Il décrit la vie des jeunes dans cet espace clos, sans horizon, alors que “la jeunesse est le meilleur miroir où la vie aime se faire belle”, écrit-il en 4e de couverture.
Le premier roman de Rabah Bedaouche, Un prisonnier en permission, paru au 2e semestre 2021 chez Tafat éditions, mérite que l’on s’y intéresse. Pour deux raisons au moins : il relate, d’un côté, la vie d’un étudiant, qui a vu sa vie basculer lorsqu’il passera cinq longues années en prison, devenu un camarade et ami de l’auteur ; il démontre, de l’autre côté, le difficile passage de la poésie vers le roman, qu’il a écrit en prose.
L’auteur, qui a à son actif trois recueils de poésie, Le sentier des plaies (2018), Un arc-en-ciel en pleine nuit (2019) et L’aube illuminée (2021), reste fidèle à son éditeur auprès duquel il a choisi aussi de publier son le tome 1 de son premier roman.
Le deuxième tome serait en route à en croire Rabah Bedaouche, qui veut faire de l’écriture son métier. Le livre est donc l’histoire du retour de cet ami, pas du tout imaginaire, qu’il a retrouvé à l’université après qu’il a passé cinq années de sa vie en prison. Si les années d’incarcération l’ont brisé de l’intérieur, il a trouvé dans la pénombre de sa cellule des “amis”, qui l’ont aidé à supporter la vie carcérale : les livres.
L’un des plus jeunes, qui se trouvaient en prison, a réussi à ne pas perdre la tête et à garder espoir grâce aux livres. “Aujourd’hui, je n’ai que quelques feuilles blanches et ces livres que je range sur le sol, sous mon lit. Ces deux ailes qui peuvent me rendre libre !” (159 pages). Et s’écrie quelques phrases plus loin : “Un poème peut m’apaiser ici, sais-tu l’ami ?”
Mais avant d’évoquer les cinq années de prison de Yar Thagara, qu’il a laissé pour la fin du roman, Rabah Bedaouche commence par raconter la vie des jeunes dans les petits patelins, à Sufane. Quant au village natal du narrateur, c’est At Lhif.
Il passe le plus clair de son temps chez Moumouh, personnage central du roman mais aussi du village, puisqu’il est le patron de l’unique cafétéria du coin. Il refuse d’embaucher quelqu’un pour l’aider dans sa tâche et surtout extraire un jeune au moins de la précarité.L’auteur décrit des jeunes, qui s’entassent dans ce petit espace pendant trois à quatre heures à jouer aux dominos ou au poker.
Dans le village, écrit l’auteur en page 25, “nos histoires et nos sentiments sont placardés un peu partout sur les murs, des places publiques, des tables de cafétérias…”. Il décrit la vie des jeunes dans cet espace clos, sans horizons, alors que “la jeunesse est le meilleur miroir où la vie aime se faire belle”, écrit-il en 4e de couverture.
D’emblée, le narrateur a pris le soin de dire à ses lecteurs qu’il allait relater l’histoire d’un ami, connu au lycée avant de le retrouver à l’université après la case prison. L’histoire est donc alimentée de scènes quotidiennes. Le mal de vivre des jeunes y est décrit dans le menu détail. Il est question aussi de la quête pour l’identité d’où les hommages à Matoub, à Slimane Azem, etc.
Si le roman est rythmé de musicalité propre à la poésie qu’il affectionne, l’auteur y introduit, un peu trop à notre goût, de mots anglais. Un procédé que préfèrent sans doute les jeunes de sa génération. Bien qu’il ait bénéficié de relecture, le premier roman reste perfectible par moments même si globalement l’évolution de l’écriture de Rabah Bedaouche est manifeste.
M. OUYOUGOUTE