Contribution

L’urgence d’une nouvelle gouvernance

  • Placeholder

Abderrahmane MEBTOUL Publié 13 Septembre 2021 à 09:01

Par : Abderrahmane MEBTOUL
Professeur des universités

Pour réussir les réformes, l’Algérie, acteur stratégique de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine, a besoin de nouvelles intermédiations, loin des aléas de la rente.


“Pas de bonne économie sans vraie démocratie” (Pr, Sen, A.K., Prix Nobel d’économie)

En ces moments où de vives tensions géostratégiques qui se trament au niveau de la région, pouvant déstabiliser le pays, s’impose une nouvelle gouvernance. Avec l’ère d’internet où le monde est devenu une grande maison de verre, la Cité ne peut plus être gérée comme par le passé. La bonne gouvernance fondée sur la maîtrise des nouvelles technologies d’information doit être la priorité des gouvernants. Les nouvelles technologies sont susceptibles d'utiliser toute la panoplie des capacités actuelles : armement sophistiqué, maîtrise de l'information, diversité des types d'agression (capacité d'exporter une menace n'importe où dans le monde), générant des menaces (cyber-délinquance, cybercriminalité, etc.). Les moyens modernes de communication facilitent l'expression libre et la circulation, via les réseaux, des idées les plus extrêmes, dans un but revendicatif, subversif ou prédateur. Elles peuvent atteindre tous les pans de la société : cohésion sociale, légitimité de l'autorité, pertinence du modèle économique, sociétal ou religieux. Ainsi véhiculées, les techniques d’agression de toutes natures se propagent et contribuent d'autant plus à la fragilisation des “cibles” potentielles qu'elles s'appuient souvent sur l'image, support d'émotion. Pour le cas Algérie, il ne faut pas être utopique, sans bonne gouvernance, l’on ne peut parler de développement entre 2021/2025, les discours étant des slogans politiques auxquels la population ne croit plus. 
1 - À l’avenir, il appartient au gouvernement d’éviter l’incohérence de sa politique socioéconomique qui crée l’insécurité et aux partis politiques, non créés artificiellement, en cas de malaise social, comme cela se passe dans les sociétés démocratiques de servir d’intermédiations politiques, épaulés par une société civile dynamique, collant avec la réalité sociale afin d’éviter un affrontement direct forces de sécurité/citoyens. L’on peut faire une des meilleures constitutions et lois (ce mythe bureaucratique du juridisme), l’important étant d’analyser le fonctionnement de la société par la pratique sur le terrain. 

Comme l’a démontré brillamment l’économiste indien professeur Sen, A.K, Prix Nobel d’économie, pas de bonne économie sans vraie démocratie tenant compte des anthropologies culturelles, mais n’existant pas d'État standard mais que des équipements anthropologiques qui le façonnent. D’où l’importance d’institutions démocratiques, pour une société participative. Car pour respecter le contrat de coopération, s’impose une efficacité des institutions qui régissent des règles de coopération qui peuvent être 
informelles (comme les tabous, certaines traditions) ou formelles (écrites, codifiées comme le droit moderne). 

Les enjeux actuels et futurs des réformes passent par une évaluation à son stade actuel et ses environnements politiques, économiques, sociaux et internationaux, une identification des acteurs internes et externes impliqués dans le processus des réformes, une analyse des stratégies développées ou qui risquent d’être développées par les acteurs hostiles et une série de contre-mesures à mettre en œuvre par les acteurs favorables et anticiper les risques d’échec. C’est que tout projet social, en démocratie, est porté par des partis politiques, fonction d’affinités idéologiques et économiques dont le but, loin des slogans populistes, est d’améliorer la situation sociale des citoyens, de concilier efficacité économique avec une profonde justice sociale impliquant une économie forte, toute nation ne partageant que ce qu’elle a préalablement produit. Vouloir créer des organisations artificielles remplacer Mohamed par Abdelkader pour jouir d’une rente, ne résout en aucune manière les problèmes du pays. Force est de constater que les partis politiques traditionnels, pouvoir et opposition et la société civile appendice de ces partis ont été incapables de servir d’intermédiation politique et sociale, car non crédibles aux yeux de la population où en cas de malaise les forces de sécurité se retrouvent seules en face des citoyens.

En raison des crises internes qui les secouent périodiquement, du discrédit qui frappe la majorité d’entre elles, de la défiance nourrie à leur égard et à l’endroit du militantisme partisan, les formations politiques actuelles ont une faible capacité aujourd’hui de faire un travail de mobilisation et d’encadrement efficient, de contribuer significativement à la socialisation politique et donc d’apporter une contribution efficace à l’œuvre de redressement national. Quant à la société civile, force est de constater qu’elle est éclatée y compris certaines confréries religieuses qui avec la désintégration sociale et une jeunesse parabolée ont de moins en moins d’impacts contrairement à une vision du passé. Comme pour les partis, la majorité ne se manifeste que sur instrumentalisation, vivant du transfert de la rente et non sur la base des cotisations de leurs adhérents.
2.- C’est que la confusion qui prévaut actuellement dans le mouvement associatif national rend urgente l’élaboration d’une stratégie visant à sa prise en charge et à sa mobilisation. Sa diversité, les courants politico-idéologiques qui la traversent et sa relation complexe à la société et à l’État ajoutent à cette confusion. 
Ainsi, la verra-t-on se scinder en quatre sociétés civiles fondamentalement différentes, trois au niveau de la sphère réelle et une dominante dans la sphère informelle, la majorité silencieuse informelle : premièrement, le premier segment qui a été par le passé le plus gros segment, interlocuteur privilégié et souvent l’unique des pouvoirs publics sont des sociétés civiles appendice du pouvoir se trouvant à la périphérie des partis du pouvoir où les responsables sont parfois députés, sénateurs, vivant en grande partie du transfert de la rente ; deuxièmement, nous avons une société civile ancrée franchement dans la mouvance islamiste, certains segments étant l’appendice de partis islamiques légaux ; troisièmement, nous avons une société civile se réclamant de la mouvance démocratique, faiblement structurée, en dépit du nombre relativement important des associations qui la composent, et minée par des contradictions en rapport, entre autres, avec la question du leadership ; quatrièmement, nous avons une société civile informelle, inorganisée, atomisée qui est de loin la plus active et la plus importante, formant un maillage dense, tous les acteurs voulant un changement, mais du fait de tendances idéologiques contradictoires incapables de s’entendre sur un programme de gouvernement cohérent ; cinquièmement, nous avons une société informelle, la plus nombreuse, silencieuse qui est surtout attentive à la dégradation de son niveau de vie. L’intégration intelligente de la sphère informelle, non par des mesures bureaucratiques autoritaires, mais par l’implication de la société elle-même, est indispensable pour sa dynamisation. 

