Les estimations officielles anticipent un déficit de près de 700 milliards de dinars de la CNR. Désormais, il n’y a plus que 2,2 cotisants pour un retraité, alors que l’équilibre de la CNR tient à 5 cotisants pour un retraité.
Selon des chiffres communiqués plus tôt cette semaine par le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, le déficit du système des retraites devrait se creuser cette année à 690 milliards de dinars, contre un déficit de 640 milliards de dinars en 2020 et 584 milliards de dinars en 2019.
Cette estimation du déficit pour 2021 demeure, toutefois, optimiste par rapport à la chute des cotisations due au choc pandémique de la Covid-19 et son impact sur les entreprises et l’économie. Celui de 2020 est davantage dû à la hausse des dépenses, injectées essentiellement dans la prise en charge de la revalorisation annuelle des pensions et la prise en charge financière des nouveaux inscrits sur les listings de la CNR.
Mais pas seulement. Le déficit s’explique par une conjoncture économique fortement dégradée, sous l’effet de la crise de la Covid-19 et du déclin de l’activité économique durant les précédents exercices. Le chômage, le report, voire le défaut de cotisations sociales dû aux conséquences de la pandémie sur les entreprises et la migration de certaines activités vers l’informel, auront un impact massif sur la trésorerie de la Caisse nationale des retraites (CNR).
Selon Brahim Guendouzi, professeur d’économie et consultant, en toile de fond de cette détérioration de la situation financière de la CNR figure une conjugaison de trois facteurs essentiels. Il s’agit, en premier lieu, de “la dimension démographique qui, avec la structure de la pyramide des âges, implique l’enregistrement de nombreux départs à la retraite chaque année, en plus des salariés qui ont profité de la retraite anticipée avant sa suppression”.
Au plan économique, “la faiblesse du tissu économique, ayant comme corollaire l’insuffisance du nombre de postes de travail soumis à cotisation, fait que les ressources financières de la caisse sont largement insuffisantes par rapport aux décaissements servis mensuellement”, soutien Brahim Guendouzi, contacté par Liberté. En troisième lieu, l’économiste cite l’effet pervers des avantages attribués aux hauts cadres de l’État qui, même en étant actifs, continuent de bénéficier de pensions pour avoir exercé des fonctions supérieures.
Une spécificité propre au système des retraites algérien. En tout cas, la dégradation du système des retraites se confirme et la tendance évolue résolument vers la crise, étant donné que le système par répartition semble montrer ses limites, alors que la récession (-6% en 2020 selon le FMI) déclenchée par l’épidémie de Covid-19, combinée au ralentissement économique de 2019, devrait affecter durablement les comptes de la CNR.
Les difficultés à venir proviendront, d’abord, des recettes, étant donné les prévisions pessimistes sur l’évolution du taux de chômage, attendu à 14,5% cette année et 14,9% l’an prochain, alors que la croissance du PIB (2,9% cette année) s’annonce insuffisante pour pouvoir rétablir les centaines de milliers d’emplois détruits par la crise.
Le taux de chômage des jeunes devrait grimper davantage faute de débouchés aux milliers de jeunes diplômés des universités et des centres de formation. Quant aux dépenses, les pensions en accaparent l’essentiel, avec une tendance à la hausse, réduisant davantage l’écart entre le nombre de cotisants et celui des retraités.
Quoi qu’il en soit, les comptes du système des retraites se dégraderaient davantage à court terme car la chute de l’activité économique de ces deux dernières années a provoqué un besoin de financement supplémentaire.
Les risques d’une reprise économique lente et difficile ne feront que complexifier davantage la situation qui, bon gré mal gré, rappelle l’urgence d’une refondation de la Sécurité sociale et des retraites.
Le chantier à mener s’annonce périlleux. De l’avis de Brahim Guendouzi, “en l’absence de réformes économiques en profondeur touchant aussi bien les finances publiques que le climat des affaires et la création de nouvelles entreprises, ainsi que la lutte contre les activités informelles et les emplois non déclarés, il serait vain de croire à une amélioration des conditions qui prévalent dans le système national des retraites”.
D’autant plus que la crise sanitaire risque d’accentuer les suppressions d’emplois et de grever la création de nouveaux postes de travail, soutient l’économiste. “Les seuls ressorts susceptibles de faire évoluer ce système sont la densification de l’activité économique et la valorisation du travail, la gouvernance et la transparence, ainsi que la lutte contre les inégalités et disparités sociales”, estime notre interlocuteur.
Ali Titouche