Économie Les prix à la consommation en constante augmentation

Spirale inflationniste

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Ali TITOUCHE Publié 12 Septembre 2021 à 10:30

La dépréciation de la monnaie nationale est synonyme de baisse du pouvoir d’achat des ménages. © Archives Liberté
La dépréciation de la monnaie nationale est synonyme de baisse du pouvoir d’achat des ménages. © Archives Liberté

Les prix à la consommation ne cessent de flamber, favorisant une spirale inflationniste qui risque de laminer davantage le pouvoir d’achat des Algériens et d’aggraver les inégalités et la précarité sociales.

La montée de l’inflation, amorcée depuis septembre 2020, s’est poursuivie en 2021, compliquant l’équation du pouvoir d’achat des ménages et des entreprises, à l’heure où le pilotage de sortie de la crise nécessite plus d’efforts d’ajustement budgétaire. Après une année 2019 et une partie de 2020 marquées par une faible évolution du rythme inflationniste, la montée des prix a été ressentie dès la seconde moitié du précédent exercice, le taux grimpant à 2,4% en 2020 en moyenne annuelle, contre 2% en 2019.

Le taux d’inflation en juin 2021 a presque doublé par rapport à 2019, alertant sur les risques d’une tension qui pourrait s’inscrire dans la durée si des mesures n’étaient pas prises. Ce n’est pas pour rien que le chef de l’État, Abdelmadjid Tebboune, est intervenu lors de la dernière réunion du Conseil des ministres pour appeler son gouvernement à redoubler d’efforts pour maîtriser l’inflation. Aussitôt, le ministère du Commerce a décidé d’autoriser les agriculteurs à vendre directement leurs produits aux consommateurs à travers les marchés de gros et de détail, appelant, dans un communiqué, ses services à “intensifier les opérations de contrôle pour contrecarrer la spéculation, suite à la hausse des prix”. 

Certes, la dérégulation du marché, la spéculation et la multiplication des intermédiaires sont autant de niches favorisant la hausse des prix des produits alimentaires, mais elles ne sauraient être l’unique facteur responsable de la fièvre inflationniste. Entre certains éléments de la conjoncture et autres facteurs structurels liés au marché et à la structure de l’économie algérienne, la montée de l’inflation pourrait être un réel danger, plutôt qu’un nuage passager, né de la combinaison de certains facteurs conjoncturels. Avec la pandémie, les perturbations dans les récoltes et le déclin des échanges commerciaux tout au long de 2020, les cours de nombreux produits alimentaires, à l’exemple du blé et de la poudre de lait, dont l’Algérie est un des grands importateurs mondiaux, ont fortement progressé en 2020 et 2021. 

Les prix du blé ont augmenté de 43,5% sur le marché mondial en août dernier par rapport à leur niveau enregistré un an auparavant, alors que les cours des produits laitiers ont progressé de13,6% en variation annuelle. Cette hausse a dopé les coûts de production et les prix à la consommation ; l’ONS indiquant que les prix à la production ont progressé de 2,7% durant le 1er trimestre 2021. En revanche, les industries agroalimentaires affichent une croissance de 4,1% à la même période. Cette hausse des prix des matières premières et des coûts de la production, combinée à une dépréciation ininterrompue du dinar en 2020, à raison d’une perte de valeur de 5,9% contre le dollar et de 7,7% par rapport à l’euro, s’est traduite par une augmentation nette des prix à la consommation. 

L’effet dinar et planche à billets
Pour Mohand Touazi, chef d’entreprise et membre du Care (Cercle d’action et de réflexion pour l’entreprise), “la hausse des prix des produits alimentaires sur le marché mondial, ajoutée au glissement du dinar, sera forcément répercutée sur les prix des produits alimentaires en Algérie pour la partie non subventionnée ainsi que pour la partie subventionnée. Cela impliquera mécaniquement un creusement du déficit du Trésor par le truchement des subventions. Il y aura par conséquent soit une inflation soit un creusement des déficits publics”. Selon l’ONS, les prix des produits alimentaires industriels ont progressé de 8,6% en juin 2021 par rapport à juin 2020, alors que l’évolution des prix des biens alimentaires a été de 5,6%, avec +2,5% pour les produits agricoles frais. Il va sans dire que la dépréciation de la monnaie nationale est pour quelque chose dans le retour de l’inflation. 

Le taux de change du dinar a connu plusieurs ajustements en période de faible inflation importée. Cependant, de nouvelles dépréciations pourraient s’avérer à risque étant donné que la planche à billets continue de tourner en Europe, entraînant une hausse de l’inflation, alors que la Banque centrale américaine pourrait revoir sous peu la politique actuelle de soutien à l’économie US en recommençant à augmenter ses taux. Les perspectives d’une nouvelle dépréciation du taux de change du dinar et d’une révision des subventions, désormais clairement assumée dans le plan d’action du gouvernement, pourraient faire peser des risques inflationnistes en période de hausse de l’inflation importée. La montée de l’inflation, amorcée depuis une année, est un vrai casse-tête pour le gouvernement qui recommence à solliciter la planche à billets pour financer le Trésor public. 

Les tirages de monnaie mis à la disposition du Trésor public de janvier à avril 2021 ont atteint 1 155 milliards de dinars, mobilisés sous forme de découverts ainsi que via le dispositif d’achats directs des titres émis par l’État. Ces montants ont été consommés à hauteur de 836 milliards de dinars, puisque le solde du Trésor public à fin avril 2021 était à 319 milliards de dinars. Le recours à la planche à billets pourrait avoir comme conséquence probable d’alimenter une inflation déjà en hausse. 

Mohand Touazi estime que “cette nouvelle phase de production monétaire aura les mêmes effets que tout appel à la planche à billets qui est une émission monétaire sans contrepartie dans la sphère réelle. Elle est par essence inflationniste”. Au-delà des éléments de la politique monétaire, la structure de l’économie algérienne, dont une partie non négligeable de la sphère marchande évolue dans l’informel, complique la gestion macroéconomique, étant donné que l’ampleur de l’économie informelle alimente les anticipations inflationnistes et fausse la formation et le contrôle des prix. 

C’est dire toute la complexité de l’arbitrage que doit faire le gouvernement entre une politique de rigueur et un véritable plan de relance à ambitions essentiellement structurelles d’une part et perpétuer une vision de court terme qui consiste à colmater les brèches et tenter des réponses de conjoncture à une crise foncièrement structurelle. 

 


Ali Titouche

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