Car lorsqu’un État veut imposer ses propres règles déconnectées des pratiques sociales, la société enfante ses propres règles qui lui permettent de fonctionner. Mais ce discrédit de la classe politique traditionnelle n’est pas propre à l’Algérie où nous assistons à un très fort taux d’abstention lors de différentes élections, le cas récent américain ayant été une exception. Le monde est devenu une maison de verre avec le nouveau système de communication, une véritable révolution planétaire et récemment avec la pandémie de coronavirus, le monde de demain 2021/2030/2040 ne sera plus jamais comme avant, étant à l’aube d’une quatrième révolution économique et technologique, fondée sur deux fondamentaux du développement, la bonne gouvernance et l’économie de la connaissance (l’intelligence artificielle, le digital) ne devant jamais oublier que toute nation qui n’avance pas recule. D’où l’importance pour l’Algérie, afin de relever les défis, de l’implication du citoyen dans le processus décisionnel qui engage l’avenir des générations futures, qui est une manière pour l’État, de marquer sa volonté de justice et de réhabiliter sa crédibilité en donnant un sens positif à son rôle de régulateur et d’arbitre de la demande sociale. 

Le monde de demain subira de profondes mutations politiques, militaires, socioéconomiques et énergétiques, déclin des hydrocarbures traditionnels, développement des énergies renouvelables, d'hydrogène 2030/2040, avec de nouveaux segments engendrant de la valeur ajoutée nouvelle, déclassant les activités traditionnelles (voir débat exclusif du Pr A. Mebtoul avec Radio Algérie Internationale sur ce sujet le 12/3/2021 en 15 minutes). Nous devrions assister à d’autres relations sociales, de nouveaux comportements et d’autres méthodes de travail avec le développement des vidéo conférences, le télétravail pour certains métiers et des recompositions territoriales autour de grands espaces régionaux pour une population mondiale de 8,9 milliards d’habitants en 2030 et 9,8 milliards en 2050. C’est que nos sociétés ont été perturbées depuis l’entrée en puissance des nouvelles technologies à travers Facebook qui contribuent à refaçonner les relations sociales, les relations entre les citoyens et l’État, par la manipulation des foules, pouvant être positif ou négatif lorsque qu’elle tend à vouloir faire des sociétés un tout homogène, alors qu’existent des spécificités sociales des Nations à travers leur histoire. Ces nouvelles dictatures peuvent conduire à effacer tout esprit de citoyenneté à travers le virtuel, l’imaginaire et la diffusion d’images avec pour conséquence une méfiance accrue par la manipulation des foules, lorsque des responsables politiques formatés à l’ancienne culture ne savent pas communiquer. Mais des dangers guettent le futur monde qui sont la guerre alimentaire et son corollaire l’eau, la guerre numérique (cyberattaque) qui modifiera notre mode de vie. 

Autre défi majeur, la guerre écologique, cette dernière pouvant conduire avec le réchauffement climatique à des déplacements de populations avec l’élévation du niveau des mers et la sécheresse, à d’importants flux migratoires dont l’impact actuellement du coronavirus ne serait qu’un épiphénomène. Face à cette situation mondiale et interne que proposent les partis algériens, loin de la propagande populiste, souvent déconnectés de la société ?

Pour réussir les réformes, l’Algérie, acteur stratégique de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine, a besoin de nouvelles intermédiations, loin des aléas de la rente. Pour cela que soit posé un regard critique et juste sur sa situation, sur ce qui a déjà été accompli de 1963 à 2020, et de ce qu’il s’agit d’accomplir entre 2021/2030 au profit exclusif d’une patrie qui a besoin de se retrouver et de réunir tous ses enfants dans leurs différentes sensibilités, personne n’ayant le monopole du patriotisme, autour d’une même ambition et d’une même espérance, la sécurité nationale et le développement économique et social du pays. 

  • Editorial Un air de "LIBERTÉ" s’en va

    Aujourd’hui, vous avez entre les mains le numéro 9050 de votre quotidien Liberté. C’est, malheureusement, le dernier. Après trente ans, Liberté disparaît du paysage médiatique algérien. Des milliers de foyers en seront privés, ainsi que les institutions dont les responsables avouent commencer la lecture par notre titre pour une simple raison ; c’est qu’il est différent des autres.

    • Placeholder

    Abrous OUTOUDERT Publié 14 Avril 2022 à 12:00

  • Chroniques DROIT DE REGARD Trajectoire d’un chroniqueur en… Liberté

    Pour cette édition de clôture, il m’a été demandé de revenir sur ma carrière de chroniqueur dans ce quotidien.

    • Placeholder

    Mustapha HAMMOUCHE Publié 14 Avril 2022 à 12:00