Depuis l’instauration du pluralisme politique en Algérie, au lendemain des tragiques événements d’Octobre 1988, les compétitions électorales ne se sont jamais déroulées dans un climat politique serein. Souvent dans une ambiance de défiance. Pour le moins. Devant servir logiquement d’instruments “démocratiques” pour façonner un formalisme institutionnel, les processus électoraux se sont vite heurtés à une réalité plus complexe dans l’exercice du pouvoir. Par effet accumulatif, les réflexes hégémoniques du régime du parti unique s’avéraient plus solides face aux tentatives d’instauration de nouvelles mœurs politiques fondées sur le suffrage universel.
La mécanique de la fraude, moyen par lequel se fabriquaient des majorités politiques artificielles, a eu un double effet pervers sur la conception algérienne de l’exercice politique. Méfiance et rejet systématique par les citoyens du fait électoral et affaiblissement de la représentation nationale qui naturellement conduit à fragiliser considérablement les partis politiques et les institutions. L’aboutissement ne pouvait qu’être désastreux. L’Algérie s’est retrouvée au terme du règne d’Abdelaziz Bouteflika au bord du précipice. L’État a failli être désintégré et la collectivité nationale est passée à côté d’une dislocation.
D’évidence, les vingt consultations électorales, entre présidentielles, législatives et locales, organisées depuis 1999 n’ont pas pu aboutir à institutionnaliser les pouvoirs. Pis encore. Elles ont donné lieu, au final, à l’émergence de puissants groupes extraconstitutionnels devant lesquels l’État se soumettait ou s’effaçait. Cela a profondément marqué l’esprit et le corps national qui sortent épuisés d’une longue expérience politique trompeuse. Dans les constructions à venir, les élites politiques dans leur ensemble doivent impérativement tenir compte de cette peu glorieuse séquence historique et de ce qu’elle a emmagasiné comme ressentiments. Sans vision stratégique à long terme, les victoires d’aujourd’hui peuvent devenir les défaites de demain.
Il n’est d’édifice solide que celui fondé sur le compromis particulièrement dans les moments cruciaux de l’histoire. La reconstruction de la maison commune ne peut se faire sans, encore moins contre ceux qui ont aidé à la sauver des périls. Si le 12 juin divise profondément, le 13 est un autre jour qui doit réunir tous les Algériens sous un même toit. Cela commence par détendre définitivement le climat politique et social de sorte à ce qu’aucun Algérien n’ait à avoir peur.