Sitôt vidée de ses habitants, transférés samedi dernier au nouvel ensemble immobilier 1201-Logements publics locatifs, à Bir El-Djir, la cité d’habitation en préfabriqué “Batimate taliane” d’Es-Sedikia a vu sa destruction débuter. Quelques heures plus tard, les premières critiques dénonçant une démolition loin d’être planifiée convenablement ont fusé sur les réseaux sociaux.
La cause étant la présence de matériaux en amiante-ciment (plaques, ardoises, produits plans, tuyaux, canalisations) dans la composition de ces chalets. Selon des informations données par les habitants eux-mêmes, ce produit cancérogène aurait causé une centaine de morts parmi les habitants depuis les années 80. Le bureau d’Oran de l’Association de protection et d'orientation du consommateur et de son environnement (Apoce) a dénoncé la “mise en danger des citoyens” à la suite de la démolition de ces habitations à l'aide d’engins “ordinaires” tout en sachant que ces logements contiennent de l’amiante. La même source indique qu’il aurait fallu avoir recours à une entreprise de démolition spécialisée dans ce domaine en faisant attention à éviter la libération de fibres d’amiante dans l’air.
L’Association tient pour responsable “tous les organes exécutifs compétents dans ce domaine” de ce qui peut arriver. Contacté par Liberté, Abdelhakim Dib, chargé de communication de l’Apoce Oran, estime “qu’ils auraient dû utiliser les moyens nécessaires”, rappelant le danger de l’amiante. “Ils ont utilisé des Poclain comme s’ils avaient affaire à du béton”, regrette-t-il. De son côté, la commission de la santé, de l'hygiène et de la protection du consommateur de la commune d'Oran a appelé les citoyens et riverains de Batimate taliane à se tenir éloignés du site ou de se protéger à cause de la présence d’amiante et sa propagation dans l’air pendant la démolition.
Hier, sur place, la police avait condamné tous les accès menant à la cité où l’opération de destruction, confiée à un entrepreneur de Mostaganem, avait été momentanément suspendue. A priori, aucune mesure adéquate n’a été prise puisque certains bâtiments déjà éventrés étaient exposés à l’air libre. En France, les mesures de protection doivent, entre autres, être adaptées à la configuration générale du lieu, la surface à traiter et la nature de l’habitation. Un décret impose l’obligation de porter des équipements de protection individuels (EPI), choisis après analyse des risques, dont la combinaison de type 5 avec capuche ; le masque respiratoire (demi-masque filtrant ou masque complet doté d’un système de ventilation assisté) ; les lunettes de protection ; les gants et les bottes.
La combinaison doit être fermée au cou, aux chevilles et aux poignets. Après usage, les masques, filtres et vêtements jetables doivent être considérés comme des déchets et suivre la même procédure d’élimination. Il est su que, une fois endommagé, l'amiante libéré dans l’air constitue un sérieux danger pour la santé. Interrogés, des employés de l’entreprise de démolition, en tenue bleue, ont confirmé la présence d’une matière dangereuse, d’où l’obligation de porter des masques de protection. “On nous a interdit de toucher à quoi que ce soit”, affirme l’un d’eux.
Les déchets de construction sont acheminés par camion vers un entrepôt à Chehaïria, près de Bethioua, alors que l’accès au site est interdit à toute personne étrangère à la société. Malgré cette consigne, les collecteurs de fer sont particulièrement à l’affût. L’un d’eux nous révèle attendre la première occasion pour avoir sa “part”, nonobstant le danger encouru ainsi que le risque de se faire arrêter pendant les quelques mois que va durer l'opération de démolition.
Pour rappel, une étude sur les déchets spéciaux et déchets spéciaux dangereux commandée, en 2017, par la direction de l’environnement locale, indique que 953 tonnes d’amiante, considérées comme “déchets spéciaux dangereux” (DSD), sont générées annuellement dans la wilaya d’Oran. Ils proviennent principalement des travaux de réhabilitation et de démolition dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. L'utilisation de l’amiante est proscrite depuis la décision prise par le gouvernement, en octobre 2009, d'interdire la fabrication, l'importation et la commercialisation de tout type de fibre d'amiante et de produits qui en contiennent.
SAÏD OUSSAD