Pour marquer la reprise de leurs activités et le 30e anniversaire de leur création, les éditions Média-Plus publieront en novembre prochain le manuscrit inachevé de la romancière et académicienne Assia Djebar intitulé “Les larmes d’Augustin”. Le texte comportant 75 feuillets tapuscrits est “signé de quelques biffures et présenté tel quel”. Les universitaires Mireille Calle-Gruber et Anaïs Frantz, qui l’ont initialement publié aux Presses Sorbonne Nouvelle, ont fait savoir qu’il constituait avec “L’amour, la fantasia”, “Ombre sultane” et “Vaste est la prison” son “Quatuor algérien”.
Les éditions Médias-Plus publieront au mois de novembre prochain le manuscrit inachevé de la romancière et académicienne Assia Djebar, a annoncé l’éditeur Saïd Yassine Hannachi. Paru initialement aux Presses Sorbonne Nouvelle, sous la direction des universitaires Mireille Calle-Gruber et Anaïs Frantz avec la contribution d’Hervé Sanson en mars 2021, le texte de l’académicienne, qui devait s’intituler Les larmes d’Augustin, “apporte un éclairage tout à fait nouveau sur l’écriture d’Assia Djebar, écrivain majeur de la littérature francophone, élue à l’Académie française en 2005”. Il aurait constitué le “Quatuor algérien” avec les trois romans précédemment publiés et “qu’elle préparait à la suite de L’amour, la fantasia (1985), Ombre sultane (1987) et Vaste est la prison (1995)”, a fait savoir l’universitaire et critique littéraire Mireille Calle-Gruber, spécialiste de l’œuvre djebarienne et amie de la défunte romancière.
Les auteurs de cette publication inédite présentent ainsi “75 feuillets tapuscrits, signés de quelques biffures et présentés tels quels”. Autant dire une mine d’or pour les chercheurs, les spécialistes de l’œuvre djebarienne et de la génétique textuelle qui pourront, en l’exploitant, apporter de nouveaux éléments dans le champ des études littéraires. “Publier un tel document, c’est instituer le manuscrit en archive, c’est-à-dire en assurer la transmission et l’héritage, en le donnant aux lectures à venir”, poursuivent les auteurs du livre, qui comportera par ailleurs trois parties, à savoir “Du manuscrit à l’archive”, dans lequel elle traite du statut de ce texte légué par Djebar ; il est fragmentaire, inachevé, mais pourrait grandement renseigner sur la construction de son écriture ou, comme l’appelle Mireille Calle-Gruber, “sa mise en œuvre”.
“Les larmes d’Augustin”, un texte en chantier
Dans son introduction, Calle-Gruber écrit : “L’ouvrage s’inachève : durant vingt ans. Depuis 1995 au moins, date à laquelle paraît Vaste est la prison, Les Larmes d’Augustin, qui doit en prendre la suite, est mis en chantier. Afin de composer un Quatuor avec les deux romans précédents : L’Amour, la fantasia (1985) et Ombre sultane (1987).” Et d’ajouter, lorsque Assia Djebar partage avec elle son nouveau texte : “Ce qu’elle me donnait à lire était toujours très abouti quant à l’écriture. Pour Les Larmes d’Augustin cependant, elle disait n’avoir pas encore trouvé la structure, c’est-à-dire, pour elle, la composition, le rythme, le montage des morceaux, capable de faire jouer distance, rapprochement, mise en attente et effets dilatoires.”
Selon l’universitaire, “le manuscrit présente en effet la particularité d’une double organisation : la succession du texte dactylographié, dûment articulé en chapitres, sections et paragraphes portant lettres alphabétiques et numérotation chiffrée, se trouve dé-composée / re-composée par les chiffres d’une numérotation seconde apposée à la main au bas de chacun des feuillets, avec parfois l’indication dans la marge d’une possible insertion”.
Dans la première étude de l’ouvrage, intitulée “Confesser la langue”, Mireille Calle-Gruber “s’emploie à opérer le cadrage de ce quatrième opus qu’aurait dû être Les Larmes d’Augustin par rapport au Quatuor algérien, et du Quatuor à l’intérieur de l’œuvre, et à examiner les repousses, de livre en livre, des thèmes et des mythes de l’écrivain”. Ensuite, l’étude “Du père ou des pères ? Du qui perd gagne” d’Hervé Sanson “prend au contraire par l’autre intitulé qu’indiquait aussi, parfois, Assia Djebar : ‘’Le livre du père’’. Cette lecture focalise sur la présence, pour la première fois dans l’œuvre, de la figure du grand-père paternel”.
Enfin, la dernière étude, “L’élan infernal” d’Anaïs Frantz, “ouvre l’exploration du manuscrit en ce point de l’émancipation, par le biais de la pudeur féminine, laquelle est bientôt renvoyée, de façon plus inédite, à la pudeur masculine (du père)”. Il est à noter également que cette nouvelle parution est la première des éditions Média-Plus, après plus d’une année et demie d’arrêt dû à la crise sanitaire. Elle marque, en sus, les célébrations symboliques du 30e anniversaire de la naissance des éditions constantinoises.
Yasmine Azzouz