Le rapport sur la colonisation et la guerre d'Algérie, remis ce mercredi 20 janvier par l’historien Benjamin au président français Emmanuel Macron, recommande la mise en place d’une commission « Mémoire et Vérité » chargée d’impulser des initiatives mémorielles communes entre la France et l’Algérie, selon le quotidien Le Monde, qui a révélé les 22 points sur lesquels cette commission est appelée à formuler des recommandations. Une commission que l’historien souhaite composée de « différentes personnalités engagées dans le dialogue franco-algérien », comme Fadila Khattabi, présidente du groupe d’amitié France-Algérie de l’Assemblée nationale, Karim Amellal, ambassadeur, délégué interministériel à la Méditerranée, des intellectuels, médecins, chercheurs, chefs d’entreprise, animateurs d’associations… selon la même source.
Au premier chapitre, le rapport Stora recommande de «poursuivre les commémorations, comme celle du 19 mars 1962 demandée par plusieurs associations d’anciens combattants à propos des accords d’Evian, premier pas vers la fin de la guerre d’Algérie ».
Il s’agit également d’autres « initiatives de commémorations importantes (qui) pourraient être organisées autour de la participation des Européens d’Algérie à la seconde guerre mondiale ; du 25 septembre, journée d’hommage aux harkis et autres membres de formations supplétives dans la guerre d’Algérie ; du 17 octobre 1961, à propos de la répression des travailleurs algériens en France». A tous ces moments de commémoration, suggère l’historien, pourraient « être invités les représentants des groupes de mémoires concernés par cette histoire».
Parallèlement, l’historien propose d’organiser le recueil par la commission « Mémoire et Vérité » de la parole des témoins « frappés douloureusement par cette guerre pour établir plus de vérités et parvenir à la réconciliation des mémoires ».
Sur d’autres chapitres, le rapport Stora propose de « construire une stèle à l’effigie de l’émir Abdelkader », la « reconnaissance par la France de l’assassinat de l’avocat Ali Boumendjel », un geste qui «ferait suite à la déclaration du président Emmanuel Macron concernant Maurice Audin en septembre 2018 », selon toujours Le Monde. A cela s’ajoute également la perspective d «œuvrer à la publication d’un ‘’guide des disparus’’ (algériens et européens) de la guerre d’Algérie, sur la base des recherches du ‘’groupe de travail’’ créé à la suite de la déclaration d’amitié signée lors de la visite du président François Hollande à Alger en 2012 ». Ce groupe avait été mis en place, rappelle le Monde, pour permettre la localisation des sépultures des disparus algériens et français de la guerre d’indépendance, et qu’il devra donc poursuivre son travail. Aussi, il s’agit de poursuivre le travail conjoint concernant « les lieux des essais nucléaires français en Algérie, réalisés entre 1960 et 1966, et leurs conséquences, ainsi que la pose des mines aux frontières », mais également « l’activité du comité mixte d’experts scientifiques algériens et français chargés d’étudier les restes humains de combattants algériens du XIXe siècle conservés au Muséum national d’histoire naturelle ».
Autre chapitre, cependant très sensible côté algérien, est celui des harkis. Le rapport Stora envisage ainsi de «voir avec les autorités algériennes la possibilité de faciliter les déplacements des harkis et de leurs enfants entre la France et l’Algérie», mettre en place « une commission mixte d’historiens français et algériens pour faire la lumière sur les enlèvements et assassinats d’Européens à Oran en juillet 1962 ; entendre la parole des témoins de cette tragédie », et «encourager la préservation des cimetières européens en Algérie (travaux, entretiens, réhabilitations des tombes), ainsi que des cimetières juifs (comme ceux de Constantine et de Tlemcen) ».
Toujours côté mémoire, et à l’instar de « la mesure instaurée par le président de la République visant à donner à des rues de communes françaises des noms de personnes issues de l’immigration et de l’outre-mer », le rapport envisage d’ «inscrire des noms de Français d’origine européenne particulièrement méritants, en particulier médecins, artistes, enseignants, issus de territoires antérieurement placés sous la souveraineté de la France », et « activer le groupe de travail conjoint sur les archives, constitué en 2013 à la suite de la visite du président Hollande en 2012 », et qui «devra faire le point sur l’inventaire des archives emmenées par la France et laissées par la France en Algérie ».
Côté coopération universitaire, et en attendant « le règlement de la domiciliation des archives », la France pourrait « donner chaque année à dix chercheurs, inscrits en thèse sur l’histoire de l’Algérie coloniale et la guerre d’indépendance dans un établissement universitaire algérien, la possibilité d’effectuer des recherches dans les fonds d’archive en France».
En parallèle, note le rapport, « des étudiants français, dans un nombre qui reste à discuter avec les autorités algériennes, devraient pouvoir bénéficier d’un visa à entrées multiples et d’un accès facilité aux archives algériennes concernant la même période».
L’historien recommande, dans le même sens, de «favoriser la diffusion des travaux des historiens par la création d’une collection ‘’franco-algérienne’’ dans une grande maison d’édition », créer « un fonds permettant la traduction du français vers l’arabe et de l’arabe vers le français d’œuvres littéraires et à caractère historique (ce fonds pourra également prendre en charge les écrits de langue berbère) », et «accorder dans les programmes scolaires plus de place à l’histoire de la France en Algérie.
« A côté d’une avancée récente – ne plus traiter de la guerre sans parler de la colonisation –, il convient de généraliser cet enseignement à l’ensemble des élèves (y compris dans les lycées professionnels) », souligne le rapport.
Par ailleurs, Stora suggère d’ «aller vers la mise en place d’un office franco-algérien de la jeunesse, chargé principalement d’impulser les œuvres de jeunes créateurs (œuvres d’animation, courts-métrages de fiction, création de plate-forme numérique pour le son et l’image) », réactiver « le projet de musée de l’histoire de la France et de l’Algérie, prévu à Montpellier et abandonné en 2014 », organise en 2021 « un colloque international dédié au refus de la guerre d’Algérie par certaines grandes personnalités comme François Mauriac, Raymond Aron, Jean-Paul Sartre, André Mandouze et Paul Ricœur », et une exposition ou un colloque sur les indépendances africaines au Musée national de l’histoire de l’immigration.
Enfin, le rapport prévoit « l’entrée au Panthéon de Gisèle Halimi, grande figure de l’opposition à la guerre d’Algérie », et la création d’ « une commission franco-algérienne d’historiens chargée d’établir l’historique du canon ‘’Baba Merzoug’’ » et de « formuler des propositions partagées quant à son avenir, respectueuses de la charge mémorielle qu’il porte des deux côtés de la Méditerranée ».
Rédaction Web