Le procès en appel du chercheur Saïd Djabelkhir est prévu aujourd’hui à la cour d’appel d’Alger. Programmé une première fois le 2 juin dernier, le procès avait été reporté sur demande de la défense qui l’avait réclamé pour mieux étudier le dossier.
L’islamologue avait été condamné en première instance, lors du procès qui s’était tenu le 22 avril 2021 dernier, à 3 ans de prison ferme assortie de 50 000 DA d'amende.
Le procès a été pour le moins inédit, d'abord de par la qualité du plaignant, enseignant d'informatique, mais aussi de par la nature de l'accusation qui s’était appuyée sur les écrits de M. Djabelkhir sur les réseaux sociaux. Ses écrits concernent des questions qui relèvent exclusivement de son domaine de spécialité, à savoir la religion.
Poursuivi en vertu de l’article 144 bis 2 du code pénal, il l’a ainsi accusé de “moquerie à l’égard des sciences de la religion et des rites islamiques”. L’article 144 bis 2 stipule que “quiconque offense le Prophète, les Envoyés de Dieu, le dogme ou les préceptes de l’islam est passible de 3 à 5 ans de prison ou d’une amende allant de 50 000 à 100 000 DA”.
Cette accusation concerne tout écrit, dessin, déclaration ou tout autre moyen à travers lequel ce qui est qualifié d’offense est exprimé. Contacté par Liberté, Me Moumen Chadi a souligné que pour le procès d’aujourd’hui, “la défense ne va pas demander de report”.
Il a ajouté que la stratégie de défense a été revue. Interrogé sur la condamnation de première instance, Me Chadi a expliqué que légalement, “cette condamnation n’a pas lieu d’être”, car “on estime que le dossier de Djabelkhir est vide” et “il ne contient aucun élément pouvant prouver sa culpabilité”.
À souligner que lors de l'audience de première instance, le plaignant avait estimé que les écrits de l'accusé sur les réseaux sociaux représentent “un danger sur la société” du fait que Djabelkhir “est très suivi”. Le même plaignant avait également soutenu que les réflexions de l'islamologue “le touchaient dans son amour-propre”.
De son côté, Saïd Djabelkhir s'était défendu d'avoir attenté à un quelconque précepte religieux, mettant en avant sa liberté de recherche et de conscience.
Il faut rappeler, également, dans ce sillage, que les poursuites engagées contre le chercheur Djabelkhir ont indigné, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays, qualifiant la plainte et sa réception par la justice de grave atteinte à la liberté, notamment à la liberté de la recherche scientifique et de la réflexion.
Les multiples réactions enregistrées ont à l'unanimité tiré la sonnette d'alarme quant au danger qui pèse sur les libertés, dénonçant à la fois les plaignants et la justice.
Du côté des avocats de la défense, il a été mis en avant “l'absence de qualité” de plaignant à l'enseignant qui a poursuivi Djabelkhir. Ses avocats ont construit leurs plaidoiries sur l'“impossibilité” au tribunal de “trancher” dans un débat religieux. Ce qui rend en toute logique, ont-ils expliqué, la plainte irrecevable.
À rappeler également que le chercheur a été cible de menaces de mort sur les réseaux sociaux. Une plainte a été déposée contre les auteurs des menaces. Sur ce point, Me Chadi a indiqué qu’il déposera de nouveau une plainte pour menace de mort auprès du tribunal de Boufarik, lieu de résidence de la victime.
Mohamed MOULOUDJ