Le 16 février 2021 marquera le 74e anniversaire de la mort d’Ahmed Oumeri, appelé “bandit” par les autorités coloniales et qui était en réalité patriote et combattant de la liberté. De son vrai nom Ahmed Belaïd, il est mort à l’âge de 36 ans le 16 février 1947 au village Iâazounen, trahi par un de ses amis, soudoyé par les autorités coloniales.
“Si laman id yekka lxuf” (la trahison vient de la confiance), dit-on. L’administration coloniale a toujours présenté Ahmed Oumeri, ainsi que les rebelles qui l’ont précédé comme des hors-la-loi, des bandits, auxquels on joignait parfois le qualificatif “d’honneur”. Mais on prenait soin de préciser que les questions d’honneur portaient sur des affaires de sang et de conflits entre clans, jamais sur le joug colonial, comme par hasard. C’est l’Histoire, avec le
recul nécessaire, qui va donner la définition du sens de l’honneur chez ces personnages. En réalité, en prenant conscience que seule la lutte armée pouvait précipiter la chute du système colonial, ces “bandits” étaient en avance sur leur temps. Bien d’autres avant Oumeri, comme Bouziane El-Kelaï (1838-1876 en Oranie), Arezki El-Bachir (1857-1895 en Kabylie), Messaoud Uzelmat (1894-1921 dans les Aurès)…, avaient emprunté ce chemin, au prix de leur vie. Le cas de Belkacem Grine, par exemple, peut illustrer la jonction directe entre les “bandits d’honneur” et la Révolution de 1954.
Ayant pris le maquis en 1950, “bandit” aux yeux des autorités coloniales, il adhère au MTLD, puis rejoint l’ALN dès le déclenchement de la Révolution. Il tombera au champ d’honneur le 29 novembre 1954 “après un accrochage d’une dizaine d’heures, entre un groupe armé de vingt-trois hommes qu’il commande et les parachutistes du 18e RCP de l’armée française”. Revenons à Ahmed Oumeri. Né à Ath Bouaddou (daïra des Ouadhias) le 25 octobre 1911, issu d’une modeste famille montagnarde qui défend des idées anticolonialistes, il vit une enfance difficile, avant d’être enrôlé dans l’armée et envoyé au front durant la Seconde Guerre mondiale.
Il réalise que cette guerre ne le concerne pas et déserte l’armée française en 1941, avant d’être emprisonné à Alger. Réincorporé de force, il déserte une seconde fois et décide de prendre le maquis, parcourant avec ses hommes les forêts et les montagnes de Kabylie. Très attaché à la liberté, il avait gagné la sympathie des montagnards, notamment des plus pauvres qu’il protégeait et aidait en prélevant des rançons sur les riches. Il vengeait les victimes de l’injustice des agents de l’administration coloniale. Plus tard, Ahmed Oumeri collabore avec le PPA, dont les responsables locaux, comme Krim Belkacem, feront tout pour l’attirer vers leur organisation politique.
Convaincu par Krim Belkacem, il était sur le point de rallier le groupe qui allait créer l’Organisation spéciale (O. S.). Sentant le danger que représentait Oumeri pour l’ordre colonial, les autorités, sous l’impulsion du préfet de Tizi Ouzou, mirent tout en branle pour le pourchasser et l’éliminer. Malheureusement, c’est la trahison d’un de ses compagnons d’armes, retourné par la police, qui va conduire à sa mort le 16 février 1947.
Ahmed Oumeri laissera une veuve et trois filles. Il est devenu une légende que la mémoire collective honore à travers les contes, la poésie et les chansons, comme il a inspiré des historiens, des écrivains et des journalistes. De “bandit” aux yeux de l’administration coloniale, l’Histoire lui a restitué sa qualité de résistant.
ALI BEDRICI