Les accusations portées contre le journaliste concernent ses articles qu’il partageait sur les réseaux sociaux, notamment la couverture d’une manifestation de citoyens de Tamanrasset contre le nouveau découpage administratif.
Le journaliste Rabah Karèche reste en prison. Son procès n’est toujours pas programmé. Et pour cause. La chambre d’accusation du tribunal de Tamanrasset a décidé, hier, de renvoyer le dossier du prévenu à l’instruction après l’appel du parquet. Un fait rare, estiment des avocats, de nature à éloigner encore un peu plus la tenue du procès du journaliste Rabah Karèche.
Le 17 juin dernier, le juge d’instruction avait renvoyé le dossier du journaliste devant le tribunal correctionnel. En vertu de la loi, ce transfert signifiait la programmation du procès du détenu dans un délai n’excédant pas un mois.
Mais avec ce renvoi du dossier pour une instruction approfondie — en réponse à l’appel du parquet de la décision du juge d’instruction —, c’est le procès du prévenu qui se voit ainsi retardé. Incarcéré depuis le 19 avril dernier à la prison de Tamanrasset, Rabah Karèche, correspondant de Liberté dans cette ville, est poursuivi pour les chefs d’inculpation d’“administration d’un compte électronique consacré à la diffusion d’informations susceptibles de provoquer la ségrégation et la haine dans la société”, “diffusion volontaire de fausses informations susceptibles d’attenter à l’ordre public” et “usage de divers moyens pour porter atteinte à la sûreté et à l’unité nationales”.
Les accusations portées contre le journaliste concernent ses articles qu’il partageait assez régulièrement sur les réseaux sociaux, notamment la couverture médiatique d’une manifestation de citoyens de Tamanrasset contre le nouveau découpage administratif décidé dans le cadre de la création de nouvelles wilayas du sud du pays.
Convoqué plusieurs fois auparavant par les services de sécurité, il sera placé en garde à vue le 18 avril dernier, soit au lendemain de la publication de deux articles sur la protestation des citoyens au village de Tazrouk et à Tamanrasset.
Le lendemain, il est présenté devant le procureur de la République près le tribunal de Tamanrasset, avant d’être interrogé par le juge d’instruction de la même juridiction. Malgré les appels incessants à sa libération, Rabah Karèche reste donc en prison. Récemment, un comité de soutien au journaliste a été mis en place. Il a même lancé une pétition pour exiger sa libération.
Dans le texte de la pétition, le comité souligne que le journaliste est “officiellement accusé de diffusion de fausses nouvelles nuisibles à l'ordre public, d’avoir porté atteinte à la sécurité et à l'unité nationale, ainsi que d’avoir utilisé un compte électronique pour diffuser des informations susceptibles de provoquer la ségrégation et la haine dans la société”, mais concrètement, précise le Comité, “Rabah Karèche n’a fait qu’exercer son métier de journaliste”.
Il a, en effet, couvert deux manifestations de la population locale qui contestait le nouveau découpage administratif, événements rapportés dans deux articles dans le journal Liberté. “Rabah Karèche est l’un des rares journalistes de la presse nationale à couvrir les événements dans la wilaya de Tamanrasset”, rappelle le Comité, précisant que le journaliste “a fait l'objet d’un harcèlement des autorités locales dans le cadre de son travail et a, notamment, reçu plusieurs convocations ces derniers mois”.
Les rédacteurs du texte de la pétition regrettent que “malgré la protection des journalistes par la Constitution algérienne qui interdit la privation de liberté pour délit de presse, ces principes n’ont pas été respectés par les autorités judiciaires de Tamanrasset”. “Au lieu de protéger les journalistes pour permettre au public d’accéder à l'information, qui est un droit constitutionnel, le pouvoir accélère et multiplie les pressions et les poursuites judiciaires contre les journalistes”, dénonce le Comité.
Mohamed MOULOUDJ