Alors que le pays peine à sortir d’un long cycle de tension, le gouvernement en rajoute une couche avec cet avant-projet de loi portant sur la déchéance de la nationalité en préparation. Inefficace juridiquement et inacceptable moralement et politiquement, cette loi — si elle venait à être adoptée — créerait immanquablement une cassure dans le corps national. Une rupture éthique.
Son annonce résonne déjà comme un coup violent porté à l’idée même de la Nation et du lien sacré qui rattache les Algériens à leur patrie. Mais bien au-delà. Une loi de cette nature ne ferait qu’éloigner l’Algérie de la communauté internationale et des valeurs humainistes.
Inopportune, cette loi en préparation va considérablement aggraver le climat de crispation qui domine le pays qui cherche désespérément le chemin de la raison. Elle peut bien contredire l’apaisement recherché et risque d’attiser la colère grandissante qui s’exprime depuis deux ans. Plus que jamais impliqué massivement dans le débat de la construction d’un nouveau destin algérien, le peuple attend d’autres réponses à la mesure de ses ambitions.
La nouvelle situation qui s’est créée dans le pays depuis le 22 février 2019 appelle de la hauteur de vue, du discernement et surtout une grande lucidité. Il serait regrettable de continuer d’opposer à l’extraordinaire pacifisme des Algériens la brutalité des lois punitives et la violence physique. En pareille circonstance, l’État doit garder tout son sang-froid et ne pas céder à la panique.
La stratégie adoptée jusque-là a eu des conséquences désastreuses. En infligeant des blessures et des humiliations aux citoyens, l’État laisse une partie de lui-même. Il s’ouvre inutilement de nouveaux fronts et s’expose vainement à des rappels à l’ordre internationaux comme c’est le cas avec les “mises en garde” de l’ONU qui hausse le ton et s’inquiète de la dégradation de la situation des droits de l’Homme. À méditer.
En commençant par cesser de voir dans le Hirak un ennemi à éliminer, alors qu’il peut bien constituer un allié inespéré dans l’instauration d’un État et d’une société tournée vers la modernité. Dans cette insurrection citoyenne durable, il ne faut pas voir que les illuminés aveuglés — ultra-minoritaires — qui tentent le diable. Il faut, en revanche, jeter un regard large sur son cœur battant, l’écouter, lui parler. Il est porteur d’espérance pour tous.