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Le phare de l’île de Rachgoun ne s’allume plus

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Mohamed Seghiouer Publié 07 Mars 2022 à 19:49

   Par : Mohamed SEGHIOUER
           ANCIEN JOURNALISTE


 

Il  devrait  être,  au  loin,  depuis  la  terre   ferme,  un  beau sémaphore, et de nuit tel un feu sur la mer.  Si l’île est donc bien la sentinelle pour l’éternité de la grande bleue, son phare, lui, en principe vigilant, rassurant et prévenant, reste son veilleur, au profit sécuritaire de toute navigation maritime ou aérienne. Cela est le principe, une définition, mais la réalité est tout autre.

Le phare. Ah le phare ! 
Définition : un phare est un dispositif de signalisation maritime employé pour assurer la sécurité des navires s’approchant de la côte où il est situé ou d’un écueil proche. Certes site mondialement connu, chargé de faits historiques, mais hélas à l’abandon ; un désastre ! Manque d’entretien, manque de suivi.
Malgré le temps gris et des nuages sombres, pleins d’eau, l’île et son phare, imposants, majestueux et robustes, défient, à eux deux, les éléments de la nature, avec beauté, panache, résistance et indifférence maîtrisés.
Construit en 1870 au nord-ouest de Béni-Saf, sur la falaise côté nord de l’île, le phare dit de jalonnement, d’une hauteur de près de 19 m, culmine à environ 85 m au-dessus du niveau de la mer. 
Il est compréhensible que la hauteur détermine sa portée géographique qui peut correspondre à la distance maximale d’où le phare peut être vu. C’est le but : être vu de loin !
Il est constitué d’une tour carrée en maçonnerie qui sert de support au système d’optique en une grosse lanterne où sont installés l’optique et le foyer lumineux qui constituent en fait le feu. 
Au pied de la tour se trouve un bâtiment qui sert de logement aux gardiens. 
Le phare, selon l’ONSM (Office national de signalisation maritime), est alimenté en électricité non seulement par une batterie de panneaux solaires, mais aussi par une alimentation de secours induite par un groupe électrogène. Ça, c’est ce qui doit se faire.
L’éclairage est assuré par un feu de couleur rouge à 2 éclats en 10 secondes, visible à quelque 37 km environ. 
Il doit être un repère, pas seulement pour la navigation maritime comme l’on pourrait le penser, mais pour l’aviation, la navigation aérienne aussi. Il est mondialement connu et figure sur toutes les cartes internationales de la navigation. 
Le problème, c’est qu’il ne répond plus à ses objectifs initiaux, et cela depuis de nombreuses années, tant et si bien que l’éclairage de nuit ne fonctionne plus depuis longtemps. Par conséquent, il ne joue plus son rôle comme tous les autres phares du monde.
En cela, l’île peut, potentiellement, devenir un danger, mais heureusement pour les bateaux, les techniques de navigation, de détection et de signalisation ont très largement évolué avec des pointes très avancées. Il n’empêche que cela reste un danger pour les embarcations qui n’en sont pas pourvues. 
Ce qui est navrant, c’est le désastre installé tout autour de ce phare, avec les détritus et autres objets.
Pis encore, d’indélicats individus seraient passés par là, et du matériel précieux, comme aussi certains mobiliers rustiques, anciens, de bois et de métal, auraient disparu. 
Même le Livre d’or, à la disposition des passagers sur l’île, depuis la construction du phare, portant des milliers de messages et de signatures de visiteurs, a disparu. C’était une coutume que d’y laisser sa trace écrite dans cet album mémoriel. 
Qui sont ces pilleurs ? Comment ce matériel a-t-il pu être subtilisé sans que les gardiens du phare le sachent ? Ces pilleurs ne pouvaient ignorer la valeur historique des objets volés sur le site archéologique.
Dévalisé d’un côté et délaissé sur le plan du signalement maritime. Un phare ne doit jamais s’éteindre. Jamais tomber en panne !
Il est clair qu’à l’époque de la construction du phare il n’y avait pas les modalités et les performances modernes et technologiques de construction, comme aujourd’hui. Et pourtant il fonctionnait et son feu était vu de loin. Tous les Béni-Safiens le savent. 
Les bâtisseurs de cette époque ont bien pu concevoir un tel majestueux édifice, qui affronte depuis plus de 150 ans les affres du temps. 
Combien d’embarcations a-t-il fallu pour transporter toutes ces tonnes de matériaux ? Combien a-t-il fallu d’allers-retours, du petit quai du sud, pour rejoindre le lieu de la construction au 
nord ? Combien a-t-il fallu de bras, d’ouvriers ? 
Hélas, aujourd’hui, le phare reste aveugle dans la nuit. Pourtant l’énergie solaire est présente presque toute l’année. Elle peut être emmagasinée dans des batteries en prévision de l’hiver.

