L’Actualité La pénurie de médicaments perdure

Profond désarroi des cancéreux

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Badreddine KHRIS Publié 14 Décembre 2021 à 09:53

© Archives Liberté
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Le manque de médicaments anti-cancéreux sur le marché angoisse les malades et leurs familles. Devant pareille situation, les concernés optent pour les médicaments introduits en Algérie via le cabas. Rares, cependant, ceux qui peuvent se les permettre en raison de leurs prix exorbitants. 

Le marché du médicament continue d’enregistrer de sérieuses perturbations, marquées par des pénuries, des ruptures de stock et des tensions sur plusieurs produits pharmaceutiques. Les anticancéreux restent la classe thérapeutique la plus touchée par ce manque flagrant dont souffre précisément la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH) qui approvisionne les établissements hospitaliers. La spécialité médicale qui commence à “s’appauvrir” dangereusement de ses médicaments demeure l’hématologie notamment la leucémie (cancer du sang). Les malades poussent un cri de détresse et s’inquiètent sérieusement de leur cas qui ne s’améliore pas. Ils connaissent souvent une rechute après une rémission, face à un personnel médical impuissant. L’absence de ces médicaments perturbe le protocole thérapeutique. Ce qui accentue le risque d’apparition de complications et remet malheureusement en cause leur guérison. 

Les chances de rétablissement s’amenuisent fatalement. La mort, pour absence de médicaments vitaux, a d’ailleurs ciblé des dizaines, voire des centaines de patients. Les médecins traitants recourent à un changement de protocole pour stopper, un tant soit peu, l’évolution de la maladie, mais cela ne remplace guère les médicaments spécifiques prescrits. La crise des médicaments anticancéreux a débuté, en fait, depuis des décennies. Selon certains parents de malades, le manque de médicaments anti-leucémie a été ressenti de manière plus intense dès le mois de juillet dernier. C’est le cas de l’Imatinib BGR 400 mg, un médicament qui contient une substance active appelée imatinib. 

Ce médicament agit par inhibition de la croissance des cellules anormales de certaines maladies parmi lesquelles la leucémie myéloïde chronique ou la leucémie aiguë lymphoïde... “Au centre anticancer Pierre-et-Marie-Curie (CPMC) sis au CHU Mustapha, deux hématologues seulement assurent des consultations à l’hôpital de jour, pour une centaine de malades. Il arrive que ma sœur malade et moi soyons obligées d’attendre parfois jusqu’à trois heures pour pouvoir entrer chez le médecin. Auparavant, l’on nous donnait un lot de médicaments nécessaires à la fin de l’entrevue avec le docteur. Mais depuis juillet dernier, ces anticancéreux se font de plus en plus rares”, témoigne une dame, contactée au téléphone. 

Les quotas sont attribués par intermittence et demeurent insuffisants pour satisfaire plus d’une centaine de patients. Le jour où quelques cartons sont distribués, l’on assiste à une véritable bagarre entre les malades qui s’arrachent les boîtes…, déplore notre interlocutrice ; une scène confirmée par un médecin qui travaille dans ce centre. Devant pareille situation, des familles optent pour les médicaments introduits en Algérie via le cabas, en dépit de leurs prix exorbitants. 

“Laisse-moi mourir…”
“La dernière fois, on m’a ramené deux boîtes de Tunisie par cabas que j’ai payées 45 000 DA chacune”, indique notre source. En France, la boîte coûte en euros l’équivalent de 16 millions de centimes, pour ne citer que cet exemple. Rares sont les gens qui peuvent se permettre de l’acheter à un tel prix. Le problème se pose encore plus pour les jeunes malades atteints de leucémie qui ont perdu l’espoir de guérir faute de place pour une greffe de la moelle osseuse, leur ultime traitement salvateur…

Des professeurs d’hématologie avouent que des traitements innovants existent bel et bien en Algérie, mais ils ne concernent pas toutes les maladies du sang. Pour les leucémies aiguës myéloblastiques, en revanche, les traitements innovants sont inexistants. Seule la greffe de la moelle osseuse est pratiquée comme traitement depuis 1998 dans deux centres uniquement, l’un à Alger (CPMC) et un deuxième à Oran. “En ce qui concerne les leucémies aiguës lymphoblastiques, les traitements innovants indispensables existent ailleurs, mais ils ne sont pas disponibles en Algérie”, a déclaré récemment un professeur à la télévision publique. Car, argue-t-il, ce sont des molécules qui coûtent excessivement cher. L’État ne les achète pas encore. Les deux ministères de la Santé et de l’Industrie pharmaceutique, ainsi que la PCH sont souvent interpellés par ces spécialistes, chefs de service, pour que ces traitements soient disponibles au sein des hôpitaux. “Des drogues de chimiothérapie peuvent mettre le malade en rémission, mais cela reste insuffisant parce qu’il faut des protocoles innovants qui lui évitent toute rechute. Et cette rechute entraîne inexorablement le patient vers la mort. S’il est greffé, en revanche, il a de fortes chances de s’en sortir”, explique ce professeur. 

Par ailleurs, des représentants d’associations de malades chroniques ne cessent de signaler également le manque de calmants destinés aux malades chroniques, notamment aux cancéreux dans les différentes pharmacies des hôpitaux. Cet état de fait a manifestement aggravé la situation des patients dans leur combat contre des douleurs intenses. Pour eux, l’interdiction par des autorités compétentes de vente de tels médicaments, essentiellement offerts gratuitement à des personnes atteintes de cancer, a sensiblement limité les chances de trouver ce médicament manquant. Vulnérable à la fois face à sa maladie et à la pénurie de médicaments, la sœur de notre interlocutrice a entièrement perdu espoir et attend qu’un miracle se produise. “Laisse-moi mourir, je n’ai plus de chance…”, dit-elle avec amertume. 

 


B. K.

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