Culture SÉRIE DOCUMENTAIRE “C’ÉTAIT LA GUERRE D’ALGÉRIE”

“Briser les tabous sur la colonisation”

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Ali BEDRICI Publié 19 Mars 2022 à 14:28

© D. R.
© D. R.

Réalisée  par  Georges-Marc  Benamou  et  écrite  par  l’historien Benjamin Stora, cette série explique “les raisons pour lesquelles la lutte armée a servi  à  exprimer  une  désillusion  réelle  de  tout  un  peuple”.

C’était la guerre d’Algérie est une série documentaire de cinq épisodes réalisés par Georges-Marc Benamou et écrite par l’historien Benjamin Stora. Elle a été diffusée les 14 et 15 mars à l’occasion du 60e anniversaire de la signature des Accords d’Évian. Elle est scindée en cinq parties : L’Algérie française (1830-1945), L’Insurrection (1954-1955), La Sale guerre (1956-1957), La Bataille d’Alger (1957) et Vers l’Indépendance (1959-1962).

Forte d’images d’archives et grâce aux “témoignages poignants d’Algériens”, la série raconte cette montée de ressentiment envers le colonisateur et “explique les raisons pour lesquelles la lutte armée a servi à exprimer une désillusion réelle de tout un peuple”. 

Côté français, C’était la guerre d’Algérie donne la parole à d’anciens militaires et aux pieds-noirs qui ont été “forcés” de quitter cette terre natale qu’ils “aimaient”. Georges-Marc Benamou estime qu’il fallait briser des tabous sur la colonisation et la guerre d’Algérie. “Il y a eu énormément d’images sur la guerre d’Algérie, des images du CPAD (armée) qui a joué un rôle important dans la fabrication du documentaire”, explique Benjamin Stora, avant d’ajouter : “Mais ces images ont été rarement montrées parce qu’elles ont été censurées et parce que les Français avaient envie d’oublier cette guerre ; on était dans une autre société.” Près de 500 000 photographies de la guerre d’Algérie sont déposées au fort d’Ivry (CPAD). Il y a eu par le passé quelques tentatives pour “briser ce blocus”, mais “il fallait faire plus encore et remonter à 132 années de colonisation, c’est-à-dire inscrire toutes ces images dans une temporalité beaucoup plus longue”. 

Le réalisateur Georges-Marc Benamou précise que la série documentaire se base sur “l’idée de lever tous les tabous, de dire tout sur cette guerre, toutes les vérités, ne plus censurer”. “On découvre que pendant la Seconde Guerre mondiale, il y avait en Algérie un fort sentiment antigaulliste, les Européens préféraient Giraud, de Gaulle on l’appelait ‘la grande Zohra’ dans les milieux ultras de la colonisation, les pieds-noirs n’aimaient pas beaucoup de Gaulle parce qu’ils le soupçonnaient d’être un ‘bradeur d’empire’, comme d’ailleurs Pierre-Mendes France”, explique Benjamin Stora, ajoutant : “Dans ce film, on découvre que les occasions de solution politique étaient bloquées. On plongeait vers des situations qui allaient déboucher inexorablement sur la violence.”

Benamou en impute la responsabilité à ce qu’il appelle un mensonge : “La création de la IIIe République fut un grand mensonge avec, d’un côté, l’universalisme républicain et, de l’autre côté, les contradictions insupportables du colonialisme. Ferhat Abbas et Messali tapaient à la porte de la France pendant 30 ans” pour arracher des droits aux Algériens, mais elles “vont rester fermées. On proposait de donner la citoyenneté française à 24 000 Algériens sur une population de plusieurs millions d’habitants” et les députés vont faire avorter le projet de loi. Et cette attitude française continuera jusqu’à 1954. 

Pour Benamou, “en Algérie, il y avait plusieurs chemins : assimilationniste de Ferhat Abbas, ouvrier démocratique et pluraliste de Messali Hadj, mais les radicaux, les militaires français bloquaient toutes les voies”. 

Le souci des auteurs du film était de “montrer les deux côtés, signaler la souffrance algérienne avec le déplacement de 2 millions de paysans algériens, ce qui est colossal, la destruction de milliers de familles, l’utilisation du napalm, la torture, les exactions, cela a marqué considérablement l’imaginaire algérien, et c’est montré dans le film”.

Mais, ajoute Stora, “ce qui est montré aussi, c’est l’exil, l’exode, l’arrachement de tous ces Français d’Algérie qui sont nés là-bas sur plusieurs générations et qui n’ont pas pu rester dans ce pays compte tenu de l’engrenage de la violence extraordinaire, de la cruauté, du fleuve de sang qui a coulé entre les deux communautés”. 

C’est de tout cela que les auteurs ont voulu témoigner. Cependant, précise Benjamin Stora, “ce n’est pas la succession d’images qui crée une Histoire, il faut donner un sens à tout cela et le sens, c’est la politique, et ce documentaire est un film d’histoire”. Voilà, résumée par ses auteurs, la quintessence de la série C’était la guerre, diffusée actuellement en France.
 

Ali BEDRICI

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