Le phare pourrait-il être rendu accessible aux visiteurs ?
Si cela devenait possible, le site permettrait d’accueillir du public avec un cheminement imposé, canalisé, pour éviter une fréquentation anarchique où des groupes de visiteurs iraient fouler le sol et les escarpements, selon leur volonté. 
La protection de cette zone doit être de mise et tout doit être fait pour éviter qu’elle ne se fragilise. Ouvrir les visites, une bonne chose pour la culture et une forme de tourisme, mais il faudrait protéger à tout prix les trésors de cette île. 
Ouvrir et organiser des visites payantes au public, pour des supports culturels et éducatifs, ne signifient pas anarchie, médiocrité ou autre envahissement. Non, la fréquentation piétonne acharnée, intensive, non maîtrisée et non disciplinée pourrait déranger et perturber les autres habitants de l’île, tels les oiseaux et autres volatiles, mais aussi la flore et la faune. Même invisibles à l’œil nu, il serait regrettable de leur causer des dommages soit par la pollution sous toutes ses formes, soit par tous ces rejets de plastique.

Et si nous revenions à nos lectures d’enfance ?
C’est vrai ! Qui n’a pas été, un jour ou l’autre dans sa vie d’enfant, d’écolier, fasciné par ces phares, qui défient les siècles, fasciné par ces imposantes structures et par leur beauté architecturale dessinée avec recherche et raffinement ? 
Surtout qu’il y a toujours eu des contes, des mystères et autres événements, avec la question enfantine de se demander comment pouvait-on vivre dans la solitude sur une île déserte, à la façon d’un… Robinson Crusoé ? 
Plus sérieusement, le phare de l’île de Rachgoun est un site qui pourrait attirer les touristes, les randonneurs, avec une entrée payante, au profit du Trésor communal. Recevoir du public est une initiative à encourager, mais bien sûr à condition de mettre en place des règles strictes pour les promenades piétonnes. 
Ce n’est pas une belle image quand on veut mettre en place une politique touristique. Il faudrait combler la frustration des visiteurs par des informations culturelles depuis l’origine de ce phare, site chargé d’histoires. 
En plus de l’ouverture du phare à des visites, dans un écrin environnemental sympathique et avenant, en conjuguant les intérêts culturels mais aussi les intérêts économiques de la commune, le tourisme sur l’île peut donc redynamiser la ville, et ce n’est certainement pas le visiteur, l’estivant ou le simple curieux qui dira le contraire.
La proposition d’un tel projet pourrait être soutenue par l’Office national de signalisation maritime, la direction de la culture, de l’environnement, la wilaya, l’APW, l’APC et bien sûr les associations les plus dynamiques et les plus au fait de ce secteur environnemental.
La randonnée depuis le port de Béni-Saf mais aussi à partir de la plage de Rachgoun, vers le site de l’île, sans doute une nouvelle ambition touristique et environnementale, pour donner une nouvelle image de cette côte avec le phare comme idée centrale et répondre à une demande de découverte, par des écoliers, des vacanciers et des habitants de la région. 
En sachant bien qu’on est sur un site classé de même que ses bâtiments historiques et sur un espace remarquable relevant du patrimoine certes national, mais aussi culturel mondial, protégé dans une zone où le respect de la biodiversité et de l’écosystème fait, en principe, force de loi. 
L’initiative mettra tout cela en valeur pour découvrir le côté emblématique du patrimoine maritime.

 

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