S’ils ont accueilli avec soulagement la décision de la réouverture des frontières, les Algériens sont dans l’attente de clarifications sur les modalités pratiques de voyager.
La décision du Conseil des ministres, dimanche dernier, de rouvrir partiellement les frontières du pays, à compter de juin prochain, a électrisé les réseaux sociaux. Sur les groupes Facebook, constitués depuis le début de la pandémie pour alerter sur le sort des Algériens bloqués à l’étranger, les réactions se sont enchaînées, gorgées d’émotions et parfois contradictoires. Il y a de l’euphorie, de l’humour, de la déception et des inquiétudes.
Après 15 mois d’attente, certains ont accueilli la nouvelle avec légèreté, en postant des photos hilarantes, où l’on voit pêle-mêle un futur voyageur qui dort en enlaçant sa valise, un autre déambulant dans un aéroport avec un chariot encombré d’une montagne de bagages et une foule de passagers qui montent dans l’avion en s’équipant de chaises en plastique, au cas où il n’y aurait plus de place à bord. “Je suis vraiment soulagé. Enfin, les frontières rouvrent”, commente Anas, un des membres les plus actifs du groupe des Algériens bloqués en France. Selon lui, cette décision est le fruit d’une forte mobilisation de la diaspora.
“C’est ce que nous avons demandé depuis longtemps. Rentrer chez nous en justifiant d’un test PCR négatif. Aujourd’hui, c’est fait. Savourons notre victoire”, fait-il savoir dans un échange sur Messenger. Dans le groupe des Algériens bloqués en France, le jeune homme multiplie les posts. Mais sa joie n’est pas contagieuse à tous les coups.
Une dame lui a répondu en dénonçant une décision tardive. “J’ai déjà perdu mon père il y a quelques années et je n’ai pas pu rendre visite à ma mère alors qu’elle était mourante. À quoi bon aller en Algérie maintenant, surtout que je n’ai plus de famille”, a déploré l’expatriée. Pour d’autres, la réouverture partielle des frontières, avec cinq vols quotidiens, n’augure rien de bon.
“Cinq vols à partir d’où et vers où, Alger ou les autres villes également ? Les dessertes seront assurées par qui ? Air Algérie seulement ou par d’autres compagnies aussi ?” se demande Samir, qui a multiplié les réservations tous ces derniers mois. Anticipant la reprise des vols, il avait acheté début mai un nouveau billet d’avion aller-retour Paris-Alger, auprès de Transavia. Mais il ne sait pas si la compagnie française sera autorisée à effectuer des vols vers l’Algérie, compte tenu du nombre restreint des liaisons.
“La limitation des vols va favoriser les pratiques de passe-droit et de népotisme, alors qu’il y a des gens qui ont vraiment besoin de retourner en Algérie”, dit Samir, qui n’a pas pu rendre visite au reste de sa famille depuis le décès de son père l’été dernier. Sur les réseaux sociaux, beaucoup s’inquiètent, par ailleurs, de l’envolée du prix des billets proposés par Air Algérie.
Un aller-retour Paris-Alger entre le 16 juillet et le 16 août 2021 était proposé à plus de 1 500 euros hier. “C’est du vol”, s’indigne Hassina, étudiante à Paris, en précisant que ce prix équivaut au montant du Smig en France. “Air Algérie veut renflouer ses caisses vides en détroussant les émigrés. C’est honteux. A-t-on pensé aux étudiants, aux vieux retraités et aux familles nombreuses qui doivent encore sacrifier un nouvel été sans revoir leurs proches ?” s’indigne la jeune fille.
Air Algérie, qui dispose pourtant de bureaux en France, reste injoignable. Son centre d’appels parisien ne répond pas au téléphone, alors que beaucoup de clients souhaitent changer les dates de réservation des billets qu’ils ont achetés avant la fermeture des frontières.
Sur son site de réservation en ligne, la compagnie nationale propose aussi cinq vols par jour à partir d’un seul aéroport parisien, celui de Roissy-Charles-de-Gaulle, alors que le nombre des dessertes autorisées par le gouvernement est le même, mais pour l’ensemble des aéroports. “Tout cela reste très ambigu. On ne sait pas comment les vols seront organisés”, martèle Samir, dubitatif.
Samia LOKMANE-KHELIL