Par : DR MOHAMED MAÏZ
UNIVERSITAIRE
La récente décision américaine de reconnaître, sous la pression du lobby sioniste, la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental donne plus
de visibilité sur les plans d’implantation sous-régionale de l’axe israélo-atlantiste.
Le dossier du Sahara occidental est dans l’impasse. Il l’est resté en grande partie en raison de l’enjeu que représente ce territoire pour les intérêts géostratégiques franco-européens et atlantistes. Toutes les étapes de l’histoire de ce conflit et de sa non-résolution montrent l’implication du duo franco-espagnol.
L’objectif apparent est d’ordre économique. Il s’agit de l’exploitation commune entre le Maroc et d’autres pays de l’Union européenne des richesses du sous-sol sahraoui.
Les blocages et les manœuvres qui retardent la mise en œuvre de la solution de l’autodétermination répondent, aussi, à d’autres nécessités.
Outre le contrôle de ce nouveau couloir de circulation des marchandises, le refus d’accéder au vœu d’indépendance du peuple sahraoui renvoie à la crainte de voir adhérer ce pays à d’autres proximités politiques et d’échapper, ainsi, à l’influence géostratégique des intérêts extra-maghrébins et euro-atlantistes.
La récente décision américaine de reconnaître, sous la pression du lobby sioniste, la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental donne plus de visibilité sur les plans d’implantation sous-régionale de l’axe israélo-atlantiste.
La monarchie marocaine a, essentiellement, servi d’artifice opératoire pour tenter de soustraire, par le biais de la politique du fait accompli, la question sahraouie du registre onusien.
La sémantique irrédentiste, l’indépendantisme et l’esprit de mesure que développent les autorités sahraouies, à l’international, traduisent leur souci de se positionner hors des enjeux et des alliances.
Ce pacifisme et cette neutralité présentent le désavantage de ne pas faciliter l’insertion dans les plans de (re)configuration géostratégique du Maghreb par les puissances agissantes.
L’annexion est le cadeau-troc fait au Makhzen, promu au rang de partenaire privilégié, en contrepartie de son nouveau rôle au service des intérêts franco-atlantistes.
Ce choix entre dans le cadre d’une redéfinition du partenariat sécuritaire. L’option préférentielle pour le Maroc vise à contrebalancer la présence, sous-régionale, de la Russie, du fait de sa relation stratégique avec l’Algérie, à travers ses ventes d’armes à haute technologie, susceptible d’en faire une puissance militaire. Cette perspective ne fait pas que des heureux en ce qu’elle transgresse le principe, sacro-saint, du maintien, ad-eternam, de la supériorité technologique sioniste sur toutes las armées arabes réunies.
Obligé de la triple alliance Atlantisme-Europe-Sionisme, le Makhzen, tout à son ambition territoriale, a fait le choix de tourner le dos à l’idéal maghrébin.
Parce qu’elle n’agrée pas le duo franco-espagnol qui s’est appliqué à cette fin pour diviser les rangs intermaghrébins en entretenant le problème sahraoui, l’émergence d’un Maghreb puissant par l’unification de ses potentialités économiques, militaires et diplomatiques et à même de peser sur les relations internationales est durablement compromise.
Il est vrai qu’à l’heure où la dignité d’une nation est soldée, au dollar symbolique, à l’autel de la normalisation, l’attachement aux principes souverainistes et la fidélité aux causes justes des peuples en lutte pour leur existence peuvent paraître anachroniques. On est fondé à comprendre que l’encerclement de l’Algérie de zones conflictuelles et de foyers de guerre ne relève pas du banal concours de circonstances. Force est de conclure qu’on assiste à la mise en œuvre, avec la collaboration du voisinage, de la phase active d’un plan de remise en cause de l’équilibre sécuritaire de la sous-région.
Après un relatif retrait après l’avènement des indépendances, la stratégie de réoccupation fait intervenir, sur fond de troubles et d’insécurité, un mode opératoire ouvrant la voie à l’internationalisation des présences militaires.
L’interventionnisme ayant été, entre-temps, secouru par le recours, unilatéral, à des néologismes juridiques qui empruntent les formes de droit de poursuite, de droit d’ingérence, de frontières authentiques et autres frontières sécuritaires, imposés par des dispositifs légaux, internes, devenus, par le fait du prince, des dogmes supra-nationaux, régissant les conflits internationaux.
Ces barbarismes, juridiques, sont d’autorité opposables aux souverainismes nationaux.
L'occupation du Sahara occidental par le Maroc réalise, au profit des puissances pour lesquelles il sous-traite, une série d'objectifs.
1- Exploitation des richesses naturelles du territoire sahraoui.
2-Contrôle de la façade atlantique, frontière maritime avec la côte est des États-Unis.
3-Ouverture sur la profondeur africaine.
4-Pénétration de l'axe atlantisme-euro-sionisme.
