Cela fait 27 ans que Nabila Djahnine a été assassinée à Tizi Ouzou par des hordes sauvages sans foi ni loi. Elle était âgée de 30 ans, la fleur de l’âge. Cette militante de toutes les causes justes n’avait cessé, sa vie durant, de faire dans la résistance, y compris face à ses assassins qui l’attendaient au coin d’une rue à Tizi Ouzou, où elle s’était installée après des études d’architecture. Par leur geste, ses assassins voulaient tuer, à travers elle, la présidente de Tighri n’tmetut (cri ou écho de femmes) et la résistance et l’engagement politique qu’elle incarnait. Il n’en sera rien puisqu’elle continue à être évoquée, en privé et en public, à chaque date anniversaire.
Plus encore, elle demeurera dans les mémoires comme un symbole de résistance, d’où les hommages qui lui sont dédiés. Durant les marches du Hirak, son portrait était toujours porté fièrement, et pas seulement par les femmes. Le carré des architectes engagés de Béjaïa ou ses anciens camarades du parti, le PST en l’occurrence, se faisaient un devoir de porter, voire d’exhiber son portrait avec d’autres héroïnes du mouvement de libération nationale et du mouvement démocratique. Plus encore, son nom demeure étroitement lié à la résistance des femmes algériennes. Mais son engagement était pluriel.
Quand Nabila Djahnine quitte Béjaïa, après avoir décroché son baccalauréat, elle était déjà très active. Et pour cause, elle avait baigné dans un monde d’échanges et de culture : le théâtre amateur, le cinéma, la poésie, la littérature, etc. Avec ses amis, ses frères et sœurs, elle était initiée à la politique. L’auberge de jeunes dans la cité Soummari avait été une escale obligée pour tous les amoureux des belles lettres, du théâtre et autres cercles de lecture. L’espace grouillait de monde qui avait soif d’apprendre. Et c’est sans aucun doute dans cet espace ouvert qu’elle s’était initiée à la politique.
Et c’est en militante au Groupement communiste révolutionnaire (GCR), qui s’est mué en Parti socialiste des travailleurs (PST), qu’elle s’assumera à l’université de Tizi Ouzou. Et c’est naturellement qu’elle sera membre actif du Comité des cités universitaires, en marge de ses études d’architecture, qu’elle avait suivies avec beaucoup de sérieux. Ses enseignants peuvent en témoigner ainsi que ses camarades d’université. C’est dans ce cadre qu’elle avait participé à la fondation du Syndicat national des étudiants algériens, comme elle avait contribué, dans les années 1980, à la préparation et au déroulement des deuxièmes assises du Mouvement culturel berbère “pour la reconnaissance par le pouvoir politique de la langue et de la culture berbères”. C’est pour toutes ces raisons que l’on dit que son engagement était véritablement pluriel.
Nabila Djahnine n’était pas du tout sectaire ; elle était au-dessus de tout. Elle avait été touchée par la condition de la femme algérienne, reléguée au second plan notamment par le code de la famille. Elle a alors été cofondatrice de l’Association pour l’émancipation de la femme et, en 1990, de l’association Tighri n’tmetut, dont elle était présidente, avant de tomber sous les balles de ses assassins. Elle sera même, vers la fin des années 1980, membre de la direction du Parti socialiste des travailleurs (PST) et de la commission femmes de ce dernier. Sa sœur Habiba, réalisatrice, lui a rendu hommage à travers un film documentaire, Lettre à ma sœur, projeté en Algérie et dans plusieurs pays étrangers.
M. Ouyougoute