Malgré la note de l’Abef, publiée le 11 novembre dernier, appelant les banques à surseoir aux restrictions des importations des kits SKD/CKD, les opérateurs estiment qu’elle n’est d’aucune incidence sur leur activité et disent que les incertitudes demeurent, faute d’un nouveau cahier des charges.
Les fabricants nationaux de smartphones et d’appareils électroménagers continuent d’évoluer au rythme des difficultés et des restrictions, malgré une note de l’Association des banques et des établissements financiers (Abef) — datée d’il y a maintenant un mois — qui appelait les banques de la place à lever le pied sur certains blocages relatifs aux importations des kits SKD/CKD. Fin septembre 2019, le gouvernement Bedoui avait décidé de substituer au paiement cash des importations le recours au différé de paiement de 9 mois des opérations d’importation des kits SKD/CKD nécessaires au fonctionnement des usines de fabrication d’appareils électroménagers et de téléphonie. Se référant à un courrier des services du Premier ministère, daté du 29 septembre 2019, l’Abef a aussitôt instruit les banques de suspendre le paiement cash des importations des collections SKD/CKD, lesquelles “doivent être effectuées en FOB”.
“Les opérateurs doivent recourir en priorité aux capacités nationales de transport maritime (pavillon national), chaque fois qu’un tel choix est possible”. Deux années après, l’Abef adresse un courrier aux banquiers de la place les informant que les mesures prises en septembre 2019, relatives aux importions des kits SKD/CKD nécessaires à la fabrication, localement, des produits de téléphonie et de l’électroménager, “sont annulées”. C’est ce qu’on peut lire dans un courrier de l’Abef daté du 11 novembre 2021. Le retrait des mesures mises en œuvre dès septembre 2019 se veut une tentative du gouvernement de dépoussiérer les ateliers de fabrication d’appareils électroniques et électroménagers, mis à rude épreuve par les restrictions des importations ayant marqué les deux derniers exercices. Sauf que durant ces deux années de blocage, des marques algériennes y ont laissé des plumes, d’autres, aux reins moins solides, ont carrément baissé rideau.
Pis encore, de l’avis de l’ensemble des opérateurs, le retrait des mesures mises en œuvre fin septembre 2019 n’est nullement synonyme d’un quelconque soulagement, puisque la dernière note de l’Abef, datée du 11 novembre dernier, annulant lesdites dispositions, est tout bonnement inapplicable. Le monde de l’électronique et de l’électroménager est en colère. La raison : la profession dénonce un blocage total de leur activité qu’un simple courrier de l’Association des banques ne peut lever, faute d’un nouveau cahier des charges censé réglementer l’activité et l’importation de ses intrants. Ce blocage a infligé à Bomare Company la perte d’un contrat de 200 millions de dollars avec un distributeur mondial de smartphones.
De l’instabilité juridique
Les négociations remontent à 2019 et Bomare Company devait conclure le contrat de distribution avec son partenaire dès le début 2020, mais les mesures mises en œuvre en septembre 2019 ont bloqué toutes les entreprises. “Nous avons même conclu un contrat de service après-vente avec notre distributeur à l’international et fait certifier nos produits. L’avènement de ces mesures nous a fait perdre un contrat de 200 millions de dollars. Nous avons tenté des demandes d’audience avec les autorités et envoyé plusieurs correspondances qui sont restées lettre morte”, nous confie Ali Boumediene, directeur exécutif de Bomare Company, contacté par Liberté.
Il souligne que cette perte de marchés à l’international a causé des dégâts aux sous-traitants algériens de Bomare Compagny qui devaient accompagner l’entreprise par la fabrication de certains composants. Sur la dernière note de l’Abef qui annule les mesures controversées de septembre 2019, Ali Boumediene estime qu’elle n’est d’aucune incidence, puisque le régime des CKD-SKD a été supprimé. Ainsi, après deux années blanches qui ont plongé les opérateurs dans la sidération, ils sont désormais dans un état de stupéfaction après la publication de la dernière note de l’Abef qui, de l’avis de Tahar Bennadji, directeur général de Brandt, est “un non-événement”, tant il est vrai que le régime réglementaire encadrant l’activité n’existe plus.
“Il y a un nouveau cahier des charges qu’il faut rendre opérationnel pour que les opérateurs puissent voir plus clair”, soutient Tahar Bennadji, contacté par nos soins. Malgré le climat anxiogène dans lequel évoluent les opérateurs, Ali Boumediene veut croire que l’ambition est encore possible, puisqu’il prépare la création, en mars 2022, d’une nouvelle entreprise spécialisée dans la fabrication de certains composants électroniques — jusqu’ici importés. Le patron de Bomare Company s’est projeté sur l’hypothèse haute qui veut croire à un retour à la normale dès l’an prochain, anticipant même un fort rebond de la croissance de son entreprise, soit aux alentours de 20%.
Les responsables de Starlight ont, quant à eux, les yeux rivés sur le ministère de l’Industrie, étant donné que l’annulation des mesures restrictives de septembre 2019 est subordonnée à de nouvelles autorisations, lesquelles dépendant, à leur tour, de l’avènement d’une nouvelle réglementation, voire d’un nouveau cahier des charges. C’est dire que des perspectives plus rassurantes pour les investisseurs dépendent à la fois de la fin de cette interminable partie de ping-pong réglementaire et d’une stabilité juridique censée remettre la filière de l’électronique et de l’électroménager sur le chemin de la croissance. Malgré les dégâts occasionnés par ces changements à répétition des lois, bon nombre d’opérateurs se disent prêts à engager d’importants investissements pour le développement du contenu local et l’intégration, pour peu qu’il y ait de la visibilité.
Ali Titouche