durant le mois de décembre de la même année. 

Donc, les variants mettent un peu de temps pour passer de cas sporadiques à des clusters puis à la généralisation. Nous avons vécu la même situation en Algérie mais, Dieu merci de façon beaucoup moins intense. 

Nous avons importé ces variants durant les mois de janvier et de février et la montée des nouveaux cas a commencé trois mois après, c’est-à-dire en avril. Et lorsqu’on parle de frontières, cela sous-entend les frontières aériennes et terrestres à la fois.

Qu’est-ce qui empêche les hôpitaux dotés de séquenceurs d’amorcer le séquençage  des  PCR, puisque   jusque-là,  c’est  l'Institut  Pasteur  qui assure cette activité...
L’investissement pour le laboratoire de biologie moléculaire nécessite des budgets conséquents et qu’il faut du coup rentabiliser. D’ailleurs, c’est à cause de ce problème de rentabilité que les pays développés ont opté pour ce qu’on appelle des pôles de compétence répartis par régions.

C’est la raison pour laquelle la réalisation du séquençage ne peut être généralisée dans tous les hôpitaux. En outre, cela ne nous empêche pas d’interpeller la direction de la recherche scientifique qui a investi pour quelques séquenceurs très coûteux pour les utiliser pour le Covid, en puisant dans le budget alloué à la recherche scientifique.  

Malgré  les  assurances  des  pouvoirs  publics,  la  campagne  de vaccination est toujours au point de départ. Qu’est-ce qui la fait traîner ?
On a abordé ce sujet à maintes reprises, et nous avons dit que ce marché mondial sous haute pression obéit à la loi de l’offre et de la demande “premiers arrivés, premiers servis”. 

Il faut rester positif et optimiste et on souhaite que de grandes quantités soient acquises prochainement et je réitère mon appel au citoyen algérien de ne plus demander après la marque ou la provenance des vaccins, parce que tous ces vaccins ont montré leur efficacité.

Les résultats de l’enquête menée par l’EPH de Rouiba qui ont conclu une immunité naturelle qui  dépasse les 50% de la  population  ciblée  ont fait objet de vive critique parmi les scientifiques ?  
Il faut savoir que nous acceptons les critiques et les lectures opposées de notre travail, mais ce que je souhaite c’est qu’il faille avancer des critiques fondées sur les résultats des études menées, non pas sur de simples avis personnels. 

Il faut savoir aussi que l’évolution de cette pandémie chez nous dépendra du taux de cette immunité acquise qui sera certainement différente d’une région à une autre, et les régions qui ont les taux de séroconversion les plus faibles seront les régions les plus vulnérables et les plus exposées aux flambées de l’infection par le Sars-CoV-2.
 

Entretien réalisé par : HANAFI H.

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