L’auteur utilise un style fluide. La trame de son histoire est simple, sans rebondissements haletants, sans fioritures non plus. Il focalise sur les tribulations intérieures de ses deux personnages principaux.
Nabil, incarnation de la réussite sociale, sombre dans l’abîme de la mélancolie et s’enlise dans une crise d’existentialisme. Il remet en cause ses choix professionnels, ses ambitions démesurées, sa vie confortable mais trop lisse… Un soir, il décide de mettre un terme à ses tourments et à sa vie. Il se jette dans le creux des vagues, maudissant le destin autant que ses propres démons. Il est sauvé d’une mort programmée par un “malabar” surgi de nulle part. Salah, son aîné d’une vingtaine d’années, est un écorché vif.
Sur un coup de tête, il quitte le giron paternel pour la grande ville à la fleur de l’âge. De mauvaises rencontres et un concours d’événements incontrôlables le happent brutalement dans une spirale de malheurs. Il endure dix ans de réclusion criminelle pour trafic de drogue. Puis il est forcé à rejoindre un campement terroriste, pour avoir participé, à son insu (conducteur du véhicule utilisé par les intégristes), à un attentat commis contre un retraité de l’ANP.
Il perd sa femme dans des circonstances dramatiques, au moment où le couple fuyait le maquis. Éprouvé durement par le destin, Salah est un colosse au pied d’argile. Il doit son prénom (le bon) à sa véritable nature : honnête, travailleur, un cœur tendre, littéralement sur la main…
C’est lui qui sauvera Nabil, le B. C. B. G., de la déperdition. Il le réconcilie avec les pures valeurs humaines. Il le met sur le chemin qui le conduira, sans détours, vers le bonheur. Il le force presque à reconquérir sa dulcinée. Kenza, la première épouse, que le jeune homme a sacrifiée sur l’autel de ses ambitions de carrière.
À son tour, il ramène le quinquagénaire à son douar natal, à ses origines paysannes… Le père, qui avait banni Salah de sa vie, trente-ans auparavant, pour transgression du code d’honneur de la famille, l’absout de ses “péchés”. Il lui donne sa bénédiction pour reprendre le travail de la terre et… sa place dans la tribu. De son passé tumultueux, des tragédies qu’il a vécues… ne restent que d’amères souvenirs, rendus moins douloureux par la paix intérieure qu’il a recouvrée… grâce à une rencontre impromptue, un soir d’été.
Le roman d’Ahmed Brahimi, un professeur d’anglais, se lit rapidement, presque d’un trait. Le style est fluide. La trame de l’histoire est simple, sans rebondissements haletants, sans fioritures non plus. L’auteur focalise sur les tribulations intérieures de ses deux personnages principaux. Ils sont pareils dans la détresse, mais pour des raisons différentes.
Le plus jeune ne supporte plus la sensation du désir inassouvi que lui procurent son aisance matérielle et ses réussites professionnelles. L’aîné souffre des effets de la malchance, qui l’a poursuivi trois décennies durant. Le fait qu’ils soient mis face à face à un moment charnière de leur existence leur a montré la voie à suivre vers la sortie du tunnel.
Meurs, tu vivras plus heureux a été édité, une première fois en 2017 en France, par les Éditions du Net. Casbah Éditions vient de marquer sa sortie en Algérie.
Souhila H.
“Meurs, tu vivras plus heureux”, d’Ahmed Brahimi, éditions Casbah, 2021, 158 pages, 700 DA.