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Mustapha HAMMOUCHE Publié 19 Février 2022 à 21:10

© D. R.
© D. R.

Au  dernier  Conseil  des  ministres, le  Président  a  annulé  des  taxes sur certains articles électroniques instaurées par la loi de finances pour 2022 et rétabli des subventions pour  certains  produits  alimentaires.  Les premiers commentaires ont noté le bien-fondé social de ces résolutions en ces temps d’emballement inflationniste. Accessoirement, ils y ont  vu  un “désaveu du Premier ministre et du Parlement”.  

Or, pas plus que d’autres institutions, le Parlement et le gouvernement ne sont pas, dans notre système, des zones de pouvoir autonomes ; on ne peut donc considérer les politiques publiques — et la loi de finances qui en constitue la référence légale et l’instrument principal – autrement que comme l’expression d’une gestion globale.

D’ailleurs, en pratique, le processus budgétaire est une opération qui engage le pouvoir et ses institutions sur la base de choix politiques préalablement établis au sommet de l’état. C’est donc le régime comme tel qui en assume les orientations, le contenu et les effets. Pourquoi alors devrait-il retirer un bénéfice politique du fait de revenir sur des taxes qu’il a initialement instituées et de restaurer des subventions qu’il a préalablement supprimées ? 

Sans rien enlever à sa pertinence sociale, une telle révision est le signe d’une défaillance de programmation. Il ne s’est rien passé d’imprévisible entre le moment de la promulgation de la loi de finances 2022 et le moment où le Président est revenu sur certains de ses termes : d’un côté, le pouvoir d’achat a poursuivi sa baisse entamée depuis longtemps et, de l’autre, le prix des hydrocarbures continue à augmenter.

L’initiative, si elle se justifie socialement,  pose cependant la question de la qualité de cette programmation. Il n’est pas rassurant de voir des options économiques, fiscales et sociales gérées ainsi, par des allers-retours et des tâtonnements, avec un crayon et une gomme. Surtout que les cas d’annulation de décisions officielles, sans plus de procédures, tendent à se répéter : par le passé, la loi de finances a déjà eu à être déjugée au sujet de l’importation de “voitures de moins de trois ans”, par exemple. Et leur multiplication aboutit à leur banalisation, jusqu’à presque en faire une méthode de gouvernance.

L’irrésolution stratégique constatée est consubstantielle à la nature rentière de notre état. Elle découle, comme nécessité, de sa dépendance pétrolière : on a une politique pour les jours de grandes recettes et une autre pour les jours de petites recettes. Ce sont les péripéties du marché pétrolier qui guident l’action économique et sociale. Toute projection n’est plus que pure forme. Dans ce modèle, même en mettant de l’argent de côté et en s’interdisant de s’endetter, l’aisance managériale dure ce que dure l’embellie pétrolière.

L’expérience récente le confirme : après une quinzaine d’années de prospérité rentière, de 2000 à 2014, l’état s’est trouvé démuni au premier repli du brent et dut, dès 2015, renoncer à plusieurs projets programmés, limiter les importations et dévaluer le dinar de 30% ; l’année suivante, en 2016, il assuma un déficit budgétaire de 17% ; en 2017, il décida de faire tourner la planche pour les trois années 2018 à 2020 ! 

Le passage du système de subvention des produits essentiels à celui de la subvention des bas revenus n’est pas une opération qui peut se prêter à une succession de tentatives suivies de reculs : les montants que ce projet de transition socioéconomique engage, l’influence qu’il devrait avoir dans les futurs équilibres financiers de la nation et l’impact sur la trajectoire de développement en font un projet trop décisif pour souffrir de coups d’essai. Plus politiquement, le pouvoir ayant besoin d’improviser et donc de se départir de toute ligne politique débattue, élaborée et plébiscitée, cette méthode ne peut s’accommoder de démocratie.

Quand le Président a ordonné “le gel, à compter d'aujourd'hui et jusqu'à nouvel ordre, de tous les impôts et les taxes (…) sur certains produits alimentaires” et “la suppression de tous les impôts et taxes sur le e-commerce, les téléphones portables, les matériels informatiques à usage personnel…”, il a dû déroger à la règle de parallélisme des formes stipulant qu’un texte législatif ou réglementaire ne peut être abrogé ou modifié que par un texte de même nature. En droit – et donc en démocratie – la forme est aussi décisive que le fond. C’est ce qui protège la société de l’arbitraire.

Coincés entre des décisions, elles-mêmes expression d’une indécision politique, et les urgences nées de cette indécision, nous nous éloignons, en le justifiant, de la bonne gouvernance et de la démocratie à la fois. 
 

M. H.
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