Par : BEN MOHAMED
POÈTE
“Cet islamisme du double discours qui s’accommode bien avec la corruption, qui ignore les droits humains, ne fait appel à la démocratie que pour s’ouvrir une voie d’accès vers ce fauteuil tant convoité d’un pouvoir qui deviendra alors totalitaire.”
Voyons maintenant, ce qu’est la vérité à la sauce islamiste. À propos des massacres collectifs et autres assassinats aveugles de la décennie noire, les islamistes s’acharnent, par les importants moyens de propagande dont ils disposent, à nous faire croire que c’est l’œuvre de l’armée et de ses services secrets.
C’est possible. Cependant, ce qui était sûr à l’époque, c’est que ces islamistes, quand ils ne revendiquaient pas les massacres et assassinats, ils ne les condamnaient pas non plus.
À ce jour, ils ne les ont pas condamnés, ni même regrettés, encore moins demandé pardon. Ils se sont toujours contentés de s’abriter derrière le “qui tue qui ?”, inventé par leurs alliés objectifs, trop naïfs ou trop éloignés de la réalité du terrain
Faut-il rappeler à ceux auxquels il reste encore un minimum de mémoire et de discernement que ces assassinats étaient commis par des musulmans contre d’autres musulmans. Ils n’ont épargné ni vieux, ni jeunes, ni femmes, ni enfants, ni mères, ni bébés, ni croyants, ni athées, ni intellectuels, ni analphabètes, ni travailleurs, ni chômeurs, ni militants, ni fonctionnaires, ni professions libérales…
Aussi, qu’ils soient commis par l’armée, les services de sécurité ou par les islamistes, ces crimes ont tous été commis au nom de l’Islam. Des islamistes ont été assassinés par d’autres islamistes pour la simple raison qu’ils appartenaient à des courants islamistes différents ou qu’ils ont eu tout simplement le malheur de se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment.
Mais comme disait en son temps Khomeiny à propos des victimes de sa justice expéditive : “Si elles sont coupables, on aura fait notre devoir. Si elles sont innocentes, elles iront au paradis.”
À partir de ce raisonnement - si on peut l’appeler ainsi -, comment peut-on croire aujourd’hui que des islamistes capables d’assassiner leurs parents et leurs compagnons de lutte puissent demain être en mesure de tolérer un quelconque écart de leur voie tordue et sans issue ? Comment peut-on croire en un avenir serein et prospère dans le système politique que ces illuminés concoctent pour leurs “sujets” ? Je dis bien “sujets”, car dans un pays musulman, il n’y a que des maîtres et des sujets. Il n’y a pas de place pour des citoyens égaux en droits et en devoirs.
Qu’il soit scanné par le regard d’un démocrate ou par celui d’un patriote intègre, le système de l’Islam politique ne tarde pas à révéler ses tares.
Il est admis par tous que parmi les fléaux qui ont réussi à mettre l’Algérie à genoux, on retrouve essentiellement la corruption, la malhonnêteté et l’incompétence. Il se trouve que la très grande majorité des islamistes repentis se sont convertis en affairistes. Cela a nécessité, bien sûr, des capitaux plus ou moins importants. Il se trouve aussi que la très grande majorité de ces groupes qui hantaient les maquis étaient loin d’être des enfants de chœur ou de Crésus. Alors, d’où proviennent ces capitaux investis, si ce n’est des fortunes amassées au maquis avec l’argent sale du racket, des rançons, des casses et autres formes malhonnêtes d’extorsion de fonds aux citoyens, à des institutions bancaires et aux entreprises ?
Ensuite, il y a toutes ces activités commerciales illicites et spéculatives, très répandues et bien connues chez ces affairistes islamistes. Mieux encore, quand on le leur reproche, ils répondent sans vergogne : “Ça, c’est du commerce. Le Prophète lui-même était commerçant.”
Cela relève de magouilles dans la vie privée, mais leurs activités dans la vie publique ne sont pas plus propres.
