Malgré sa discrétion, son talent n’a pas échappé à cet archéologue de la musique qu’est Jannis Stürtz. Une autre consécration pour le chanteur Majid Soula. Pour son art et son engagement.
Le Berlinois Jannis Stürtz, par le biais de son label Habibi Funk, présente, le 10 décembre prochain, le Chant amazigh de Majid Soula. Celui-ci participe à cette sortie mondiale avec neuf titres de ses anciens albums, choisis par la boîte allemande.
L’éminent label allemand, défricheur inlassable, poursuit son travail d’exploration depuis plusieurs années des musiques du monde. C’est à présent le tour du chanteur engagé algérien Majid Soula, qui a été contacté il y a un peu plus de deux années. “Au début, j’avais pensé à un canular”, a confié Majid Soula. J’ai vu qu’ils ont rendu hommage à plusieurs artistes et chanteurs à travers le monde.”
Le chanteur est resté en contact avec l’équipe de cette boîte de production. “Ils m’ont dit qu’ils aimeraient faire quelque chose avec moi. Je pense qu’ils ont découvert mes chansons à travers la radio Nova. Ils en ont choisi neuf”, a expliqué l’artiste.
Depuis, un contrat a été signé entre les deux parties. Pour le chanteur et militant de la langue et de la culture amazighes, cette compilation est venue couronner une carrière débutée il y a près de 50 ans en Algérie, avant qu’il ne prenne le chemin de l’exil. Il s’est installé à Paris où il continue à produire et à se produire.
Le but est d’explorer d’autres genres musicaux. Il ne s’est pas trompé car, en se nourrissant et en baignant dans des univers musicaux très différents, Majid Soula s’est épanoui, musicalement parlant. Il produira une demi-douzaine d’albums dans les années 1980, pour la plupart entièrement autoproduits et autoédités, explique Majid Soula.
Celui-ci se définit avant tout comme un artiste dont la préoccupation principale “est de présenter un travail de qualité, pour contribuer modestement au développement et à l’enrichissement de notre patrimoine culturel amazigh. Je m’inspire de la vie quotidienne de mon peuple et je partage ses aspirations, principalement la reconnaissance de tamazight comme une langue officielle, une véritable culture et une identité en tant que telle”.
Et en cela, il n’a pas échappé à Jannis Stürtz, qui fait partie de ces chercheurs de trésors qui “passent leur existence à mettre la main sur ce dont on n’est même pas tout à fait certain qu’il ait bien existé un jour. Jannis cherche des disques, et sous le drapeau Habibi Funk (label, donc, spécialisé dans la ressortie de disques et de morceaux oubliés), en trouve parfois”, écrit un journaliste de radio Nova.
Du “monde arabe”, il a ressorti de la musique psychédélique soudanaise (Sharhabil Ahmed), du funk épgyptien (Hamid El Shaeri), du reggae libyen (Ahmed Ben Ali), du folk progressif libanais (Issam Hajali), des bandes-son de films algériens, qui pourraient être d’Ennio Moricone si elles n’étaient pas en réalité d’Ahmed Malek.
Le “monde arabe”… et désormais le “monde berbère” ou “monde amazigh” plutôt, comme le dit Majid Soula. Le musicien et producteur kabyle, toujours en activité, propose un funk rythmé porté par des synthés qui s’expriment pleinement sur le morceau Netseweth Sifassan Nagh.
Sur ce morceau, “les synthés s’emballent, les guitares aussi, et donnent l’impression de se retrouver au sein d’un western sympa, où les Indiens d’Amérique du Nord se trouveraient remplacés plutôt par les Amazighs des montagnes de Kabylie avec, aux lèvres, l’idée que malgré la mondialisation, les uniformisations culturelles et les mondes ultraconnectés les uns aux autres, des spécificités culturelles existent”. Et qu’il faut, à tout prix, préserver.
M. OUYOUGOUTE