Par : MOUHOUBI ALLAOUA
RETRAITÉ DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
La gestion des déchets ménagers sera-t-elle la priorité des nouvelles assemblées qui sont issues des dernières élections locales ? La question s’impose pour enfin adopter la solution pertinente tant aux plans de l’environnement que de l’économie et mettre un terme aux approximations constatées jusque-là, qui sont coûteuses et sans réelle retombée sur l’hygiène de la ville. La situation de la grande métropole d’Oran, qui croule encore ces derniers temps sous les ordures, en est une parfaite illustration. Les nouvelles assemblées devraient se résoudre à faire le bilan exhaustif de toutes les expériences passées pour corriger le tir et réadapter leurs stratégies, d’autant plus que cette activité restera sans aucun doute l’une des principales compétences que le prochain code communal va leur préserver.
À commencer par le respect de la réglementation, la loi 01-19 du 12 décembre 2001 relative à la gestion, au contrôle et à l’élimination des déchets, et le décret 07-205 du 30 juin 2007, qui obligent respectivement à l’adoption d’un schéma directeur de gestion des déchets ménagers et son actualisation après une dizaine d’années. Schéma directeur qui définit la structure du gisement, la conteneurisation selon le mode d’habitat, la sectorisation rationnelle, les moyens de transport et humains, le traitement et le mode de gestion, auquel s’attache précisément cette contribution qui présente un panorama des différentes alternatives, avec leurs avantages et leurs inconvénients.
Régie ou la gestion déléguée à un Epic
Quelle que soit la taille de la collectivité et du volume de gisement des déchets, l’organisation rudimentaire de ce genre de service en interne ne permet pas d’envisager une gestion intégrée des déchets dans toutes ses dimensions de précollecte, de collecte, de tri et de valorisation. Dans la réalité cette alternative est aléatoire en raison de l’insuffisance des ressources pour renforcer les structures de nettoiement en matériels de collecte et des directives de restriction des recrutements de personnels autorisés au compte-gouttes juste pour le maintien du fonctionnement en l’état.
Une organisation en régie ordinaire ou autonome disposant d’un budget propre est également hypothéquée par la faiblesse du système de management et des ressources humaines de la commune nécessaires pour piloter un tel service de proximité. En l’absence de technicité et d’instruments de gestion, le maintien d’un embryon d’un tel service n’aurait d’utilité que pour les opérations de réplique des grandes artères, des interventions spécifiques, et pour assurer un service minimum en cas de grève des opérateurs concessionnaires.
Les arguments ne manquent pas pour l’option d’une gestion déléguée à un Epic (Établissement public industriel commercial) qui a l’avantage de permettre plus de flexibilité dans la gestion par ce type d’organisme, dont la pertinence est davantage confortée dans le cas d’une gestion intercommunale. Cette alternative est cependant souvent hypothéquée par les difficultés de mise en place de ce type d’établissement qu’il soit de niveau communal ou de wilaya, tant aux plans juridique que financier.
Le cas du chef-lieu de Béjaïa en est également la parfaite illustration, qui a subi la première mésaventure avec un Epic de wilaya, qui a défrayé la chronique, dans l’attente du sort qui sera réservé au projet de l’Epic communal qui n’arrive pas à démarrer malgré les budgets colossaux consacrés par anticipation. Une situation qui laisse la voie ouverte à toutes sortes de supputations. Même mise en place, ce type d’alternative reste aléatoire à terme en raison du coût de subventionnement difficile à supporter dans une conjoncture de contrainte financière, et surtout des risques d’interférences nuisibles que peut induire la proximité avec les assemblées élues sur des aspects de gestion, en particulier les recrutements. Situation très souvent confirmée par les échos d’une gestion négative dans les différentes grandes villes du pays par le biais de ce genre d’établissements.
Concession aux privés…
Depuis la crise de 2014 qui a entraîné l’application de mesures d’austérité avec la limitation drastique des recrutements d’effectifs, la concession à des opérateurs privés des opérations de ramassage des déchets ménagers s’est fortement développée au sein des collectivités. Une formule de concession généralement embrouillée, objet de cahiers des charges imparfaits avec un système de facturation à l’heure entraînant des surenchères et des coûts abusifs. Ces prestations limitées aux opérations de ramassage et d’évacuation sont effectuées par des petites entreprises sans savoir-faire réel, n’apportent aucune amélioration en matière de propreté, en plus de leurs protestations récurrentes en raison des créances non recouvrées auprès des collectivités, qui présentent des difficultés financières.
Une situation controversée dont la correction exige un dispositif de pesage – les collectivités doivent investir dans des ponts-bascules – avec un cahier des charges élaboré avec complétude qui restreint la participation aux seules entreprises spécialisées capables de satisfaire toutes les exigences de la propreté en termes de nettoiement, de pré-collecte, de lavage à haute pression, de tri sélectif en amont et surtout de communication. Seule condition d’une concurrence saine pour aboutir à une concession réussie pour une gestion intégrée des déchets ménagers.
Partenariat public-privé (PPP)
Une délégation dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP) qui est un marché de longue durée par lequel la collectivité locale associerait un opérateur privé doté de savoir-faire et de moyens pour le financement et l’investissement nécessaires à la prise en charge d’une activité de service public. Ce type de contrat serait particulièrement indiqué dans le contexte d’une contrainte financière que ce mécanisme peut surmonter avec des capacités d’investissements indispensables comme la réalisation de quais de transfert pour optimiser les rotations de collecte, des déchetteries et des colonnes de conteneurs sélectives.
Cette logique de partenariat public-privé, qui apporte de l’expertise technique en plus des moyens financiers, est une alternative qui peut être favorisée par une adaptation de la réglementation aux spécificités de ce type de contrat, dont un projet de texte serait en cours de validation.
En tout état de cause, en l’absence d’une sensibilisation ciblée et d’un règlement de collecte qui sanctionne le non-respect des horaires et les lieux de dépôt, les conditions de mise en sacs, aucune de ces alternatives ne peut être efficace. Toutes ces alternatives sont aussi tributaires du financement qui continue d’être supporté exclusivement par les fonds propres des collectivités, dès lors que la participation du citoyen est quasiment inexistante, au vu des recouvrements insignifiants de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) qu’il est censé acquitter. Situation qui le place d’une certaine manière dans une situation de non-responsabilité et d’indifférence vis-à-vis des enjeux de l’hygiène. D’autre part, le traitement des déchets constitue une véritable problématique en raison des centres d’enfouissement technique qui font face à de farouches oppositions, laissant les projets à l’état de fermeture ou d’abandon, ce qui est le cas particulier de la wilaya de Béjaïa.
Faut-il espérer précisément un déclic à la suite de la visite toute récente de la ministre de l’Environnement qui a beaucoup insisté sur la nécessité de l’économie circulaire et appelé à la participation positive des citoyens, pour booster tous les programmes à l’arrêt, à l’instar de la réhabilitation de la décharge nuisible de la côte ouest, l’ouverture de la maison de l’environnement d’une grande utilité pour l’encadrement des associations et la promotion de la formation dans le domaine, et surtout la réouverture du CET de Sidi Bouderhem ou, le cas échéant, sa reconversion utile en usine de recyclage des déchets, avec la mise en place des filières industrielles de leur valorisation. Condition indispensable pour préserver le site de toute spéculation immobilière.