5-Redéfinition du partenariat stratégique sécuritaire au profit du Maroc, pour la sous-région du Maghreb et du Sahel.
6-Légitimation de la force militaire comme moyen de résolution du conflit.
L'agglomérat hétéroclite arabo-occidentalo-sioniste qui s'est constitué autour du parrainage de l'agression, de l'occupation et de l'exploitation d'un territoire à décoloniser, au nom d'une convergence conjoncturelle d'intérêts, aura eu cependant le mérite de délier le peuple sahraoui de son engagement à respecter le cessez-le-feu.
La reprise des armes est la seule alternative qui lui reste pour faire face, nonobstant la disproportion, aux subjectivismes des solidarités liguées contre son droit à vivre libre sur son territoire parmi les nations.
Or le Maghreb et les zones frontalières limitrophes sont pour l'axe atlantisme - Europe - sionisme, une aire économique et militaire de la plus grande importance.
L'Algérie se singularise par son attachement à sa souveraineté.
Dans un environnement mondial porté sur la mise au pas, son indépendantisme ne lui vaut pas que des amitiés.
Son encerclement par des foyers de guerre n'est pas dû au hasard. Il procède d'une stratégie d'affaiblissement de sa capacité de riposte, par l'immobilisation et le maintien de l'étirement de ses forces de défense le long de sept frontières.
La partition de la Libye étant compromise, le plan de remplacement connaît un début d'application avec la question sahraouie.
Inscrite et planifiée, la normalisation maroco-sioniste répond à l'objectif de rapprocher, sur pression américaine, l'entité sioniste de son nouveau terrain d'intervention.
L'expérience a montré que la combinaison des forces euro-atlantistes et sionistes n'a pas vocation à assurer la paix. Parce qu'elle fait obstacle à la reconfiguration géopolitique qui se met en place, l'Algérie est visée dans sa sécurité territoriale. Les arsenaux ont déjà leurs bases au Sahara occupé.
À l'heure où, à nos frontières, se mettent en place des dispositifs de guerre, la sagesse politique voudrait que soient momentanément maîtrisées les divergences internes.
Fortement ancrés dans la population, le combat démocratique et la conquête des libertés ne devraient pas occulter la nécessité d'une prise de conscience quant aux dangers qui jouxtent nos frontières.
À cet effort citoyen devra correspondre, comme gage de la prédisposition du pouvoir à adhérer à une unification vitale des rangs, la libération de tous les détenus d'opinion, la suppression des entraves liberticides et la mise en œuvre d'un processus transitionnel.
C'est à l'aune de ces mesures revendiquées par le peuple que pourra être appréciée la sincérité de l'appel à la constitution d'un front interne.
Au moment où des forces hostiles se liguent contre le souverainisme algérien, la justesse de la cause démocratique ne devrait pas rendre inaudibles les bruits de bottes et les cliquetis d'armes qui nous parviennent de notre voisinage.
Une éventuelle provocation visant à mettre le feu aux poudres et à ouvrir la voie au déroulement du plan de déstabilisation de notre pays n'est pas à exclure.
Les ingrédients de l'internationalisation du conflit maroco-sahraoui sont déjà en place.
Devant un tel péril, les acteurs de la scène politique nationale seraient bien inspirés de prendre conscience de l'ordre des priorités et de converger vers des solutions consensuelles.
Cela étant, le Maroc a fait le choix de son extension territoriale au détriment de la stabilité régionale et de l'idéal maghrébin.
En préférant se mettre sous la tutelle et au services des puissances étrangères, et en optant pour la normalisation de ses relations avec l'entité sioniste, il a marqué sa décision de s'auto-exclure définitivement de la perspective maghrébine.
L'union du Maghreb est désormais condamnée à se faire sans le Maroc.
Cette donnée a le mérite de la clarté. Elle supprime l'écueil fabriqué à dessein pour bloquer l'intégration sous-régionale et l'émergence d'un bloc susceptible de peser sur la scène internationale.
Unis par l'homogénéité de la nature républicaine de leurs systèmes politiques respectifs et par la convergence de leurs visions géostratégiques, dont le respect du droit international applicable aux territoires en décolonisation par la voie des Nations unies, l'Algérie, la Tunisie, la Libye, la Mauritanie et le Sahara occidental se devront de réactiver le projet maghrébin et laisser le Maroc à ses partenaires que sont l'atlantisme, les pays du réseau de la françafrique, les monarchies du Golfe et l'entité sioniste.
La défection, à présent effective, du Maroc présente l'avantage collatéral de libérer les initiatives des autres États maghrébins de l'entrave liée au conflit maroco-sahraoui.
Rien ne devrait maintenant les empêcher de redessiner la carte de l'union maghrébine, expurgée du royaume chérifien.
Et de prendre acte de la séparation des destins maghrébins et marocain.