Économie FAROUK NEMOUCHI, ÉCONOMISTE ET ANALYSTE FINANCIER

“Lutter contre l’inflation par les instruments monétaires est insuffisant”

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Ali TITOUCHE Publié 21 Mars 2022 à 21:57

© D. R.
© D. R.

Liberté : Les prix à la consommation ont progressé de 9% en janvier 2022 par rapport au même mois de l’année 2021, alors que le rythme d’inflation annuel a augmenté de 7,6%. Ne serait-il pas judicieux que la Banque centrale augmente son taux directeur pour contribuer à la lutte contre l’inflation, ou bien celle-ci serait d’origine non monétaire, ce qui rend cet outil de politique monétaire peu efficace ?
Farouk Nemouchi : Vous soulevez une question fondamentale : le taux d’intérêt peut-il être utilisé comme variable d’ajustement pour lutter contre l’inflation ? Mais au préalable, il faut s’interroger, en effet, si l’inflation a une origine monétaire. La réponse est oui si l’on sait que le ratio de liquidité de l’économie nationale a augmenté de 21% entre 2016 et 2020. 
Si l’origine monétaire de l’inflation est établie, il s’agit alors de savoir si la Banque centrale a la capacité de contrôler l’offre de monnaie en mettant en œuvre des instruments de politique monétaire pour atteindre ses objectifs intermédiaires et finaux. Parmi ces instruments, il convient de citer le taux d’intérêt directeur de la Banque d’Algérie dans un contexte de liquidité bancaire excédentaire.

L’efficacité de cet instrument serait donc subordonnée à la nature des facteurs ayant contribué à la hausse du taux d’inflation… 
Le relèvement de ce taux directeur est pertinent si la liquidité bancaire est déterminée par des facteurs endogènes, c’est-à-dire qu’elle répond à une demande exprimée par les banques. Si l’on est dans une telle situation, une hausse des taux directeurs augmente le coût de refinancement des banques et affectera par conséquent l’offre de crédit aux entreprises. Une telle démarche a pour effet de rendre l’accès des entreprises plus contraignant, alors que le gouvernement est très favorable à une croissance économique animée par les entreprises. 
Or, il s’avère que dans le contexte actuel, la satisfaction des besoins de la liquidité des banques algériennes n’est pas tributaire des ressources monétaires de la Banque centrale. Elle est déterminée par des facteurs autonomes qui subissent fortement l’influence de la conjoncture économique, dominée par le poids des revenus tirés de l’exportation des hydrocarbures et le poids de la dépense publique. 
En d’autres termes, les banques bénéficient d’un afflux de liquidité qui est indépendant de leurs besoins. Par conséquent, le recours au taux d’intérêt comme instrument de régulation a peu de chances de limiter la possibilité des banques de distribuer des crédits aux entreprises et de lutter efficacement contre l’inflation. Une autre limite et pas des moindres de l’efficacité d’une politique monétaire fondée sur l’utilisation des taux d’intérêt est que les crédits à l’économie, en forte baisse, ne représentent pas la principale source de création monétaire.

Voulez-vous dire qu’une lutte contre l’inflation par le seul recours aux instruments de la politique monétaire est inefficace, même en temps de hausse de la liquidité bancaire ?
La lutte contre l’inflation par une régulation basée sur les instruments de la politique monétaire est insuffisante et inefficace. La vraie question est de savoir comment affecter les excédents de liquidité au service de la croissance économique. En exhortant les banques à se lancer dans une politique de crédit facile, voire complaisante, le gouverneur prend le risque d’exacerber les dysfonctionnements de l’économie nationale. 
Les banques algériennes ont connu par le passé une grande aisance financière qui n’a pas profité aux entreprises. Lorsqu’une banque octroie un crédit à une entreprise, elle doit s’assurer de la rentabilité du projet de façon à garantir son remboursement et éviter le gonflement du portefeuille des créances non performantes qui feront l’objet d’un rachat par le Trésor.
 

Propos recueillis par : ALI T.

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