À l’occasion de la sortie de son dernier roman “Nos frères inattendus”, dans lequel il s’interroge sur le devenir de l’humanité, l’écrivain franco-libanais été l’invité “virtuel” de la librairie Kleber de Strasbourg. Durant cet échange avec les internautes et les étudiants de Sciences Po, il s’est dit “fasciné par la marche du monde, mais inquiet des dérives”.
Amin Maalouf, auteur franco-libanais qui n’est plus à présenter, vient de publier aux éditions Grasset un nouveau roman intitulé Nos frères inattendus. Invité “virtuel” de la librairie Kleber de Strasbourg, qui s’attelle depuis le début de cette crise à contrer cet obstacle sanitaire en organisant des rencontres virtuelles où auteur et lecteurs – ici les étudiants de Sciences Po Strasbourg et les membres de l’association À livre ouvert – se rencontrent et débattent à cœur ouvert.
La rencontre, qui a porté sur toute l’œuvre de l’écrivain franco-libanais, a débuté par la lecture de quelques passages des Identités meurtrières, histoire de revenir sur cette question d’“identité”, source de beaucoup de conflits et d’incompréhension de l’Autre, ce porteur d’une “différence” culturelle qui pourtant est une richesse. Tout comme il sera question de “langue”, comme dira Maalouf à ce propos : “Nous avons, à tort, laissé mourir des cultures, des langues, et il y a un déficit de préoccupations et de conscience dans ce domaine.”
Il est également revenu son parcours personnel, sur ses lectures, sur les auteurs classiques et leur rapport à ce “roulement de langue”, sur les expériences de son vécu qui font de lui, peut-être un témoin, peut-être un messager, mais sûrement un auteur lu et une plume reconnue dans le monde entier. Un auteur sensible à cette richesse culturelle qui menace de disparaître dans “l’indifférence générale”.
Une sensibilité qui lui vient de ses origines, puisqu’il a vécu dans un milieu où il y avait un “brassage de cultures, de langues, de croyances, de communautés religieuses…” mais qui tend à disparaître. Une occasion pour notre auteur d’évoquer, à travers les lectures choisies par les étudiants présents, un exemple concret et “choquant” de disparition d’une langue qui existait encore en Corse (Bonifacio) voilà 35 ans à peine et qui pourtant a complètement disparu dans “l’indifférence totale”.
L’occasion aussi de revenir sur un autre exemple encore “plus choquant”, dira l’écrivain : la disparition d’une communauté qui existait en Irak depuis le deuxième siècle de notre ère, et dont il avait parlé dans son livre Les Jardins de lumière, qui avait pourtant “survécu pendant dix-huit siècles à toutes les difficultés de l’histoire et qui se voit aujourd’hui, à notre époque, disparaître sous nos yeux et en toute indifférence”.
Et concernant sa nouvelle publication Nos frères inattendus, née à la suite d’une préoccupation actuelle majeure : le devenir de l’humanité, le lecteur comprendra que c’est un autre “naufrage” qui semble poindre à l’horizon et qui renvoie au Naufrage des civilisations, cet autre ouvrage tout aussi passionnant.
C’est dire la gravité de ce “dérèglement du monde” qui chamboule tout sur son passage. “Je suis fasciné par la marche du monde, mais inquiet des dérives”, dira Amin Maalouf, non sans garder toutefois une note d’espoir et d’amour car, ajoutera-t-il : “Il faut y croire car cette humanité, c’est nous.”
“Nous faisons tous partie de cette aventure humaine qui a les plus beaux moments et les pires, les personnages de ce roman, tout comme moi d’ailleurs, sont amoureux de l’humanité, et j’aimerais que cette aventure humaine se poursuive et s’épanouisse plutôt qu’elle n’aille heurter un iceberg comme l’a fait le Titanic.”
Samira Bendris-Oulebsir