Des Gens et des Faits 88e partie

LA BOURGEOISE

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Yasmina HANANE Publié 27 Mars 2022 à 09:05

Résumé : Ilhem attendait Samir. Plus l’heure de leur rendez-vous approchait et plus l’impatience la gagnait. Elle craignait tant que son ami ne batte en retraite à la dernière minute. Après tout, il est marié et ne lui appartient plus. Pourtant Samir honore sa promesse. Il vient la récupérer à son cabinet et lui propose de déjeuner sur la côte.

La jeune femme ouvre les yeux et se redresse sur son siège.
- Tu dormais ?
Elle secoue la tête.
- Non. Je rêvais plutôt.
Il sourit.
- À quoi rêvais-tu ?
- À toi.
Il reprend son air sérieux et contourne une falaise avant de bifurquer sur une plage. L’endroit est féerique. Le restaurant semble flotter sur l’eau, et le soleil du début de l’après-midi lui donne un air irréel.
- C’est magnifique, Samir. Je ne connaissais pas cet endroit.
- C’est très récent. Je l’ai découvert moi aussi il n’y a pas longtemps. Des amis m’ont invité à me joindre à eux pour une partie de pêche, et nous sommes venus ici pour dîner.
Ilhme ouvre la fenêtre et hume l’air marin avant de prendre une longue inspiration.
- Je me sens si légère. Cet air iodé me remplit d’aise.
Elle le regarde et sourit.
- Tu n’es pas étranger non plus à mon bien-être, Samir.
Il ne répond pas et l’invite d’un geste à descendre du véhicule. Ils décident de déjeuner sur la terrasse, où quelques couples les ont déjà précédés, et s’installent non loin d’un vivier de poissons. L’odeur du jasmin embaume les lieux, et une musique douce rend l’atmosphère agréable et romantique. Samir demande des boissons fraîches et le menu. Ils commandent leur déjeuner et, en attendant qu’on les serve, se regardent un moment dans les yeux, puis Ilhem rompt le silence : 
- Je suis heureuse d’être avec toi, Samir.
Il soupire.
- J’aurais pu te dire la même chose, si les circonstances le permettaient.
Elle baisse les yeux et se met à jouer avec une cuillère, avant de reprendre :
- Tu ne cesses de brandir ces “circonstances” depuis hier soir. Que s’est-il donc passé pour que tu sois aussi frustré et aussi mal dans ta peau ?
- Il s’est passé pas mal de choses, Ilhem. Je t’assure que parfois je doute de moi-même et me demande pourquoi je n’ai pas réagi au moment opportun. Mon mariage a été une “aventure” rocambolesque.
Elle le regarde et lit de la sincérité et de la tristesse dans ses yeux.
- Que s’est-il donc passé, Samir ? Tu ne sembles pourtant pas trop malheureux.  
- Non, je ne suis pas malheureux. Je... heu… je n’aimerais pas heurter ta sensibilité, Ilhem, en t’avouant que je ne me plains pas trop de ma femme. Mordjana a été une victime elle aussi de ces circonstances. Nous nous sommes fort heureusement découvert des affinités, ce qui a fait que nous nous sommes acceptés sans trop de mal. Il y a bien sûr certaines incompatibilités entre nous, mais nous nous aimons et nous nous respectons.
- Alors tu acceptes ces “circonstances” dont tu ne cesses de parler ?
- Je suis un peu déçu. Je n’avais jamais imaginé qu’un jour on allait m’unir à une femme que je ne connaissais pas. J’étais sidéré lorsque ma mère m’avait annoncé la nouvelle.
- C’est donc Hasna qui t’a poussé à prendre femme. Une femme qu’elle a choisie elle-même afin de t’éloigner de moi.
Il lève une main et l’interrompt.
- Non, tu n’y penses pas. Ma mère a même regretté que tu ne sois pas ma femme. Tu la connais assez pourtant pour comprendre qu’au fond d’elle-même elle n’est pas aussi mauvaise que ça. Il est vrai que son caractère acariâtre laisse à désirer, mais lorsqu’on la fréquente on découvre vite qu’on s’est 
trompé.
- Eh bien, pourquoi avait-elle affiché son regret, alors qu’elle s’était opposée à notre union ?
- Je vais tout te raconter, Ilhem. Patience.
On venait de les servir, et ils entament leurs plats. Une petite brise s’est levée, et Samir scrute le ciel.
- On dirait qu’il y aura du changement dans les prévisions métrologiques.
Ilhem suit son regard.
- On a prévu du soleil pour toute la semaine.
- Avec ce petit vent frais, je ne serai pas étonné si la pluie vient gâcher les deux prochaines journées.
Elle dépose sa fourchette et lance :
- Qu’il vente ou qu’il pleuve, je ne veux rien savoir. Pour moi, toutes les saisons se ressemblent, et mes journées ne sont plus qu’une routine quotidienne. Réveil, boulot, conférences, shopping, retour au bercail, dîner, dodo et tutti quanti. Plus rien ne trouve d’intérêt chez moi depuis notre séparation. 
- Tu devrais songer à faire ta vie.

 


à suivre

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