Résumé : Après le dîner, Meriem rejoint sa belle-mère au salon. Elle est épuisée, mais veut profiter au maximum de la présence de sa belle-mère parmi eux. Cette dernière voudrait bien prolonger son séjour, mais repense à Houria qui ne va pas tarder à la réclamer.
Meriem hausse les épaules.
- À part toi, je ne vois pas qui pourrait tenir compagnie à cette sorcière à la langue pendue.
Taos sourit.
- Bof ! Elle est ce qu’elle est. Elle ne changera pas. Il n’y a que moi qui peux la supporter. Avec le temps, je suis arrivée à m’habituer à son sale caractère. Il faut dire aussi que lorsqu’elle ne trouve pas un adversaire de taille à qui tenir tête, elle préfère se terrer dans son coin devant le métier à tisser.
- Eh bien, il faut faire en sorte que personne ne s’approche d’elle.
Taos hausse les épaules.
- À part quelques voisines ou Daouia qui passent de temps à autre pour me saluer, personne ne s’amuse plus à s’approcher de la ferme. Les chiens aboient rien qu’à la vue d’une silhouette lointaine. Nous sommes aussi seules que des nonnes.
- Pourquoi ne quittes-tu pas la ferme pour t’installer définitivement chez nous ? Ici tu seras plus à l’aise et tu n’auras pas à supporter les sautes d’humeur de Houria.
- Oh ! Ma chérie, tu ne sais pas combien j’aurais aimé pouvoir être parmi vous pour de bon. Mais tu sais bien que je ne pourrai jamais quitter le village. J’y suis née et je ne compte pas mourir ailleurs. Et puis, ton père m’a chargée de
certaines tâches que Houria ne pourra jamais accomplir. Il compte beaucoup sur ma coopération et me fait confiance. Je n’ai pas le droit de le décevoir. Amar a été tellement bon avec nous comme avec tous les villageois.
- Mais jusqu’à quand vas-tu devoir t’encombrer de toutes ces tâches ? Je vais en parler à papa aux prochaines vacances. Il va falloir qu’il cherche quelqu’un d’autre pour te remplacer à la ferme. Tu as assez trimé jusque-là.
Taos presse le bras de sa belle-fille.
- Non, ma fille. Ton père me fait le grand honneur de compter sur moi dans la gérance de la ferme. Je n’aimerais pas fuir mes responsabilités.
- Tu ne fuis rien du tout. Il est temps pour toi de prendre une retraite bien méritée.
- Meriem, je te remercie infiniment pour ta sollicitude, mais je ne suis pas celle qui aime se rouler les pouces à longueur de journée. J’aime travailler et me sentir utile. Ce que je fais ne demande pas beaucoup d’énergie, et le travail à la ferme est plutôt bénéfique pour ma santé. Sois donc indulgente et laisse-moi terminer mes jours en paix.
Meriem soupire.
- Si c’est ce que tu désires, je vais m’abstenir de tout commentaire.
La soirée se termine bien pour les deux femmes. Taos rejoint sa chambre, et Meriem en fait de même. Cependant, si pour cette dernière la nuit sera paisible, il en était tout autre pour la vieille femme. Taos se tourne et se retourne dans son lit. Elle revoit sans cesse le visage du jeune M’hamed et son regard hagard. Avait-elle le droit de le décevoir encore une fois ? ne cessait-elle de se demander. Ce jeune homme prépare son avenir. Il est un élève brillant qui jusque-là n’a jamais déçu ses parents. Mais maintenant, que va-t-il devenir ? Il est évident que depuis qu’il a découvert la vérité sur son passé, il ne va pas mener la même vie qu’auparavant. Elle l’avait senti troublé et triste. Alors qu’il lui parlait, il n’avait cessé de croiser et de décroiser ses doigts. Ses yeux la suppliaient, et tout son être vibrait d’espoir. Elle était la seule issue pour lui et se devrait de faire quelque chose au plus tôt. L’aube commençait à poindre lorsqu’elle put enfin trouver le sommeil. Pas pour longtemps, cependant, puisqu’une fois sa petite famille partie, elle se lève et se dirige d’un pas incertain vers la cuisine pour se verser un café noir et bien dosé. Elle a donné rendez-vous à M’hamed dans une petite heure et n’aimerait pas qu’il devine son désarroi. Elle lui a promis de prendre son problème en charge et de trouver la meilleure solution dans les plus brefs délais. Taos soupire. À son âge, elle n’a plus la force physique ni morale pour affronter de telles situations. Plus jeune, elle pouvait surmonter aisément n’importe quel aléa. Mais avec le poids des années sur son dos et sa santé qui décline de jour en jour, elle n’arrive plus à ordonner ses idées ou à se concentrer assez pour trouver rapidement le lien salvateur. Que va-t-elle pouvoir raconter à M’hamed ? Que va-t-elle lui dire ? Qu’elle n’a pas encore eu le courage d’aborder le sujet avec Meriem et de lui
dévoiler que son fils est vivant et la réclame ?
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