On risque d’avoir de grandes surprises si les procès à venir nous révélaient vraiment l’ampleur des malversations commises par tous ces détenus islamistes qui étaient d’anciens responsables à différents niveaux de l’État.
Il s’agit là de ceux qui avaient prêté allégeance au clan Bouteflika. Mais il en existe bien d’autres encore. On ne peut évoquer les dérives du passé et celles inévitables de l’avenir, s’il devait y en avoir un, sous leur autorité. Il s’agit de la gestion des APC et des APW que les islamistes avaient accaparé lors des élections du mois de juin 1990.
Il est évident que ceux qui les avaient élus attendaient d’eux une gestion saine, respectueuse des droits du citoyen et des lois de la République. Que nenni !
Il n’y a jamais eu de contrôle sur cette gestion. À ma connaissance, ni la Cour des comptes, ni l’Inspection des finances, ni aucune institution de contrôle n’a mis le nez dans la gestion de ces élus. Même si des contrôles ont eu lieu, aucun rapport, autant que je sache, n’a été publié. Ce qui signifie qu’il y a anguille sous roche. Est-ce dû à la peur des fonctionnaires du contrôle, à la complaisance du pouvoir ou à la complicité de cette administration largement véreuse et infiltrée par des islamistes ?
Pour le moment, on n’en sait rien.
Néanmoins, il y a quand même une différence observée par des administrés lucides et vigilants, entre les nouveaux élus islamistes et les anciens élus du FLN.
Effectivement, il y a eu un changement… celui de la clientèle.
De nouvelles têtes de favoris ont grimpé la côte pour arriver dans les premières lignes des petits papiers gribouillés par les nouveaux élus, pour remplacer ou déclasser celles des anciens élus. L’objectif des uns et des autres étant toujours de profiter d’un maximum de privilèges pour soi, pour sa famille, pour son parti et enfin pour ses amis.
En fait, la conduite des nouveaux élus a révélé à ceux qui voulaient voir clair que la seule et vraie différence entre le FLN et le FIS, le Hamas et autres cousins islamistes, c’est que le premier s’est imposé au pouvoir par une pseudo-légitimité révolutionnaire, alors que les autres voulaient et veulent toujours s’imposer directement par une pseudo-légitimité divine.
Cet islamisme du double discours qui s’accommode bien avec la corruption, qui ignore les droits humains, ne fait appel à la démocratie que pour s’ouvrir une voie d’accès vers ce fauteuil tant convoité d’un pouvoir qui deviendra alors totalitaire.
Quel que soit l’angle de vue que l’on choisit, on découvre qu’un pouvoir islamiste ne sait finalement offrir qu’un enfer pour ici-bas et des promesses de paradis pour l’au-delà. Comme si ce paradis, c’étaient eux qui en détiendraient les clés.
La belle arnaque !
Qui sont les alliés des islamistes ?
Dans tous les domaines, qu’ils soient économiques, scientifiques ou techniques, il est bien entendu que ce type de pouvoir ne reconnaît jamais ses erreurs, ses échecs et ses retards. Au contraire, tous ses travers sont imputés indifféremment aux Occidentaux, à de supposés ennemis internes et externes de l’Islam, à l’ancien colonisateur, à l’aliénation culturelle, à la méconnaissance de l’Islam et à bien d’autres oiseaux de malheur dont ils ont le secret des inventions.
La plus grande escroquerie consiste surtout à nous présenter l’Occident comme étant le plus grand ennemi de l’Islam et de l’islamisme.
En réalité, en examinant de plus près les faits et méfaits, on constate que c’est plutôt grâce à cet Occident que leur pouvoir oppressif perdure. C’est l’Occident qui reconnaît en eux les représentants de leurs peuples.
C’est lui qui leur vend des armes et autres moyens d’oppression dans leurs pays.
C’est lui qui leur installe parfois des usines qui emploient leur main-d’œuvre sous-qualifiée et sous-payée. C’est lui qui leur fournit tous ces gadgets électroniques qui leur donnent la fausse impression de maîtriser les nouvelles technologies.
C’est l’Occident qui les soigne, qui leur construit des tours, des buildings et même leurs mosquées. C’est surtout lui qui protège leur argent sale dans ses coffres-forts bien cachés et bien solides.
