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Comme un rêve éveillé, ce sursaut émerveillé

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Rabeh SEBAA Publié 18 Février 2022 à 17:23

CHRONIQUE De : Rabeh SEBAA

“Être un bourreau d’hommes, c’est la meilleure manière de décrocher les étoiles.” Kateb Yacine

L’Algérien a toujours porté en lui la flamme de la liberté. Une flamme indocile.   Qui  danse  en   guise  d’estampille  indélébile.   Rétive  et insoumise. 

Ouvertement radical et fermement pacifique. Un mouvement citoyen qui offrit au monde l’un des contrastes les plus saisissants de l’Histoire. Suscitant enthousiasme et admiration. Interrogations également. Il s’est agi, dès le départ, d’un mouvement citoyen sur fond de processus insurrectionnel. Au sens de demande de changement. Mais également de l’irrévocable exigence de dignité d’être. Et si cette double dimension recoupe la notion de révolution, il s’est, alors, agi bel et bien d’un élan révolutionnaire. La notion de Révolution, qui demeure controversée, a connu des glissements sémantiques successifs, en fonction des sociétés et des contextes historiques. Tout en conservant dans l’imaginaire universel son contenu fondamental et fondateur qui signifie rompre entièrement avec des pratiques et des idées contre lesquelles elle s’exprime. Dans le cas de figure de ce mouvement citoyen algérien, l’unanimité se fit autour de la notion de rupture avec un système. Un raccourci commode mais à la portée du grand nombre. De toute vraisemblance, nous nous trouvions face à un éveil de la conscience sociétale, longtemps tenue dans un état d’engourdissement, voire de léthargie. Par divers moyens politiques, économiques ou administratifs. Ces moyens qui semblèrent, subitement, frappés de caducité. Car n’ayant plus de prise sur la conscience collective. Les citoyens s’exprimant ensemble dans une société où tout était, pourtant, fait pour les diviser sur la question du genre, de l’âge et de la stratification sociale. Nous assistâmes à une libération de la conscience longtemps ligotée. Tout le monde s’accorda à souligner que le caractère pacifique de ce mouvement citoyen, lui, provenait du souvenir, encore vivace, de la décennie infernale conjuguant violence terroriste et répression totalitaire. Mais cette observation, même fondée, ne suffit pas à tout expliquer. Nous nous trouvions vraisemblablement devant le résultat d’une longue et lente maturation sociétale qui prenait ses racines dans la profondeur de la société algérienne. Une société qui attendait depuis plusieurs décennies une issue à ses multiples espérances. La division des tâches dans ce mouvement citoyen, l’organisation de débats, la poursuite de la réflexion et la mise en place de mesures urgentes, émanant des collectifs et des groupes de réflexion, ont été plus que diversifiées. Nous vîmes apparaître les germes d’un renouvellement de l’expression collective. La revendication de démocratie active manifestée pacifiquement était consécutive à une maturation de la conscience sociétale. Le mouvement citoyen a débordé ou transcendé les demandes classiques de satisfaction de conditions matérielles, pour englober les mises en question d’un système de gouvernance. Cette dimension politique fit suite à un mûrissement des mouvements sociaux qui ont capitalisé les traditions de lutte passées, syndicales ou autres, tout en intégrant les éléments qui faisaient partie des avancées sociales telles que l’élévation du niveau d’instruction, l’amélioration du niveau de vie ou encore le recours aux réseaux de communication démocratisés et plus accessibles au grand nombre. Ce mouvement citoyen est donc, fondamentalement, le signe d’une élévation de la conscience sociétale formulant de nouvelles exigences, articulant ou conjuguant le sociétal au politique sur fond d’attente ou d’espérance. Ainsi, l’autoqualification du mouvement citoyen par plusieurs métaphores heureuses poussa, en soi, à l’optimisme. Sans compter la jovialité qui habita les slogans et les mots d’ordre qui l’accompagnèrent. La dimension festive, qui a été, également, prégnante s’inscrivit en faux sur toute velléité catastrophiste. Elle a, alors, agi comme catharsis partagée mais également comme antidote à la violence. Encourageant l’annihilation de toute forme d’agressivité. Ce qui explique, entre autres, que des milliers de marcheurs se retrouvaient chaque vendredi, devenu “vendredire”, pour exprimer leurs attentes. Souvent formulées par l’intermédiaire d’Internet qui a joué un rôle majeur dans ce mouvement. En ce sens que les réseaux sociaux permirent de communiquer et de modérer en diffusant