Jamais finie, l’histoire est un mouvement perpétuel qui offre des chances de rattrapage à chaque fois qu’une occasion est manquée. Et dans l’histoire algérienne contemporaine, les rendez-vous ratés cumulent les annales de la République. Une succession d’échecs sur fond de règlements de comptes destructeurs.
Faute de projet ambitieux inscrit dans une construction à long terme, le pays se fait rattraper à chaque étape de son existence par des luttes de pouvoir impitoyables. Au bout d’un parcours national chaotique, la nation algérienne – en construction – est sortie épuisée, ses ressorts cassés et ses rêves contrariés. L’État, quant à lui, ne s’est jamais incarné que dans ses fonctions primaires. Affaibli et fragilisé, il échappait miraculeusement au péril de la disparition.
Plus d’un demi-siècle après son indépendance, l’Algérie peine à s’installer dans la voie de la modernité politique la mettant à l’abri des convulsions dévastatrices. À défaut de perspectives historiques, elle s’est enfermée durablement dans un système bridant. Et c’est en voulant s’émanciper de ce système que les Algérien(ne)s se sont levés massivement le 22 Février 2019.
Le refus du 5e mandat n’était qu’un facteur déclenchant d’une profonde et vieille colère enfouie dans les tréfonds d’un peuple trahi. L’insurrection citoyenne ne peut être réduite à une vague passagère encore moins à une plateforme de revendications de circonstance. Elle est une nouvelle histoire qui se met en marche, une conscience en mouvement forgée dans le silence et la douleur. Une réappropriation d’un destin longtemps confisqué.
Une belle espérance qui se lit sur le visage blafard de chaque Algérien. Une puissante aspiration vers un État citoyen et une nation libre. La réduire à des batailles qui opposent des Algériens contre d’autres comme tentent de le faire croire certaines analyses c’est faire perdre au pays une nouvelle chance de rupture avec une époque peu glorieuse. Voir en elle une quelconque menace contre la patrie, c’est ne pas saisir le sens et la portée historique de cette séquence ouverte depuis deux ans maintenant.
Il faut voir grand. Un pays ne se construit pas sur l’invention permanente d’ennemis imaginaires pour ensuite lui faire la guerre. Une nation n’est grande que lorsqu’elle fait confiance aux intelligences qui habitent chacun de ses citoyen(ne)s. La nôtre a subi beaucoup de blessures, parce qu’elle fonctionnait souvent au rythme de tensions violentes. N’est-il pas venu le temps de guérir ces plaies ! Comme en février 2019, l’Algérie doit impérativement faire preuve de grandeur et tout le monde aura gagné.