À première vue, tout cela semble anormal et contradictoire. Pourquoi ? Parce les pays développés occidentaux s’enrichissent essentiellement sur le dos de ces pays musulmans, riches en matières premières, mais pauvres en matière grise, surtout dans les domaines scientifique et technique. Même quand cette matière grise arrive à émerger, elle finit par choisir l’exil vers des pays occidentaux qui leur permettent de jouir de plus de liberté de création, de s’épanouir et surtout pour échapper à la défiance des dirigeants de leur pays.
Ce sont ces pays développés qui font les prospections dans des pays musulmans, qui trouvent les matières premières dont ils ont besoin, qui les exploitent, les ramènent dans leurs propres pays pour les traiter et revenir, enfin, leur vendre les produits finis qu’ils en ont tirés. Les choses vont et iront ainsi longtemps encore, car les pays développés voient bien qu’ils ont intérêt à soutenir et à faire durer ces régimes de la régression qui ne savent produire que des tubes digestifs, au lieu de produire des cerveaux fertiles qui pensent, qui créent et qui sont la vraie richesse humaine de leur pays. Qu’on l’entende bien, les pays occidentaux n’ont aucun intérêt à voir fleurir des peuples constitués de citoyens à part entière, capables de prendre en main leur destin, d’exploiter les richesses de leur pays et de profiter des produits de leur travail tout en traitant d’égal à égal avec leurs partenaires étrangers. En bons capitalistes qui se respectent, ils n’ont toujours pas intérêt à voir ces peuples se nourrir d’un savoir productif et émancipateur. Ils ont toujours intérêt à les laisser se bercer de discours pompeux sur un passé mythique.
Tous les peuples dominés peuvent toujours être fiers de leur passé. Pourvu qu’ils ne passent pas au stade où ils auraient de quoi être fiers de leur avenir. Pour le moment, tous les mensonges sont bons pour maintenir ces petits peuples dans l’ignorance et les grands dirigeants dans leurs fauteuils.
Les seuls exploits qu’on peut attendre de ces dirigeants, ce sera de construire encore plus de mosquées et moins d’hôpitaux ; de multiplier le nombre d’écoles coraniques, mais de former moins de compétences. Et on nous alimentera de balivernes.
On nous ressassera encore et encore qu’il y a eu un Islam des lumières, mais on ne nous dira pas que ces lumières sont le produit d’autres civilisations antéislamiques et qu’elles ont été éteintes par l’Islam du pouvoir, donc par l’Islam politique. On nous dira qu’ils développeront les sciences et autres savoirs utiles, mais on ne nous avouera pas que ce n’est pas avec leurs Ulémas qu’on accèdera aux nouvelles technologies et au monde moderne en général. On nous dira que Dieu les a bénis avec des richesses naturelles, mais on ne nous dira pas que ce sont les “amis de Satan” qui en tireront le plus de profits. On ne nous dira pas, non plus, qu’ils exportent leurs matières premières à bas prix et qu’ils importent leurs produits finis au prix fort. On nous dira qu’ils construisent des villes modernes où ils peuvent trouver tous les produits de consommation désirés, mais on ne nous dira pas que ces constructions et leur maintenance sont l’œuvre des autres et que les produits sont importés des pays “d’impies”.
On nous dira même qu’il y a des Ulémas pour régler nos problèmes. Je le sais et je sais aussi que leur préoccupation essentielle, c’est la Femme. Par des hadiths apocryphes, par des prêches télévisés, par des lectures perverties, ils s’acharnent à démontrer que la femme est la source de tous nos problèmes. Aussi, leur solution consiste-t-elle à exclure la moitié de la société en l’enfermant entre quatre murs ou en la sortant, tenue en laisse, dans un linceul mouvant.