largement l’information en direction de milliers de marcheurs vers l’avenir. Des attentes multiformes qu’il s’agit encore de lire, de déchiffrer, d’analyser et de comprendre. Dans toute leur multiexpressionalité. Car, au-delà de son caractère éminemment sociopolitique, le mouvement citoyen algérien s’imposa, et s’impose encore, trois années après sa mise entre parenthèses, comme un objet de connaissance. Mais également, et surtout, comme une parcelle de mémoire collective toute en bourgeons. Un bourgeonnement coloré qui refleurit vers la fin de chaque mois de février. Hymne paré à l’Algérie fière et altière. Fervente et récalcitrante. L’Algérie qui sait exprimer savamment sa colère face à l’étranglement mortifère. Un vent de renouveau qui souffla sur les toits de l’Algérie tout entière. Une semonce févrière qui partit à l’assaut des cimes de l’horizon. Porteuse de prometteuses nouaisons. Pour un pays longtemps figé par la peur. Ligoté par une atonie en acier. Et un accablement en béton armé. Très armé. Un pays qui sentait le renfermé. Le soufre et le moisi. Durant cinq décennies amères. Des décennies d’hiver. Avant ce sursaut hardi de février. Un printemps précoce qui a ouvert les yeux à toute la société. Sur les insoutenables stupidités et les insupportables excentricités d’une gouvernance indue. Une gouvernance qui cultive la glaciation et sème la mortification. Généralisant la répression et banalisant l’oppression. Selon les schémas de la large reproduction. En toute impunité. Avant ce février résolu. Qui a déposé une gerbe aux pieds des langues longtemps transies. Et convoqué l’urgence de réhabiliter les cultures de dire, furieusement décimées. Les cultures d’être, de vivre et d’aimer. La nécessité de restituer ses marques à l’imaginaire culturel algérien. Dans toute sa diversité. De rendre aussi sa fierté d’exister à un citoyen longtemps brimé. Écrasé, piétiné, humilié. Un homme né, pourtant, libre. Et irrévocablement insoumis. L’Algérien, qui a toujours porté en lui la flamme de la liberté. Une flamme indocile. Qui danse en guise d’estampille indélébile. Rétive et insoumise. Une indocilité qui s’accouple avec sa légendaire dignité. Comme le symbole hautain d’une sève nourricière. Génératrice d’exigence. Pour tout Algérien qui se love voluptueusement dans les bras de la liberté de son pays. Un Algérien pour qui râler, continûment, est un imparable devoir. Douter et contester, perpétuellement, sont un supplément d’âme. Une parcelle de mémoire d’une force ardente, depuis des lustres et quelques millénaires. Une magnificence qui n’a jamais cessé de célébrer l’Algérie dans toute sa somptuosité. Dans toute sa vulnérabilité. Qui est aussi sa force. Forgée par ses diverses adversités. Par ses multiples altérités. Et par les torrents intérieurs qui coulent dans ses rêves rebelles. Jalonnant d’autres printemps inaboutis. Mais incessamment recommencés. Ces printemps chargés des différents serments engrangés. Et qui tonnent, invariablement, comme une salve de lendemains irrévocablement insurgés. Héraclite nous l’avait bien prédit en disant que la vérité reprend, toujours devant nous, sa place de meneuse d’absolu. Et que nous repartons à sa suite, tout enveloppés de vide, de doute et de présomptueuse suprématie. Cette parole est toujours parmi nous. Fortement audible et limpidement perceptible. Et chacune des trois années passées après le surgissement du mouvement citoyen n’a pas cessé de nous le rappeler. Dans une épaisse moiteur d’effroi. D’incertitude, d’insolite et de désarroi causés par une satanée pandémie. Qui annonce un avenir effroyablement étroit. Avec son lot d’illusions fracassées sur les murs blafards de l’incertain. Et la maussade rigidité de ses rocailleuses et râpeuses parois. Au creux du désemparement et des fatalités de mauvais aloi. Dégageant des relents âcres de recroquevillement. Des exhalaisons de repli et d’enfermement. Des émanations de glaciation qui planent indolemment. En esquissant des pas de danse macabre sur la terrasse caillouteuse de l’irrésolu. Sans entamer la volonté coriace de cette Algérie qui veut vivre et aimer. Sans écorner les rêves fous que ses filles sublimes savent porter comme des diadèmes flamboyants. Ni décourager les promesses impatientes de ses garçons remuants, qui les chevauchent comme des arc-en-ciel en furie. Éclaboussant le monde de leurs couleurs éthérées. Réveillant ces avenirs paresseux qui avaient longtemps prétendu s’être égarés loin de l’Algérie. Et qui reviennent. Pour s’y incruster. Pour s’y lover. Et inventer d’autres avenirs. Pour tous les futurs à venir.

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