Tout cela pour protéger leur honneur, qu’ils croient trouver dans la perversité de la tenue féminine, alors qu’elle ne se trouve que dans leur sale regard. Est-ce avec ces Ulémas, savants auto-proclamés, qu’on pourrait un jour construire des complexes industriels capables de fabriquer de A à Z nos voitures, camions, cars, trains, avions, bateaux, tracteurs et autres engins ? Est-ce avec ces Ulémas qu’on pourrait travailler nos terres, les faire fructifier pour assurer au moins notre indépendance alimentaire ? Est-ce avec eux qu’on pourrait passer du stade de simples utilisateurs à celui, plus prestigieux, de créateurs de nouvelles technologies ? Est-ce avec ces Ulémas que nos citoyens, qui arrivent à acquérir des compétences de haut niveau dans des Écoles étrangères, pourront mettre leur savoir-faire au service de leur pays, sans subir méfiances, marginalisations, voire pire ? Même l’Iran, l’Irak, la Syrie, ces pays héritiers de belles civilisations dont on retrouve encore des traces dans leur architecture, leur artisanat, leur archéologie, n’ont pas échappé à la régression, seul produit dont sont capables tous ces régimes politiques qui ne voient l’avenir qu’à travers un œil aveuglé par un passé plus mythique que réel.
Ce constat établi, comment accorder à un pouvoir islamiste ou même islamique un minimum de confiance ? Peut-on citer un seul pays musulman qui constituerait un modèle de démocratie, de libertés citoyennes, de défense de la libre pensée, d’indépendance économique, de développement scientifique, technique ou artistique ? Peut-on citer un seul pays musulman qui serait celui où on rêverait de vivre normalement, sereinement, intelligemment en tant que simple citoyen jouissant de tous ses droits humains et accomplissant dignement tous ses devoirs ? Même les opposants islamistes menacés par les pouvoirs politiques de leur pays ne se réfugient que très rarement dans d’autres pays musulmans. Le meilleur refuge dans ce cas, c’est bien sûr la Démocratie.
Et c’est là que l’on se retrouve face aux grands paradoxes et à la grande ingratitude des islamistes. En effet, au lieu de respecter nos bonnes vieilles traditions d’accueil, ils se mettent à vouloir imposer à leurs hôtes ces règles de vie théocratiques qui sont à l’origine de leur exil. Ils font appel aux lois tolérantes de la démocratie pour tenter de détruire leur bienfaitrice, la Démocratie. Ils portent ainsi préjudice non seulement à leurs bienfaiteurs, les démocrates, mais aussi à eux-mêmes. Au lieu de jouir des bienfaits de la société laïque qui les accueille, ils sortent de leurs bagages tous les travers de la théocratie qu’ils n’ont malheureusement pas su laisser derrière eux. Ils ne se rendent même pas compte que s’ils arrivent à leurs fins, ils n’auront plus de pays où se réfugier.
En guise de conclusion, il me plaît de rappeler une anecdote vécue dans mon village. J’avais entre huit et dix ans. On avait un marabout, un cheikh respecté par tous pour sa personnalité exemplaire. Il avait toutes les qualités souhaitées chez un être humain.
Un jour, alors qu’il discutait avec un villageois plus jeune que lui, je suis passé à côté d’eux et j’avais surpris ces quelques paroles dont je n’avais pas compris alors le sens profond, mais dont j’avais inconsciemment senti l’importance, ce qui m’a permis de les garder dans ma mémoire :
— Le jeune : “Mais toi, Cheikh, tu es un homme de foi !”
— Le Cheikh : “Non mon fils, ceci est une lourde charge.”
Plus tard, je compris que ce Cheikh avait, par sa réponse, montré qu’il avait une haute idée de la foi et un profond respect pour la religion. C’est pour cette raison qu’il a vécu en travaillant sur lui-même pour évoluer vers la perfection de l’Être, sans pour autant s’ériger en censeur devant la conduite des autres. Il se contentait tout juste de donner un avis ou des conseils quand on les lui demandait. Je n’ai jamais entendu ce Cheikh faire du prosélytisme. La meilleure façon de servir son Islam, c’était pour lui de donner l’exemple en se conduisant en bon citoyen. Voilà une perception de l’Islam pour laquelle, on ne peut avoir que du respect.